Hier et demain : $b pensées brèves
CHAPITRE III
La religion socialiste.
Le rôle des croyances n’est pas moins important aujourd’hui que dans le passé. Beaucoup d’hommes se croient dégagés de toute religion, mais l’esprit mystique les domine toujours. La foi socialiste est une des manifestations de cet esprit au même titre que le bouddhisme et l’islamisme.
Les adeptes de sectes politiques diverses : nihilistes, francs-maçons, socialistes, etc., sont des êtres religieux ayant perdu d’anciennes croyances, mais ne pouvant se passer d’une foi pour orienter leurs pensées.
En enseignant la fraternité universelle et la déchéance de l’homme, le christianisme a détruit chez les Romains l’idée de patrie et anéanti la civilisation antique. Le triomphe de l’idéal socialiste désagrégerait aussi le culte de la patrie et, par la lutte des classes, il engendrerait des guerres civiles conduisant chaque patrie à se détruire elle-même.
Les croyances à forme religieuse comme le socialisme sont inébranlables parce que les arguments restent sans prise sur une conviction mystique. Le fidèle croit et ne raisonne pas.
Tous les dogmes, les dogmes politiques surtout, s’imposent généralement par les espérances qu’ils font naître et non par les raisonnements qu’ils invoquent.
Guidés seulement par la raison les pacifistes avaient de justes motifs pour déclarer la guerre impossible. Ils oubliaient seulement que les peuples sont orientés par des forces sur lesquelles la raison est sans prise.
Les historiens ne constateront pas sans étonnement que le catéchisme socialiste allemand n’exerça ses ravages chez les ouvriers français et les politiciens qui les suivent qu’après avoir été pratiquement abandonné en Allemagne.
Malgré leurs divergences de principes, le socialisme collectiviste et le militarisme conduisent exactement au même résultat : la servitude.
Plusieurs penseurs ont soutenu que le triomphe du socialisme pouvait amener un retour complet à la barbarie. L’expérience de la Russie montre du moins qu’un peuple subjugué par la foi socialiste tombe vite dans un état d’anarchie qui le rend victime de voisins peu soucieux d’adopter une foi génératrice de pareilles conséquences.
Il n’existe qu’une parenté illusoire entre le socialisme latin et celui des Américains et des Allemands. Préoccupés surtout de la production des richesses, ces derniers l’ont favorisée, sachant bien que l’ouvrier en profite toujours. Préoccupés uniquement de la répartition des richesses, les socialistes français et leurs législateurs n’ont au contraire cessé, en poursuivant le capital, de le détourner des entreprises nationales et de l’obliger à se porter sur les placements étrangers. Ils ont ainsi accentué notre décadence économique.
La guerre de classes, adoptée par les socialistes français après avoir été délaissée par leurs confrères allemands, serait plus meurtrière et plus coûteuse encore que les guerres entre peuples. Ces dernières ne créent, en effet, que des ruines provisoires, alors que la première engendrerait une ruine définitive.
L’homme ne donne tout son rendement que s’il est directement intéressé au succès de l’œuvre entreprise. De ce principe psychologique résulte que l’ouvrier ne touchant pas un salaire proportionnel à ses efforts pour la prospérité de son usine, et l’employé de l’État travaillant à prix fixe, fourniront toujours un rendement médiocre.
Si le socialisme consistait simplement à vouloir l’amélioration du sort des multitudes, tout le monde serait socialiste, mais les deux points fondamentaux de la doctrine : la lutte des classes et la suppression du capital, entraîneraient la désagrégation des sociétés et leur ruine.
Jamais le rôle du capital ne s’est révélé aussi important que pendant la guerre mondiale. Non seulement la puissance d’expansion économique d’un pays, mais surtout sa force défensive et par conséquent son indépendance, résultent de sa richesse. Il importe donc de ne plus entraver son développement comme ne cessent de le faire les législateurs dominés par les influences socialistes.
Les pays où les socialistes auront le pouvoir, non de détruire le capital, ce qui est impossible, mais de le faire émigrer, sont voués à une rapide décadence.
Le rôle du capital, prépondérant dans la guerre actuelle, le sera plus encore dans les guerres futures. L’obus du canon de 75 coûte 60 francs, celui du 305, 2 500 francs. Pour détruire un canon ennemi à 4 kilomètres il faut tirer plus de 1 000 projectiles du 155 court. La destruction d’un canon ennemi valant 10 000 francs, coûte plus de 300 000 francs avec le 155 et énormément plus avec des calibres supérieurs. Les spécialistes auteurs de ces calculs ont évalué à 25 milliards les dépenses de l’artillerie depuis le commencement de la guerre.
Un pays sans capital est un pays sans défense.
La prodigieuse persistance des illusions socialistes se trouve bien marquée dans les lignes suivantes d’un savant écrivain. « La dure épreuve imposée depuis trois années au monde n’a rien appris aux socialistes. Ils tournent obstinément autour des mêmes formules, par lesquelles ils s’appliquaient jadis à créer les plus dangereuses illusions. Tout ce qu’ils voient dans cette guerre c’est la possibilité d’en tirer argument en faveur de cette lutte des classes sociales qui constitue le fond de leur doctrine. »
Les nations peuvent-elles prospérer sans concurrences intérieures et extérieures ? Les socialistes résolvent facilement ce problème, mais l’expérience ne l’a pas résolu encore.
Vivant dans les théories abstraites indépendantes des lois économiques, les socialistes peuvent promettre aux foules les paradis dont elles sont avides. Limités par des nécessités économiques inflexibles, les adversaires du socialisme ne sauraient faire les mêmes promesses et posséder par conséquent le même prestige.
La plus dangereuse des erreurs socialistes, fut de ne pas comprendre que la lutte des classes nuit à une production dont l’ouvrier profite toujours. Les socialistes allemands qui enseignent cette lutte dans leurs livres, y ont pratiquement renoncé depuis longtemps.
Il fallait entièrement ignorer les mobiles conduisant les hommes pour imaginer une société où tous les moyens de production seraient exploités en commun. Cette conception impliquant pour les peuples une étroite servitude ne pouvait germer que dans des cerveaux soumis à la rude discipline des casernes germaniques.
L’intelligence, le capital et le travail sont les facteurs essentiels du développement industriel moderne. En lutte chez les nations que dominent les illusions socialistes, ces trois éléments ont fini, chez d’autres peuples, par former une association génératrice principale de leurs progrès.
Il est impossible de dire si le capitalisme disparaîtra dans l’avenir. On ne peut nier aujourd’hui qu’après avoir transformé le monde en moins d’un siècle, il reste l’élément indispensable de ses nouveaux progrès.
Pour comprendre la persistance de certaines illusions socialistes il faut se souvenir que l’absurdité d’un dogme ne nuit jamais à sa propagation.
On saisit la puissance de la religion socialiste en constatant que, malgré les irréparables désastres qu’elle faillit engendrer, ses adeptes n’ont rien perdu de leur foi et prétendent encore régir les sociétés avec leurs chimères.
La religion socialiste a fait de tels progrès dans certains esprits que parler de liberté individuelle, d’initiative, de limitation des droits de l’État, leur semble le langage d’un âge disparu.
Au point de vue des doctrines socialistes, la guerre présente deux phénomènes d’apparence contradictoire. Elle a d’abord déterminé l’effondrement des théories internationalistes en prouvant que les liens créés par la race sont beaucoup plus forts que ceux résultant des intérêts de profession. D’autre part, le développement de l’étatisme allant jusqu’au servage a momentanément réalisé le plus chimérique des rêves socialistes.
Les convictions mystiques échappant aux atteintes de la raison et de l’expérience, les socialistes verront seulement dans la guerre une confirmation de leurs doctrines.
Les progrès de la religion socialiste vérifient cette loi de l’histoire que si les peuples changent parfois les noms de leurs dieux ils ne sauraient se passer de ces grands fantômes pour orienter leur vie.