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Hier et demain : $b pensées brèves

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CHAPITRE VII
L’évolution industrielle des guerres modernes.

Le fondeur de canons est devenu le grand arbitre des temps nouveaux. Les maîtres du monde ne pourraient rien sans lui.


Les guerres modernes sont des guerres d’industriels beaucoup plus que de généraux. Le génie de César et celui de Napoléon resteraient impuissants contre un adversaire possédant un nombre illimité de canons.


Les effectifs ont joué un rôle important, mais non essentiel, dans la guerre actuelle. Les moyens de destruction mécaniques exercèrent une action prépondérante appelée à le devenir davantage encore avec les progrès de l’industrie. Dans l’avenir, ce ne seront pas sans doute les pays les plus peuplés, mais possédant le plus d’engins de destruction, qui acquerront la prédominance militaire.


Les philosophes qui voudront montrer avec quelles difficultés s’établissent certaines vérités élémentaires rappelleront qu’il fallut de longs mois d’observation et la perte de plusieurs centaines de milliers d’hommes pour faire comprendre le rôle des tranchées, des fils de fer et des canons à longue portée.


La guerre s’est faite avec des éléments dont aucun n’était connu de nos généraux : sous-marins, tranchées, fils de fer, avions et canons lourds.


La tranchée constitue une forteresse mobile déplacée à volonté quand elle est prise ou détruite.


La tranchée moderne a rendu impossibles les batailles décisives d’autrefois comme celles d’Actium, d’Iéna et de Waterloo qui fixaient en une journée le sort d’un pays. Quoique très longues et très meurtrières les guerres actuelles restent cependant toujours indécises.


Primitivement dédaignée des chefs militaires, l’artillerie lourde finit par être considérée comme le grand facteur des batailles. Son efficacité, cependant, est limitée, puisque les Allemands ne réussirent pas à s’emparer de Verdun.


Les difficultés de l’offensive moderne et la fréquente impossibilité de percer des lignes de tranchées sont mises en évidence par les statistiques affirmant que la destruction d’un mètre de tranchées coûte 30 000 francs, 3 tonnes d’acier et quatre à cinq jours de travail, alors que le travail d’un jour suffit pour refaire une tranchée de mêmes dimensions.


La guerre a prouvé une fois encore qu’un procédé de destruction quelconque engendre immédiatement la création des moyens de s’en protéger. Obusiers de 420, zeppelins, gaz asphyxiants, etc., ont vu bientôt leurs effets plus ou moins annulés. Le sous-marin lui-même ne saurait échapper longtemps à cette loi. Un agent de destruction vraiment invincible devrait posséder des effets assez instantanés pour anéantir les armées et les villes avant qu’elles aient le temps de se défendre.


Quand l’évolution industrielle des guerres aura pris tout son développement un nombre immense d’engins destructeurs sera facilement manié par un petit groupe de spécialistes exercés. La machine à tuer remplacera alors le guerrier comme la houille a remplacé l’esclave.

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