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Les manieurs d'argent à Rome jusqu'à l'Empire

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4o Voies d’exécution. Les règles sur les voies d’exécution étaient sans doute moins bien déterminées que celles que nous venons de signaler pour la juridiction et la compétence ; quoi qu’il en soit, Verrès n’observe pas davantage, sur ce point, les lois et les usages ; il emploie partout la violence et l’arbitraire, quand il s’agit d’extorquer quelque chose à un malheureux administré.

Régler les voies d’exécution, protéger le vaincu de la bataille judiciaire contre les exigences du vainqueur, c’est le devoir essentiel d’un pouvoir exécutif jaloux de conserver l’ordre et la paix : Verrès n’en avait eu aucun souci ; il aidait, au contraire, à pressurer le contribuable désarmé. Aussi Cicéron constate que le sol est abandonné, la terre laissée en friche, et le pauvre provincial aux abois. Il ne faut pas s’en étonner. Les lois romaines contenaient quelques mesures protectrices pour eux contre les excès des publicains ; Verrès n’en tint aucun compte. Cicéron le lui reproche et nous fournit ainsi de nouvelles indications. « Ita diligenter constituta sunt decumano, ut tamen ab invito aratore plus decuma non possit auferri. »

Verrès, en effet, accorde sans pudeur toute liberté d’action aux publicains ses complices ; et les juges, ses complices aussi, confirmeront le résultat, si on a le courage de se présenter devant leurs tribunaux avilis.

Il impose d’abord aux agriculteurs l’obligation d’indiquer en détail l’étendue des terrains qu’ils se proposent d’ensemencer ; il leur défend d’enlever la récolte avant que les decumani ne l’aient contrôlée ; enfin, il leur enjoint de commencer par livrer aux publicains tout ce que ceux-ci demandent, sauf le droit de se plaindre, après s’être préalablement exécutés. « Quantum decumanus edidisset aratorem sibi decumæ dare oportere, ut tantum arator dare cogatur. » Tout cela est signalé par Cicéron comme injuste et contraire à la loi, non seulement à la loi appliquée en Sicile, mais à celle de toutes les provinces.

Le publicain peut réclamer et prendre des gages pour assurer le recouvrement de l’impôt ; il ne doit pas se faire une justice préalable par la confiscation, tel est le droit partout, en Asie, en Macédoine, en Espagne, en Afrique, en Italie[480].

[480] « Quum omnibus in aliis provinciis, Asiæ, Macedoniæ, Hispaniæ, Africæ, Sardiniæ, ipsius Italiæ, qua vectigalia sunt, quum in his, inquam rebus omnibus publicanus petitor et pignerator, non ereptor neque possessor soleat esse. »

Il est vrai que, d’après les règlements de Verrès, le publicain qui avait dépassé ses droits devait être condamné à payer huit fois la valeur de l’excédent. Mais Verrès pouvait établir des pénalités sévères, ses tribunaux étaient là pour ne les appliquer qu’avec discernement, et sans doute pas du tout, puisque c’est sur les publicains qu’elles auraient dû frapper.

Il serait fastidieux d’énumérer tous les procédés employés par Verrès pour prendre, sous prétexte d’impôt, aux pauvres agriculteurs, tout ce qu’ils pouvaient avoir. Le troisième discours de la seconde action contient une foule d’anecdotes lugubres, et de détails odieux que nous devons nous borner à signaler ici.

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