Les manieurs d'argent à Rome jusqu'à l'Empire
4o Mandats de payements. — On pouvait utiliser ces dépôts de beaucoup d’autres manières. « Que les argentarii fussent dépositaires réguliers ou non », dit M. Humbert, notre savant maître, « les déposants les chargeaient souvent d’opérer pour leur compte des payements (scriptura per mensam ou de mensa solvere), et l’on avait même admis d’assez bonne heure, qu’on pouvait les charger d’opérer des prêts (mutuum), pour le compte du déposant sur un mandat appelé præscriptio (præscribere, solvere ab aliquo). Il arriva, naturellement, que les capitalistes prirent l’habitude de verser leurs deniers chez l’argentarius, avec clause tendant à leur faire produire intérêts, tout en se réservant la faculté d’en ordonner l’emploi à volonté[283]. »
[283] Dict. de Daremberg et Saglio, vo Argentarii.
Il y avait là, assurément, des opérations qui tendaient à assouplir aux besoins de la pratique journalière, ce qu’on a appelé le formalisme du vieux Droit romain, et le fait est, par lui-même, intéressant à constater ; mais faut-il aller jusqu’à déclarer que c’est notre chèque moderne que l’on retrouve dans ces mandats de payement ? Nous dirons, comme nous l’avons déjà dit, à propos de la lettre de change, que c’est le trait caractéristique, la clause à ordre donnant la faculté de circulation jusqu’à l’échéance, qui manque dans les deux cas[284] ; en réalité, les Romains ne connurent pas plus l’un que l’autre de ces merveilleux instruments de crédit, dans ce qu’ils ont de plus original et de plus fécond.
[284] Ce pourrait être, tout au plus, un chèque souscrit au profit d’une personne déterminée, ainsi que la loi du 14 juin 1865 permet de le faire. Art. 1er.
Peut-être même, n’arriva-t-on à ce procédé des ordres écrits, de ces mandats de payement, qu’après de bien longues hésitations. Sénèque dit que, de son temps encore, le déposant amenait son créancier à la table du banquier détenteur de ses fonds, et le faisait payer devant témoins (pararii). Il déchargerait, du même coup, le banquier son débiteur, et se déchargeait lui-même de sa dette par le versement effectif des fonds entre les mains de son créancier présent. C’est le procédé le plus simple ; ce fut, probablement, le premier employé. Les livres du banquier vinrent donner d’autres facilités.