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Les manieurs d'argent à Rome jusqu'à l'Empire

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6o Vue d’ensemble sur le régime des publicains en Sicile. — Si nous jetons un coup d’œil d’ensemble sur ces détails de la vie des publicains en province, pour en tirer une conclusion, nous remarquerons d’abord que nous sommes ici dans une province des mieux traitées par l’État. On a laissé persister la législation sicilienne d’avant la conquête sur la juridiction, sur l’impôt principal et sur son mode de perception.

Un esprit particulier de bienveillance avait dominé dans la lex Provinciæ en Sicile ; on en aurait bénéficié, sans doute, si l’on n’eût pas eu à compter avec les publicains et les gouverneurs. Les lois y valaient mieux que ceux qui étaient chargés de les appliquer.

Il est résulté de cet état de fait, que les sociétés vectigaliennes se sont constituées dans l’île autrement que dans les provinces ordinaires ; que, notamment, elles ont fractionné leurs exploitations bien plus que cela ne devait se faire normalement. C’est ce qui a rendu possible, à Verrès, cette fraude consistant à exclure tous autres adjudicataires que ceux de son choix, dans plusieurs régions. Si l’exploitation eût été plus étendue, le procédé eût été peut-être plus difficile à pratiquer, et les concurrents plus redoutables, même pour un préteur sans scrupule.

Il en aurait été de même probablement, pour les autres illégalités flagrantes, préjudiciables aux publicains. Si ces derniers eussent appartenu aux grandes compagnies, ils auraient pu protester utilement contre les actes d’un gouverneur, même tel que Verrès, et opposer puissance à puissance.

Mais le mal, pour les infortunés provinciaux, serait resté le même, ou plutôt il se serait accru avec les grandes compagnies, à l’égard des fraudes les plus fréquentes, celles dont le gouverneur et les publicains profitaient ensemble.

La nature des opérations qui furent pratiquées par Verrès avec l’ordre des publicains, nous prouve combien c’est à bon droit que nous appelons les publicains des Manieurs d’argent. Les fonds circulent entre leurs mains dans tous les sens. Non seulement l’État délivre sur eux des mandats de payement, qui les mettent en compte avec les gouverneurs, mais leurs livres accepti et depensi constatent des avances de fonds, des emprunts, des prêts usuraires, sous lesquels Verrutius, en réalité Verrès, dissimule ses propres opérations. Ils reçoivent des dépôts.

Mais ce qui domine toutes ces fraudes, ces complicités honteuses, ces abus de tout genre dont les publicains se rendent coupables, avec ou sans les gouverneurs, c’est la régularité parfaite de leur administration et de leur comptabilité. Il faudra une assemblée générale, pour faire disparaître quelques pièces anciennes, quelques lettres contenant certaines recommandations ; quant aux pièces de comptabilité, à proprement parler, en cas de perte, on en retrouve sûrement le double chez celui qui fut magister pendant l’année dont on s’occupe ; et, en tous cas, ces registres accepti et depensi, on sait bien où ils sont, ils ne peuvent pas sortir de la place que la loi leur a fixée, et il est difficile d’y dissimuler les moindres ratures, tant ils doivent être bien tenus.

Les actionnaires peuvent être en sécurité, même lorsqu’on éloigne la multitude qu’ils forment autour de la direction ; on ne fera que des concessions utiles à la compagnie, et ils auront, comme les associés en nom, exactement leur part de bénéfices. Voilà ce que l’on retrouverait sûrement, en dehors de ce qui est spécial à la Sicile, dans toutes les compagnies qui exploitent le territoire de la République, comme adjudicataires de l’État.

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