Les manieurs d'argent à Rome jusqu'à l'Empire
Section première.
Les publicains. — Caractères de leurs entreprises. — Personnel de
leurs sociétés.
§ 1er. — Adjudications de l’État. — Leurs débuts.
L’histoire des publicains ne remonte pas à l’époque royale. Elle se place, presque tout entière, entre les guerres Puniques et Auguste.
De grands travaux furent exécutés pendant la royauté, mais tout donne à penser que c’était sous la direction des agents de l’État et l’autorité du roi, que s’exécutaient ces travaux. Un passage de Tite-Live ne peut laisser aucun doute à cet égard ; pas plus que les paroles que l’historien orateur place, à cette occasion, dans la bouche de Brutus[161]. On sait, du reste, que les citoyens furent très souvent requis, même malgré eux, pour construire les solides édifices et les beaux aqueducs dont les ruines, encore visibles, remontent aux premiers temps de Rome[162].
[161] Tite-Live, I, 56 ; II, 59.
[162] Tite-Live fait dire à Brutus, pour exciter le peuple à la révolte : « Opifices ac lapicidas, pro bellatoribus factos. »
De même, pour la perception des revenus publics qui, d’ailleurs, ne devaient pas être considérables, l’adjudication ne dut pas être très pratiquée sous les rois. Cependant, les terres publiques devaient être déjà louées, et il est certain que l’exploitation des salines fut donnée à l’adjudication de très bonne heure.
Quant à des associations organisées pour ces exploitations, il n’en est question nulle part, à l’égard de l’époque royale.
Il en est à peu près de même, du commencement de la République, jusqu’aux guerres Puniques, 490-264 ; ou, du moins, les documents ne sont ni très clairs, ni très nombreux ; et on en est encore à peu près réduit aux conjectures sur l’œuvre des publicains à cette époque.
Cependant, il résulte de plusieurs textes de Tite-Live, que, dès le début de l’ère républicaine, les terres conquises en Italie devenaient, en grande partie, biens du domaine public, et étaient adjugées à des fermiers moyennant des redevances en nature ou en argent[163].
[163] Voir les quelques détails donnés à ce sujet par Belot, op. cit., p. 182 ; Tite-Live, XXVII, 3, tome II ; Mommsen, op. cit., t. V, p. 409.
Tout, au reste, fut mis en adjudication chez les anciens Romains, les travaux les plus simples, les patrimoines insolvables, les liquidations difficiles, et bien d’autres choses plus humbles, si nous en croyons les Satires d’Horace[164].
(Horace, Sat., III.)
Voir aussi Horace, Épît. II, et Mommsen, t. IV, p. 133.
Il faut reconnaître, d’ailleurs, que d’autres peuples plus anciens avaient dès longtemps connu la ferme des impôts ; elle était pratiquée en Orient, en Grèce, en Sicile notamment et même en Gaule chez les Æduens[165], bien avant la conquête. Est-ce aux Grecs ou aux Carthaginois que ces usages ont été directement empruntés ? Nous répondrons, avec M. Luigi Correra, le dernier qui ait écrit sur cette matière, que c’est assez difficile à indiquer[166]. Probablement, c’est à la pratique générale que les Romains se sont conformés. Mais ils devaient, comme en toutes choses, aller bien plus loin que tous leurs devanciers.
[165] César, De bello gall., I, XVIII : « Dumnorix complures annos portoria, reliquaque omnia Æduorum vectigalia parvo pretio redempta habere… »
[166] Di alcune imposte dei Romani. Turin, 1887.