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Hier et demain : $b pensées brèves

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LIVRE IV
Facteurs matériels de la Puissance des Nations

CHAPITRE PREMIER
L’âge de la houille.

Dans la phase d’évolution actuelle du monde, les actions des peuples et des rois sont dominées par des nécessités économiques beaucoup plus fortes que leurs volontés.


L’âge industriel a définitivement envahi le monde. La supériorité d’un peuple n’est plus caractérisée par le développement de sa philosophie, de sa littérature et de ses arts, mais par sa richesse en houille et sa capacité technique.


Dans tout le monde antique et jusqu’à une époque récente la puissance d’un pays dépendait beaucoup du nombre et de la capacité de ses habitants. Elle résulte principalement aujourd’hui de sa richesse en charbon.


L’évolution nouvelle de l’âge moderne se caractérise par le rôle de la houille. Sans utilité il y a deux siècles, elle est devenue si indispensable que la vie d’un pays s’arrêterait avec sa disparition. Plus de chemins de fer, plus d’usines, et en temps de guerre plus de canons.


La houille seule pouvait créer le machinisme rénovateur moderne de la civilisation.


Dans la vie des peuples, l’enchaînement des phénomènes finit par dominer toutes les volontés. La découverte de mines de houille permit à l’Allemagne la fabrication économique de produits d’exportation. Il en résulta une surproduction nécessitant la conquête de marchés lointains et, par voie de conséquence, la création d’une flotte puissante pour protéger ces exportations. Les ambitions germaniques grandirent et la réalisation de l’ancien rêve d’hégémonie parut possible.


La richesse d’un pays en charbon et en fer détermine aujourd’hui, non seulement le niveau de sa puissance militaire et industrielle, mais encore sa possibilité d’expansion commerciale.


Le rôle prépondérant du fer et du charbon dans les guerres modernes a été mis en évidence par le manifeste des six grandes associations industrielles de l’Allemagne affirmant que sans la conquête du bassin de Briey, au début de la guerre, la lutte n’aurait pu être continuée, faute du fer nécessaire aux munitions.


La puissance conférée à un pays par sa richesse en charbon résulte du fait que le travail annuel d’un ouvrier, coûtant environ 1 500 francs, peut être accompli par une quantité de houille valant 3 francs. L’ouvrier-houille coûte donc cinq cents fois moins cher que l’ouvrier humain[1].

[1] On trouvera les éléments de ce calcul dans mon ouvrage : Les enseignements psychologiques de la guerre (27e édition).


La prospérité économique de l’Allemagne tient surtout à ce qu’elle extrait annuellement de son sol 190 millions de tonnes de charbon. Leur énergie mécanique représente le travail manuel de 950 millions d’ouvriers.


Tâcher d’accaparer l’énergie solaire comme le firent les plantes qui formèrent jadis la houille sera pour les peuples privés de charbon un des gros problèmes de l’avenir.


Un pays dont la richesse houillère est insuffisante ne peut fabriquer économiquement. Il se trouve par conséquent forcé de limiter ses exportations à des produits dont la fabrication exige une faible force motrice.


Accroître la production houillère d’un pays revient à augmenter le chiffre de ses travailleurs. Avec beaucoup de houille et peu d’habitants un peuple est plus riche et plus fort qu’avec peu de charbon et beaucoup d’habitants.

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