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Hier et demain : $b pensées brèves

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CHAPITRE II
Les forces biologiques et affectives.

Les forces biologiques comprennent tous les besoins nécessaires à l’entretien de la vie. Elles sont canalisées par les deux grands facteurs d’activité de tous les êtres : le plaisir et la douleur.


Les forces affectives, c’est-à-dire les sentiments et les passions, se mettant le plus souvent au service des forces biologiques, la raison est impuissante contre elles.


Les progrès de la civilisation ont développé considérablement l’intelligence, mais ils sont restés sans action sur les sentiments dont l’agrégat constitue le caractère. L’ambition, la cupidité, la férocité et la haine survivent à toutes les époques.


Sur la plupart des questions scientifiques ou techniques dépendant de l’intelligence, les hommes de tous les pays se trouvent d’accord parce que l’expérience est leur guide. En matière religieuse, politique ou sociale, les impressions personnelles remplaçant l’expérience, la compréhension n’est possible qu’entre personnes douées de sentiments identiques. Ce n’est plus alors la justesse des choses, mais l’identité des sentiments provoqués par ces choses qui crée l’entente.


Les divergences intellectuelles se supportent et une raison faible s’incline facilement devant une raison forte. Les divergences sentimentales, au contraire, ne se tolèrent pas. La violence seule les fait céder.


Les sentiments deviennent facilement contagieux. L’intelligence ne l’est pas.


Les êtres s’égalisent beaucoup plus dans le domaine des sentiments que dans celui de l’intelligence.


Les sentiments et l’intelligence n’ayant ni évolution parallèle, ni commune mesure, une civilisation très haute se superpose aisément à des sentiments très bas.


Des hommes d’intelligence supérieure ont parfois, au point de vue sentimental, une mentalité voisine de celle d’un sauvage.


Dès qu’un sentiment s’exagère, la faculté de raisonner disparaît.


Un peuple qui ne réussit pas à dominer ses instincts de barbarie finit par les glorifier afin de pouvoir leur obéir sans honte. Ce fut une grande habileté des philosophes germaniques d’essayer de justifier par des raisons biologiques et historiques les impulsions ataviques de conquête, de meurtre et de pillage de leur race.


Certains sentiments ne peuvent être combattus que par des sentiments identiques. On ne domine pas la méchanceté, la violence et la mauvaise foi avec de l’honnêteté et des scrupules.


Les grands auteurs dramatiques de tous les temps comprirent que les sentiments ne se hiérarchisent pas. Le plus intense domine à un moment donné tous les autres. Euripide montre la jalousie l’emportant sur l’amour maternel quand Médée immole les fils qu’elle avait eus de Jason, pour le punir de son infidélité. Corneille, au contraire, nous fait voir le besoin de vengeance effacé chez Chimène par son amour pour le meurtrier de son père.


La loi physiologique d’après laquelle deux douleurs étant simultanées, la plus forte efface la plus faible, se vérifie également dans le domaine des sentiments. Les diplomates allemands l’ignoraient quand ils escomptaient nos haines politiques. Elles étaient très fortes, mais disparurent instantanément devant la haine plus forte encore de l’étranger.


Les passions vivent rarement isolées. L’envie a pour compagne la haine, l’amour n’existe guère sans jalousie. L’avarice est inséparable de la dureté.


Dans les civilisations modernes, le besoin du luxe, ou tout au moins de ses apparences, est souvent plus impérieux que celui du nécessaire.


Un être sans préjugés, sans illusions, sans vices et sans vertus serait tellement insociable que la solitude constituerait son seul refuge.


La plupart des chagrins et des joies de l’existence résultent de ce que nous attachons aux choses une importance disproportionnée à leur valeur.


Si imparfaite que soit encore la connaissance des logiques affective, mystique et collective, elle donne cependant déjà la clef de phénomènes historiques que la logique rationnelle ne saurait expliquer.

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