Hier et demain : $b pensées brèves
CHAPITRE VI
Les opinions collectives.
L’opinion collective est devenue si puissante que les autocrates les plus absolus ne sauraient lui résister. Les peuples, et non leurs maîtres, dicteront bientôt la paix ou la guerre.
L’opinion publique représente une force considérable, mais rarement spontanée. Il faut des meneurs pour la créer ou l’orienter, surtout dans le cas de grands conflits.
S’annexer à un groupe, c’est prendre l’âme collective et les opinions de ce groupe. Dans les agglomérations aux contours bien nets : militaires, magistrats, professeurs, etc., l’identité des occupations et surtout la contagion mentale donnent à tous les membres de ce groupe des opinions collectives voisines.
Les enchaînements de la logique collective n’étant pas ceux de la logique rationnelle, les contradictions que ne supporterait pas la seconde sont acceptées facilement par la première.
Les foules raisonnent peu, mais sentent et réagissent vivement. Entre la sensation et la réaction, l’individu sait intercaler un raisonnement, l’homme en foule ne le peut pas.
Les mots et les images ont plus de pouvoir sur l’âme des multitudes que tous les arguments.
Une opinion fondée sur des sentiments collectifs peut être exacte, mais la raison n’a généralement aucune part dans sa genèse.
On a justement remarqué qu’en Russie les foules ne s’attachent pas aux idées, mais au verbe. En quelques minutes elles applaudiront avec enthousiasme des orateurs soutenant des opinions diamétralement contraires. La même observation pourrait s’appliquer à beaucoup de pays.
Quand l’homme auquel on veut confier la direction d’une affaire propose de se faire assister par un comité, il faut renoncer immédiatement à lui confier cette affaire.
En devenant collective l’erreur acquiert la force d’une vérité.