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Hier et demain : $b pensées brèves

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CHAPITRE VIII
L’imprévisible en histoire.

L’obscure volonté des choses semble parfois supérieure à celle des hommes et déroute leurs prévisions. Quand la guerre cessa entre la France et l’Angleterre en 1815, ces pays avaient été en lutte pendant soixante ans sur une période de 127 années. Au moment de Fachoda, le conflit faillit se renouveler. Comment deviner alors que ces deux grandes nations deviendraient un jour alliées ?


Les événements imprévisibles ont été beaucoup plus nombreux pendant la guerre que les faits prévisibles. Personne, par exemple, ne prévoyait sa durée. On pouvait encore moins deviner l’accumulation de fautes psychologiques qui dressa presque tous les peuples de l’univers contre l’Allemagne, malgré son désir de maintenir une neutralité conforme à ses intérêts.


Longue serait la liste des événements réalisés contrairement à toutes les prévisions. Nul n’avait soupçonné la défaite de l’immense Russie par le petit empire japonais ; et personne n’aurait pu supposer que la faible Belgique résisterait au puissant empire germanique. On eût moins présagé encore que l’Angleterre et l’Amérique, dépourvues d’armées et profondément hostiles au militarisme, constitueraient des puissances militaires de premier ordre.


Après la retraite de Charleroi, un esprit raisonnant selon les données de la psychologie, de la stratégie et de l’histoire, n’eût jamais prévu qu’une armée en retraite se retournerait brusquement et arrêterait net l’élan d’un envahisseur victorieux.


Un événement est imprévisible quand chacune des possibilités dont il dépend offre des chances de réalisation presque égales. Les Allemands reconnaissent que la prolongation de la guerre leur eût été impossible s’ils n’avaient, à ses débuts, conquis le bassin de Briey dont la défense était facile. Les Alliés n’auraient pu également continuer à lutter si l’Amérique avait, comme les Allemands l’espéraient, interdit l’exportation du fer qui nous manquait. De tels événements échappaient évidemment à toutes les prévisions.


Il restera toujours inexplicable que l’Allemagne n’ait pas compris l’intérêt immense qu’elle avait à ne pas obliger les États-Unis à lui déclarer la guerre. Tout l’or des Alliés serait passé progressivement en Amérique et le moment approchait où, leur crédit étant épuisé, ils n’auraient pu se procurer l’acier et le matériel que seuls les États-Unis étaient en mesure de fournir.


L’Allemagne avait intérêt à attaquer sa rivale redoutée l’Angleterre, à envahir la France pour conquérir ses richesses, mais on cherche vainement quel pouvait être son but en attaquant la Russie dont l’industrie, le commerce et la banque étaient entre ses mains au point que beaucoup de Germains considéraient ce pays comme une colonie allemande. Impossible de comprendre un tel événement quand on ignore ses causes mystiques.


Les Allemands avaient prévu bien des choses avant de déclarer la guerre, sauf cependant les plus essentielles, telles que la résistance des Français, les interventions de l’Angleterre, de l’Italie et de l’Amérique.

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