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Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, tome 1/2

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PRINCIPAUX MAGISTRATS.

Juges ordinaires et gens du Roy, des Cours souveraines et Juridictions subalternes de Paris.

PARLEMENT.

Premier Président.

M. de Harlay[1], Cour du Palais.

[1] Achille de Harlay, qui avoit succédé dans cette charge à M. de Novion, en sept. 1689. Sa complaisance, lorsqu’il étoit procureur général, pour la légitimation des bâtards du Roi, « doubles adultérins », fut, selon Saint-Simon, la source de sa fortune. Il avoit été « l’adroit auteur de cette légitimation… sans nommer la mère. » Saint-Simon, Mém. 1877, in-18, t. XX, table rédigée par lui-même, p. 257.

Présidens à Mortier.

M. de Nesmond[2], Quay de la Tournelle[3].

[2] Il avoit acquis, en 1689, de Lamoignon, qui en garda la survivance, cette charge de président à mortier. Lorsque Nesmond mourut en 1693, Lamoignon eut ainsi le droit, moyennant 350,000 livres données à sa famille, de reprendre la charge. (Dangeau, Journal, 4 déc. 1689 et 19 mars 1693.)

[3] Son hôtel y existe encore presque intact, auprès de la Pharmacie centrale, qui étoit alors, nous l’avons dit plus haut, l’hôtel dont Mme de Miramion, belle-mère de Nesmond, avoit fait un couvent. Selon Saint-Simon, c’est Nesmond qui fit le premier poser au-dessus de sa porte un marbre avec son nom en lettres d’or. V. nos Enigmes des rues de Paris, p. 181.

M. de Maisons[4], ruë de l’Université.

[4] Il est beaucoup parlé de lui dans Saint-Simon, qui dit beaucoup de bien de son esprit, et assez peu de son caractère. Il mourut en août 1715, dans toute la force de son influence sur le Parlement, et avec l’espérance qu’à la mort du roi, qui ne devoit tarder que de quelques jours, il seroit fait garde des sceaux. Le nom de sa famille étoit Longueil. Elle l’avoit échangé pour celui de Maisons, lorsque l’aïeul du président avoit obtenu l’érection en marquisat de la terre de Maisons, où il avoit fait bâtir un si beau château, pendant qu’il étoit surintendant des finances. Ses malversations le firent révoquer. Il se contenta de dire : « Ils ont tort ; j’avois fait mes affaires, j’allois faire les leurs. » Saint-Simon, notes sur Dangeau, 12 avril 1705.

M. de Champlatreux[5], ruë du Brac.

[5] De l’illustre famille des Molé, et fils de l’un des derniers gardes des sceaux. Il céda sa charge à son fils, lorsqu’il eut trente et un ans. (Dangeau, 11 avril 1707.)

M. le Pelletier[6], vieille ruë du Temple.

[6] Il devint premier président après la démission de M. de Harlay, et se démit lui-même de cette charge, en 1712, à la mort de son père, Claude Le Pelletier, ancien ministre d’Etat et contrôleur général, qui l’y avoit fait rester malgré lui. Un accident arrivé au Palais, dans l’Hôtel de la Présidence, où le plancher de la salle à manger croula sous lui, avoit dérangé son cerveau, jusqu’à le rendre presque incapable de tout travail. (Saint-Simon, t. IV, 78 ; VI, p. 212.) C’est son père, étant prévôt des marchands avant d’arriver au Ministère, qui avoit fait construire près de la Grêve, en 1675, le quai nommé, à cause de lui, quai Pelletier. (Id., t. I, p. 301.)

M. de Mesmes[7], ruë Sainte Avoye.

[7] Jean-Antoine de Mesme, neveu du comte d’Avaux dont il a été question plus haut. Il avoit succédé, comme président à mortier, à son père mort en janvier 1688. Il devint premier président en 1712, par suite de la démission de Le Pelletier.

M. de Novion[8], ruë du Baac.

[8] Potier de Novion, de l’Académie française, qui avoit été jusqu’en septembre 1689 premier président. Sa vénalité força le roi de lui faire abandonner cette charge pour la céder à M. de Harlay. « Sur ses injustices réitérées, dit Saint-Simon, le roi prit enfin le parti de l’obliger à se défaire. » (Note sur Dangeau, 20 septembre 1689.)

M. Talon[9], ruë Saint Guillaume.

[9] Denis Talon, d’abord avocat général. Il avoit eu, en novembre 1690, une des deux places de présidents à mortier que le roi venoit alors de créer, et pour chacune desquelles il avoit fait verser à l’un et à l’autre des titulaires une somme de 350,000 livres, afin de dédommager les présidents à mortier de ce qu’on augmentoit leur nombre. (Dangeau, 12 nov. 1690.) — Sa maison existe encore au no 16 de la rue Saint-Guillaume, avec cette « structure tout à fait belle », dont parle G. Brice, édit. de 1684, t. II, p. 187. « Les appartements, ajoute-t-il, sont très agréables, ayant les vues tournées sur les jardins des maisons voisines. La cour est grande, et enfin il paroît que cette maison a été élevée avec beaucoup de dépense ; mais ce qui lui donne un merveilleux ornement, est l’excellente bibliothèque qui y est, composée de tout ce qu’il y a de plus rare et de plus recherché, soit pour les manuscrits, soit pour les livres imprimés. »

M. de Menars[10], porte de Richelieu[11].

[10] Jean-Jacques Charron de Ménars, frère de Madame Colbert, qui avoit d’abord été conseiller au Parlement et surintendant de la maison de la Reine. Il avoit eu la seconde des deux charges de président à mortier créées en 1690, et dont Talon, nous l’avons dit, avoit eu la première. Il mourut au mois de mars 1713, à sa belle terre de Ménars, près de Blois : « plein d’honneur, dit Saint-Simon (t. X, p. 28), de probité, d’équité, et modeste, prodige dans un président à mortier. »

[11] Son hôtel étoit en effet « à côté de la porte de Richelieu », dans l’impasse qui a gardé, en devenant une rue, le nom de Ménars qu’elle lui devoit. Il avoit d’abord logé rue Vivienne, près de l’hôtel de son beau-frère Colbert (G. Brice, édit. 1684, t. I, p. 89). La bibliothèque de De Thou, qu’il avoit achetée tout entière un fort grand prix, le suivit dans ces deux hôtels, où Quesnel, puis l’abbé Du Guay en furent les gardiens intelligents. Quant à lui, il ne s’en occupoit guère, et celui qui l’acquit à sa mort n’en prit pas beaucoup plus de souci : « Le cardinal de Rohan, dit Saint-Simon (t. X, p. 28), acheta sa précieuse bibliothèque, qui étoit celle du célèbre M. de Thou, qui fut pour tous les deux un meuble de fort grande montre, mais de très-peu d’usage. »

Présidens des Enquestes.

Première Chambre, Mrs de Meaupou, ruë Pierre Sarrazin[12], et de la Barde[13], Cloître Notre Dame.

[12] Il devint président à mortier à la mort de Ménars, par suite d’un marché que Saint-Simon qualifie d’extraordinaire, et qui l’est, en effet, il lui acheta en 1717 la survivance de sa charge pour la somme énorme de 750,000 livres, dont 250,000 comptant, et 500,000 à verser aux héritiers. Il y eut de plus 20,000 livres de pot de vin !

[13] Denis de la Barde, qui en même temps que président des enquêtes étoit archidiacre de Josas et chanoine de l’église de Paris, ce qui explique sa demeure au cloître Notre-Dame. Il mourut le 2 mars 1709, à soixante et onze ans.

Deuxième Chambre, Mrs Sevin de Quinsi, ruë des Blancs Manteaux, et de Thumery de Boissise, ruë Barbette.

Troisième Chambre, Mrs Briçonnet, ruë porte Foin, et Amelot[14], rue Dauphine.

[14] Amelot de Chaillou, qui étoit arrivé à cette présidence des enquêtes, après avoir été longtemps doyen des maîtres des requêtes. Il avoit, en 1688, marié son fils, qui n’avoit pas moins de 100,000 livres de rente, avec la fille de Barillon, notre ambassadeur à Londres.

Quatrième Chambre, Mrs Crosset[15], ruë Neuve Saint Augustin, et Feydeau, Cloistre Nostre Dame.

[15] Louis-Alexandre Croiset, et non Crosset, qui mourut le 19 novembre 1728, à quatre-vingt trois ans, président d’honneur au Parlement.

Cinquième Chambre, Mrs de la Baroire[16], ruë de Taranne, et le Clerc de Lesseville[17], Cloître Saint Méderic.

[16] Il ne devroit plus figurer ici, puisqu’il étoit mort au mois d’octobre de l’année précédente. Son entrée au Parlement, comme conseiller, datoit du 19 décembre 1659. Il avoit épousé une vieille mais très-riche veuve, avec laquelle il se conduisoit fort mal, suivant Mme de Sévigné, qui l’appelle de la Baroie. V. sa lettre du 4 juin 1676. C’est lui, d’après les Clés, qui, pour cela, auroit servi de type au 26e caractère de La Bruyère, dans le chap. de Quelques usages.

[17] C’est, d’après les Clés, un des Sannions de La Bruyère. Ils étoient plusieurs frères, tous dans la haute robe, qui descendoient, disoit-on, d’un tanneur de Mantes dont la fortune étoit venue d’un prêt qu’il avoit fait sur parole à Henri IV, dans le temps de la bataille d’Ivry.

Présidens des Requestes du Palais.

Première Chambre, Mrs Ferrand, ruë Serpente[18], et Besnard de Rezé, près les Capucins du Marais.

[18] C’est ce pauvre président Ferrand, dont la femme, une Belizani, fit tant parler d’elle, moins pour l’Histoire des amours de Cléante et de Belise, assez piètre roman de sa façon, que pour l’histoire de ses propres amours. Le scandale en fut si grand, que le président refusa de reconnoître une fille, dont elle étoit accouchée, et qu’elle dut faire élever sous un nom supposé, dans un couvent. Cette fille, dont le prénom étoit Michelle, plaida par la suite pour se faire reconnoître, mais n’obtint du Parlement que d’être reconnue par sa mère. Le célèbre libraire De Bure, qui avoit habité, rue Serpente, l’hôtel du président, recueillit avec soin, comme souvenir, toutes les pièces de ce curieux procès. (V. le Catalogue de sa bibliothèque, pp. 35 et 40.)

Deuxième Chambre, Mrs de Boiquemare[19], rue de Bourbon, et Brunet de Thorigny, ruë des Francs-Bourgeois.

[19] Lisez de Bocquemart. La présidente d’Osembray, grande coquette du temps, la Lise de La Bruyère, l’avoit épousé en secondes noces, mais sans vouloir perdre son premier nom. C’est ce qui a fait dire à La Bruyère (Des femmes, § 76), à propos de certains maris et de leurs femmes : « ils n’ont souvent rien de commun… pas même le nom… chacun a le sien. »

Avocats Generaux.

M. de Harlay[20], Cour du Palais.

[20] Fils du premier président, nommé plus haut. Il étoit avocat général depuis le mois de janvier 1691, et devint conseiller d’Etat en février 1697, tout cela fort jeune pour de si importantes fonctions, car lorsqu’il mourut, le 23 juillet 1717, il n’avoit que quarante-neuf ans.

M. de la Moignon[21], à l’Hostel d’Angoulesme[22].

[21] Chrétien de Lamoignon, fils aîné du célèbre premier président Guillaume de Lamoignon, à qui est adressée une des épîtres de Boileau. Ce fils devint président à mortier en avril 1698, et mourut le 7 août 1709.

[22] Au coin de la rue Pavée et de la rue des Francs-Bourgeois, il existe encore, avec ses curieuses façades sur la cour, telles qu’elles avoient été construites par Diane de France, fille naturelle de Henri II, dont l’initiale et les emblèmes se voient encore dans les frontons, et après laquelle l’hôtel, pour rester dans la bâtardise, passa au duc d’Angoulême, fils naturel de Charles IX et de Marie Touchet, de qui lui vint le nom qu’on lui donne ici. Il prit celui de Lamoignon, qu’il a gardé, lorsque les Lamoignon s’y furent succédé. Le premier fut Chrétien, l’avocat général, qui fit de grandes réparations dans les jardins, qui étoient alors d’une grande étendue ; et dont la bibliothèque, qui avoit Adrien Baillet pour bibliothécaire, y devint célèbre. (Germain Brice, édit. de 1701, t. I, p. 323.)

M. d’Aguesseau[23], ruë Pavée, prés Saint André[24].

[23] L’illustre chancelier. Avant d’arriver à l’être, le 2 février 1717, il fut, dès le 12 janvier 1691, avocat général, comme nous le voyons ici, puis en octobre 1700, procureur général.

[24] Son hôtel existe encore. C’est le premier qu’on trouve à gauche en entrant, de la rue Saint-André-des-Arts, dans la rue Pavée, qui s’appelle aujourd’hui rue Séguier, du nom d’une autre illustre famille de magistrats, qui occupoit l’hôtel voisin de celui-ci. Le 27 juin 1714, éclata à l’hôtel d’Aguesseau un terrible incendie qui donna lieu à de grands procès, par suite de la destruction de nombreux dossiers appartenant à diverses parties. (Bruneau, Observations sur les lois criminelles, in-4o, p. 93.)

Procureur General.

M. de la Brisse, rue Barbette.

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