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Hier et demain : $b pensées brèves

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CHAPITRE IV
Les qualités psychologiques nécessaires aux gouvernements.

Un chef d’État représente aujourd’hui une synthèse de volontés qu’il peut orienter, mais qui le dominent s’il ne sait pas les orienter.


De même que le physicien connaissant les forces de la nature est maître des phénomènes, l’homme d’État capable de manier les forces psychologiques dirigerait à son gré les sentiments et les volontés des hommes.


L’homme d’État habile sait utiliser les illusions dont beaucoup d’âmes ne peuvent se passer. L’homme d’État inexpérimenté les persécute et en est victime.


L’ignorance de la psychologie des peuples fut de tout temps une source d’erreurs politiques désastreuses.


Les classes dirigeantes sont issues de concours révélant la mémoire, mais non les qualités de jugement et de caractère qui font la valeur de l’homme. Aussi les sociétés se trouvent-elles conduites par des chefs souvent médiocres.


Vivre exclusivement dans les livres empêche de comprendre les réalités. C’est pourquoi les gouvernements de théoriciens sont si dangereux pour un pays.


Plus un problème politique est difficile, plus on trouve d’hommes se croyant aptes à le résoudre.


L’absence de clairvoyance et l’irrésolution constituent les plus habituels défauts des hommes politiques. Ne sachant pas diriger les événements, ils se laissent dominer par eux, et subissent tous les hasards.


Parmi les hommes politiques présidant aux destinées des peuples on rencontre beaucoup d’esprits simplistes, persuadés que les lois naturelles se modifient avec des décrets. Rares sont les esprits observateurs ayant le sens des possibilités et se bornant à orienter la marche des choses sans prétendre en transformer le cours.


Les foules s’imaginent volontiers que leurs gouvernants appartiennent à une humanité supérieure infaillible. De là leurs fureurs dès qu’une défaillance révèle l’homme derrière l’idole.


La valeur d’un ministre dépend beaucoup de son entourage, mais l’art de choisir les hommes est encore plus difficile que celui de les gouverner.


Tel homme devenu ministre aurait dû être simple cocher et tel autre, resté cocher, mériterait d’être ministre, disait Napoléon. Sans doute, mais comment faire la distinction et découvrir les vraies capacités ?


Les pires tyrans sont moins dangereux que les gouvernants indécis. L’indécision fut toujours génératrice de catastrophes.


Si tant d’hommes d’État se montrent irrésolus dans leurs actes, c’est faute d’avoir une idée nette de ce qu’ils veulent et de ce qu’ils peuvent.


L’homme incapable de dominer ses nerfs est indigne d’occuper le plus humble échelon de la puissance politique. Si la guerre de 1870 devint inévitable, c’est que les négociations furent conduites par un ministre n’ayant pas assez de calme pour vérifier, avant d’agir, l’exactitude des faits rapportés dans la dépêche falsifiée qui déclencha le conflit. La subtile psychologie d’un diplomate ennemi réussit à utiliser notre irritabilité ethnique pour nous lancer dans une série de catastrophes.


Les chefs d’État doivent savoir discerner les mobiles susceptibles d’agir sur les diverses mentalités. Incapables d’un tel discernement, les diplomates allemands ne comprirent pas que la terreur, si efficace sur les Balkaniques, serait sans action sur les autres peuples.


Une des plus dangereuses habitudes des hommes politiques médiocres est de promettre ce qu’ils savent ne pouvoir tenir.


En politique les institutions importent moins que les mœurs.


Les assemblées parlementaires constitueraient un régime politique suffisant si l’on pouvait les soustraire à l’influence des grands fantômes qui les oppriment : la peur, la jalousie et la haine. Ils furent depuis vingt-cinq ans les inspirateurs de persécutions et de lois désorganisatrices de l’industrie, des finances et de l’armée.


Le sectarisme et la crainte des électeurs laissent difficilement aux législateurs une grande liberté de jugement.


Aux États-Unis, les attributions de l’État se trouvant peu nombreuses, les influences politiques demeurent sans action. Le rôle du politicien ne devient désastreux que dans les pays où l’État absorbe toutes les fonctions.


Il fut toujours dangereux pour les peuples d’être conduits par des hommes plus préoccupés des effets de leurs mesures sur un parti que de la valeur de ces mesures et de leur intérêt général.


L’homme d’État supérieur sait opposer l’évidence qu’il perçoit à l’erreur que l’aveuglement des partis politiques prétend lui imposer.


L’inexpérience politique se manifeste généralement par le besoin d’accumuler des mesures restrictives. Prises un peu au hasard, elles sont généralement contraires à toutes les lois économiques et il faut bientôt les rapporter.


Les gouvernements qui n’ont pas su créer l’opinion ne la connaissent souvent qu’au moment où elle les renverse.


Les hommes d’État sans caractère tâchent vainement d’étayer leur faiblesse individuelle en l’associant à des faiblesses collectives.


On ne peut rien attendre des hommes politiques pour lesquels le monde est un miroir reflétant seulement leurs désirs, leurs rêves et leurs craintes.


Alors que le savant recherche la vérité sans craindre ses conséquences, le politicien médiocre s’en méfie et la considère comme une ennemie. Il censure son expression dans la vaine espérance de l’anéantir.


Une des erreurs politiques les plus dangereuses est de confier à des orateurs brillants la direction des affaires publiques. Napoléon avait déjà remarqué que les grands orateurs aptes à gouverner une assemblée étaient incapables de conduire la plus modeste affaire.


Un grand orateur est rarement un grand penseur. L’art de l’orateur consiste surtout à manier habilement les formules illusoires capables d’impressionner les foules.


L’homme politique qui dépense son activité en paroles la dépense rarement en actions.


Pour les diplomates comme pour les femmes, le silence est souvent la plus claire des explications.


Le véritable homme d’État se montre parfois intransigeant dans ses discours, mais jamais dans ses actes. Les nécessités qui régissent la vie des peuples modernes ne sont pas compatibles avec l’intransigeance.


Gouverner c’est pactiser, pactiser n’est pas céder.


Pour gouverner sagement, il ne faut pas oublier que l’influence du passé limite l’action possible de l’homme sur le présent. La foule des vivants reste toujours encadrée par celle des morts.


L’idée que les hommes se font des choses est pour les gouvernants plus utile à connaître que la valeur réelle de ces choses.


Faire naître, grandir ou disparaître des sentiments et des croyances dans l’âme des peuples représente un des éléments essentiels de l’art de gouverner.


Savoir manier les sentiments d’un peuple, c’est diriger sa volonté. Savoir les perpétuer, c’est refaire son âme.

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