Hier et demain : $b pensées brèves
LIVRE II
Pendant les Batailles
CHAPITRE PREMIER
La genèse psychologique
des grands conflits.
Les causes immédiates d’une guerre n’ont qu’un intérêt secondaire. Il faut plonger dans ses causes lointaines pour découvrir sa genèse.
Les éléments rationnels jouent en général un rôle peu important dans l’origine des conflits qui remplissent l’histoire.
La raison se borne uniquement à servir les forces affectives, mystiques ou collectives qui sont les vrais moteurs des grands conflits.
Les sentiments les plus actifs dans la genèse des guerres sont l’orgueil, l’ambition, la méfiance et la haine.
La méfiance, plus encore que la haine, a été depuis cinquante ans le sentiment dominant les relations entre peuples européens. Elle les a conduits à des armements dont l’exagération rendait la guerre inévitable.
On peut ramener à un petit nombre de causes les grands conflits de l’histoire : 1o Causes biologiques : telles les impulsions de la faim qui déterminèrent jadis les invasions germaniques destructrices de la civilisation romaine. 2o Causes affectives : telles la jalousie, la haine, la cupidité et surtout l’ambition. Les guerres de Cent Ans et de Sept Ans sont des guerres d’ambition. 3o Causes mystiques : telles les influences supposées de puissances supérieures ordonnant aux fidèles de conquérir le monde. Elles déterminent les invasions musulmanes, les croisades, les guerres de religion, la guerre de Trente Ans, et la guerre actuelle. 4o Causes économiques : telle la surproduction industrielle suscitant des rivalités commerciales.
La puissance militaire se met indifféremment au service des influences biologiques, affectives, mystiques et économiques.
Les dirigeants allemands réussirent à rendre la guerre populaire en lui attribuant pour cause la nécessité de se prémunir contre l’invasion russe redoutée depuis longtemps, puis contre le désir supposé de revanche des Français, enfin contre la menaçante rivalité économique de l’Angleterre. La crainte de l’invasion russe fut la principale cause déterminante de l’adhésion unanime des Allemands. Seuls leurs chefs connaissaient assez la désorganisation de la Russie pour savoir qu’elle n’était pas redoutable.
Il est bien rare que les peuples se battent avec acharnement pour des intérêts purement matériels. Les plus grands peuples en conflit aujourd’hui, les États-Unis notamment, combattent pour des principes.