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Hier et demain : $b pensées brèves

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CHAPITRE V
La morale.

Parmi les causes de la force d’un peuple figure au premier rang le degré de sa moralité. Lorsque la Russie se trouva sans munitions ni vivres, par la faute d’une série de ministres, de généraux et de bureaucrates prévaricateurs, elle comprit nettement le rôle de la morale dans la vie des nations.


La morale d’un peuple est l’œuvre de son passé. Le présent crée les vertus de l’avenir. Nous vivons de la morale de nos pères et nos fils vivront de la nôtre.


Toute règle morale est d’abord une gêne, une contrainte qu’il faut imposer. La répétition seule en fait une habitude facilement acceptable.


Une moralité commerciale élevée donne à un peuple la supériorité sur des rivaux n’atteignant pas le même degré de moralité. Quand un éditeur, par exemple, inscrit sur la couverture d’un guide ancien une date récente pour tromper l’acheteur, ou qu’un fabricant réputé d’objectifs met sa marque sur un instrument médiocre, ils ne font que favoriser les concurrents étrangers tenant à jour leurs guides et vérifiant leurs instruments.


La guerre actuelle aura contribué à prouver que, même en politique, l’honnêteté est utile. L’Allemagne sait aujourd’hui ce que lui coûta la violation de ses engagements à l’égard de la Belgique. Les ministres russes qui trahirent leur patrie et occasionnèrent les désastres d’où sortit la révolution durent faire dans leurs cachots de sérieuses réflexions sur les avantages de la probité.


On citera pendant longtemps comme preuve de l’inintelligence des foules les socialistes russes complotant d’abandonner les Alliés, entrés en guerre uniquement pour défendre la Russie, sans comprendre que de tels projets déshonoraient leur pays et engendraient à son égard une méfiance qui l’empêcherait à l’avenir de trouver des alliés.


L’honnêteté raisonnée est de la sagesse, mais du fait seul qu’on la raisonne elle tend à ne plus être de l’honnêteté.


Un des plus sûrs résultats des manœuvres diplomatiques allemandes fut de provoquer une méfiance universelle. L’Allemagne a détruit dans le monde toute confiance en ses discours. Elle souffrira longtemps de cette défiance désormais indestructible.


En méprisant, au nom de leurs théories philosophiques, toutes les lois morales pendant la guerre, les Allemands auront involontairement contribué à la création d’une morale internationale. Réunis pour se défendre, les peuples ont tellement insisté sur les principes pour lesquels ils luttaient que ceux-ci, jadis un peu vagues, finiront par s’incruster dans les âmes et inspirer un respect si universel qu’on n’osera plus les violer.


Suivant les philosophes allemands, la morale qui règle les rapports entre individus ne s’applique pas aux États. En leur qualité de souverains absolus, les gouvernements ne sont liés par aucun traité. On ne pourra évidemment attacher qu’une confiance bien limitée aux futurs contrats faits avec un pays professant de pareilles doctrines.

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