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Hier et demain : $b pensées brèves

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CHAPITRE IV
L’éducation.

Les hommes se conduisant beaucoup plus avec leur caractère qu’avec leur intelligence, le but de l’éducation devrait être de dresser le caractère. Les Allemands connaissent cette vérité, notre Université semblait l’ignorer tout à fait.


L’éducation pourrait inculquer à l’élève l’esprit de corps en l’intéressant aux succès de sa classe autant qu’à ses propres succès. Il comprendrait alors que mieux vaut s’associer avec ses rivaux que les combattre. Très méconnu en France, ce principe constitue un des éléments de la puissance industrielle allemande.


L’éducation technique, la discipline de l’école puis de la caserne et l’aptitude à l’effort collectif rendent facile aux Germains l’exécution minutieuse du travail commandé. Ce n’est pas le maître d’école, mais le technicien qui permit l’expansion industrielle de l’Allemagne.


Un savant professeur a parfaitement résumé l’état de notre éducation technique en écrivant : « La guerre nous a forcés de créer en quelques mois un outillage chimique formidable, alors que nous nous refusions à perfectionner en temps de paix un matériel rudimentaire qui nous faisait prendre en pitié par nos concurrents. »


On saisit l’utilité de l’éducation technique à ne considérer même que l’enseignement agricole. Les spécialistes affirment que si nous obtenions en céréales le même rendement à l’hectare que les Allemands, dont le sol est pourtant inférieur à celui de la France, notre richesse annuelle serait accrue de deux milliards.


En France l’agriculture reste une des professions les moins considérées, alors qu’elle exige des connaissances plus variées que la plupart des autres. « L’homme sachant bien diriger une ferme serait capable de gouverner l’empire des Indes », disait un ministre anglais.


La réforme de l’enseignement industriel et commercial, jugée d’une utilité absolue en Angleterre, serait encore plus nécessaire en France, mais elle s’y heurtera longtemps à l’opposition d’une Université qui prétend tout diriger bien que rebelle à tous les changements.


Le fouet à l’école, le bâton à la caserne, rendent les Germains capables d’obéir sans discussion aux ordres de leurs chefs. L’énergie développée pendant la guerre par des peuples chez lesquels ces procédés sont inconnus prouve que l’âme humaine peut être disciplinée par des méthodes moins serviles.


Un ministre de la Guerre prussien affirmait, au cours du présent conflit, que la préparation militaire de la jeunesse à l’école doit avoir pour but non seulement de la rendre plus forte, « mais aussi de mettre un frein à l’esprit d’indépendance personnelle et d’initiative qui menace de dégénérer en un subjectivisme dissolvant dont périssent les démocraties ». Ces principes ne sont utiles que pour former des soldats prêts à se sacrifier aux ambitions d’un souverain.


Si l’égalité démocratique est réalisable, elle le sera seulement par un système d’éducation utilisant les capacités spéciales de chaque être et non par des institutions politiques.


Une des forces de l’éducation allemande est de savoir tirer parti, grâce à des enseignements variés, des aptitudes différentes de chaque élève. Une cause de faiblesse dans l’éducation latine est son enseignement identique appliqué à des mentalités dissemblables.


L’éducation ne devrait pas avoir pour but la récitation de manuels, mais la création d’habitudes de pensée et de caractère. L’enseignement purement mnémonique de nos Universités développe peu l’intelligence et nullement le caractère. Professeurs, parents et élèves ne l’ont pas encore compris.


Aucune amélioration possible de l’éducation en France si elle continue à être dirigée par des universitaires ne connaissant le monde qu’à travers leurs livres.


Une éducation purement intellectuelle devient vite une cause de décadence.


Les théories livresques ne fournissent qu’une conception déformée de l’univers, sans rapport avec les enseignements de l’expérience.


Les Anglais considèrent avec raison que certains jeux scolaires préparent très utilement à la vie. Une équipe sportive implique en effet : association, hiérarchie, discipline, qualités indispensables à une société qui veut prospérer.


Une des réformes futures les plus nécessaires sera d’inculquer à tous les jeunes Français le respect de la discipline. Elle était devenue nulle dans la famille, nulle à l’école, nulle dans les administrations, nulle dans les arsenaux, nulle enfin partout.


L’homme ne sachant pas se dominer lui-même y est contraint par les lois, mais cette discipline imposée ne vaut jamais la discipline interne que peut donner l’éducation.


La réforme de l’éducation constituera la tâche la plus urgente après la guerre. Bien que des esprits éclairés aient inutilement tenté de modifier notre Université, il ne faut plus désespérer d’y réussir en songeant que les grandes catastrophes sont génératrices de réformes que tous les discours du temps de paix ne pouvaient obtenir.


Une éducation capable d’accroître le jugement et la volonté est parfaite, quelles que soient les choses enseignées. Avec ces seules qualités, l’homme sait orienter sa destinée.


Mieux vaut comprendre qu’apprendre.

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