Les manieurs d'argent à Rome jusqu'à l'Empire
6o Moyens de poursuite : actions civiles et prétoriennes. — Pour accomplir ces opérations, les banquiers avaient diverses actions à leur service, d’autres existaient au service de leurs clients.
Par l’action de eo quod certo loco, le banquier, qui avait promis de faire un payement sur une autre place, pouvait y être indirectement contraint par l’indemnité à laquelle il s’exposait, s’il se bornait à payer à Rome[287]. L’action était arbitraire ; elle ne paraît pas, d’ailleurs, avoir été organisée principalement en vue du commerce de la banque.
[287] « Ideo in arbitrium judicis refertur hæc actio, quia scimus quam varia sint pretia rerum per singulas civitates regionesque : maxime vini, olei, frumenti : pecuniarum quoque, licet videatur una et eadem potestas ubique esse, tamen altis locis facilius, et levibus usuris inveniuntur, aliis difficilius, et gravibus usuris. » — L. 3, D., de eo quod certo loco, XIII, 4.
Il en est de même de l’action résultant du mandatum pecuniæ credendæ ; elle pouvait singulièrement faciliter les mandats de versements de fonds, puisque celui qui faisait l’avance à l’emprunteur avait action contre le mandator qui lui servait de garant, et que cela pouvait se faire dans les formes les plus simples. Ceci n’empêchait pas les banquiers de se servir, au profit de leurs clients, des autres modes d’intercessio pratiqués par tout le monde.
L’action receptitia, au contraire, était spéciale aux banquiers. Nous n’exagérerons rien assurément sur ses effets très caractérisés, si nous en référons au texte de M. Accarias qui ne se laisse pas facilement entraîner à de simples conjectures. « Nous savons », dit le savant romaniste[288], « que les banquiers seuls s’obligeaient dans la forme du receptitium ou receptum, que leur obligation était sanctionnée par une action perpétuelle dite receptitia, et qu’elle avait pour objet un ou plusieurs payements à faire à un tiers ou pour le compte d’un tiers, et cela sans qu’on distinguât si ce tiers était ou non créancier du banquier ni si lui-même devait quelque chose ou ne devait rien à la personne qui toucherait le payement. L’objet du receptum ainsi déterminé, on voit tout de suite que, selon les circonstances, il contient une ouverture de crédit ou n’est qu’une façon de mettre à la disposition d’un client, soit à jour fixe, soit à volonté, des fonds qu’il a déposés dans une maison de banque ou qu’elle a encaissé pour lui. On voit aussi que, comme le receptum ne suppose aucune provision fournie au banquier, l’action qui en résulte n’est pas exposée à échouer contre l’exception non numeratæ pecuniæ, et, à ce point de vue, ce contrat présente un avantage évident sur la stipulatio et la transcriptio. Mais comment se formait-il ? Quelques mots obscurs de Justinien ont fait croire à plusieurs interprètes qu’il exigeait des solennités de paroles. Mais à ce compte le receptum eût été d’une application plus gênante que le contrat litteris, et au lieu de simplifier les rapports des banquiers avec leurs clients, il les eût compliqués. J’estime donc que, s’il exigeait quelques formalités, ce ne pouvait être que des écritures et probablement fort simples. A l’époque de Justinien, le receptum était presque tombé en désuétude. » Cette disparition s’explique, le constitut était venu prendre sa place, et l’on sait que Justinien fondit les deux institutions[289].
[288] Accarias, op. cit., t. II, p. 776, 3e édit. ; no 720, p. 614, 4e édit.
[289] §§ 8 et 9, Inst. IV, VI, de action.
Tout cela est absolument affirmé, non seulement par les données du droit, mais aussi par celles de l’histoire, et l’on voit ainsi quelle variété d’opérations le droit, même le plus ancien, avait voulu rendre possible à ces banquiers de tous noms[290].
[290] Quint., XI, 92 ; Plaute, Curculio, II, 3, 66 ; III, 1, 64 ; IV, 3, 3 ; V, 2, 30 ; 3, 34.