Hier et demain : $b pensées brèves
CHAPITRE IV
Les réformes et les lois.
Il faut de longues années de voyages et d’observations pour comprendre que les véritables réformes ne se font pas avec des lois.
Science et politique ne sauraient avoir les mêmes méthodes. La première est surtout préoccupée du général, la seconde du particulier. Étudiant des choses fixes ou artificiellement fixées, la science établit facilement les lois qui régissent les éléments des choses. La politique se trouve au contraire en présence d’êtres vivants et mobiles aux réactions souvent imprévues.
La valeur des institutions dépend uniquement de la façon dont elles sont appliquées. Aucune ne possède une souveraine vertu.
Une réforme politique ou sociale est rarement utile quand elle ne succède pas à une transformation mentale.
Les lois ne sont efficaces qu’à la condition de suivre les coutumes sans chercher à les précéder. Leur rôle est de sanctionner des usages et non de les créer.
Une réforme n’est durable que si elle représente l’addition de petites réformes successives.
Les lois et les règlements deviennent nuisibles quand, au lieu de traduire des nécessités d’intérêt général, ils ont simplement pour but de satisfaire les exigences d’un parti.
Les lois cessent d’être justes quand elles s’appliquent à des êtres de mentalité inégale. Régir une colonie avec des codes européens sous prétexte d’assimilation constitue une dangereuse utopie.
Un règlement n’est compris et respecté que formulé en termes brefs et clairs. Un long règlement est nécessairement mauvais parce qu’on ne peut en retenir toutes les parties.
Une des forces de l’Allemagne est d’avoir su, grâce à sa militarisation, faire observer les règlements et les lois alors qu’ils sont peu respectés chez les peuples latins.
Ébranler le respect d’une seule loi c’est ébranler la force de toutes les autres. Les décrets moratoires du début de la guerre fournissant des prétextes pour se soustraire à de formels engagements ont porté à l’armature sociale un coup dont elle ne se remettra que lentement.
Un véritable progrès après la guerre ne serait pas d’édicter de nouvelles lois, mais d’en supprimer un grand nombre.
La guerre n’aura pas été sans utilité si elle nous fait découvrir qu’au lieu de réclamer sans cesse des réformes à l’État c’est nous-mêmes qu’il faudrait réformer.
Pas de force durable chez un peuple avec l’instabilité des lois, des institutions, des idées et des doctrines.
On ne fait pas le droit, il se fait. Cette brève formule contient toute son histoire.