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Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, tome 1/2

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DAMES CURIEUSES.

Madame la Duchesse de Lude, prés saint Eustache[1].

[1] Marguerite-Louise-Suzanne de Béthune Sully, qui, veuve du comte de Guiche, avoit épousé Henri de Daillon, duc de Lude, veuf lui-même de Rénée-Eléonore de Bouillé. Elle étoit magnifique en meubles et en argenterie, mais elle sacrifia tout, quand vinrent les désastres. Toute son argenterie, ses meubles d’orfévrerie passèrent à la Monnoie, et elle se contenta pour ses galeries, ce qu’admira fort Mme de Sévigné, de meubles de bois et de glaces. L’hôtel qu’elle habitoit, près Saint-Eustache, au coin des rues Montmartre et Tiquetonne, devint plus tard l’hôtel Béthune-Charost. Il existe encore en partie.

Madame la Duchesse d’Orvalle, rue saint Dominique[2], quartier saint Germain.

[2] Anne d’Harville, femme de François de Béthune, duc d’Orval ou d’Erval, troisième fils du duc de Sully.

Madame la Maréchalle de Humiere, à l’Arsenal[3].

[3] Louise-Antoinette-Thérèse de la Châtre, femme du maréchal, duc d’Humière. « Il étoit, dit Saint-Simon, magnifique en tout. » Il collectionnoit des estampes, dont quelques-unes lui sont dédiées. Sa femme partageoit ses goûts.

Madame la Duchesse de Sully, devant saint Paul[4].

[4] Marie-Antoinette Servien, duchesse de Sully, très-magnifique, très-dépensière. Elle mourut pauvre, quoique sa dot eût été de 800,000 livres. Elle habitoit presque devant Saint-Paul, rue Saint-Antoine, l’hôtel bâti par Sully, et qui existe encore à peu près intact.

Madame d’Estrées, rue des trois Pavillons[5].

[5] Marie-Marguerite Morin, duchesse d’Estrées, tenoit de son père, qu’on appeloit Morin le Juif : « brocanteuse, dit Saint-Simon, se connoissoit aux choses et aux prix, avoit le goût excellent, et ne se refusoit rien. »

Madame la Princesse de Meklebourg[6], près saint Roch.

[6] Angélique-Isabelle de Montmorency-Boutteville, duchesse de Mecklembourg-Schwerin. Saint-Simon nous la représente comme « très-avare et très-entasseuse. »

Madame la Duchesse de Porsmeuch, rue[7]

[7] Louise-Renée de Penacoët de Kéroual. Le roi d’Angleterre, Charles II, dont elle avoit longtemps été la maîtresse, l’avoit faite baronne de Petersfield, comtesse de Farsam, duchesse d’Aubigny et de Portsmouth. Revenue en France, lorsqu’il fut mort, elle s’étoit logée sur le quai des Théâtins, auprès de la rue des Saints-Pères, dans un hôtel où elle avoit entassé tout ce qu’elle avoit pu prendre des magnifiques collections de Charles II. Liger, dans le Voyageur fidèle, p. 136, vante sa galerie de tableaux.

Madame la Duchesse de Bouillon, sur le quay Malaquet[8].

[8] Marie-Anne Mancini, duchesse de Bouillon, une des nièces de Mazarin, la protectrice de La Fontaine. Son hôtel existe encore en partie au no 19 du quai Malaquais. Il avoit été bâti par le financier La Bazinière, mais elle l’avoit beaucoup transformé et embelli. En juillet 1696, elle y faisoit encore travailler. « Les dedans, écrit Liger (p. 135), sont plus curieux que les dehors par les tableaux et autres meubles et bijoux qui en sont la richesse et l’ornement. » Suivant Saint-Simon, la duchesse étoit surtout magnifique en pierreries.

Madame la Présidente du Tillet, rue de la Planche[9].

[9] Fille aînée du président Bailleul, mariée au président Girard du Tillet. Elle avoit, dans sa jeunesse, fait beaucoup parler d’elle. V. la Carte du pays de Braquerie, dans l’Histoire amoureuse des Gaules, édit. elzévir., t. I, p. 11.

Madame de Coulange[10], dans le Temple[11].

[10] Marie-Angélique Du Gué Bagnols, femme du marquis de Coulanges, le chansonnier, parent et ami de Mme de Sévigné. Le mari et la femme étoient l’un et l’autre de fins collectionneurs. Coulanges aima d’abord les tableaux : « le cabinet de M. de Coulanges, écrit Mme de Sévigné à sa fille, le 10 nov. 1673, est trois fois plus beau qu’il n’étoit ; vos petits tableaux sont dans leur lustre, et placés dignement. » Il aimoit surtout les portraits. On l’a vu par une fin de couplet citée plus haut. Il donnoit aussi dans les faïences, mais les richesses qu’il vit entassées à l’hôtel de Guise lui firent prendre des goûts plus coûteux : il passa aux cornalines, aux cristaux, aux agathes. C’est encore une des chansons de son Recueil (p. 151) qui nous l’apprend. Sa femme recherchoit les raretés curieuses. Mme de Sévigné (t. X, p. 182) nous a raconté son ravissement lorsqu’elle retrouva le miroir de toilette de la reine Marguerite.

[11] Les Coulanges avoient, à la fin de 1690, quitté la rue du Parc-Royal pour venir habiter un des petits hôtels de l’enclos du Temple.

Madame la Marquise de Richelieu, Isle Notre Dame[12].

[12] Fille d’Hortense Mancini et du duc de Mazarin, et par conséquent nièce de la duchesse de Bouillon, dont nous avons parlé tout-à-l’heure. Le marquis de Richelieu, petit-neveu du cardinal, l’avoit enlevée, en 1682, du couvent de Sainte-Marie de Chaillot, et l’avoit emmenée à Londres, où il l’avoit épousée. Ils habitoient dans l’île Saint-Louis, sur le quai d’Anjou, l’hôtel où avoit logé Lauzun, et qui devint plus tard celui des Pimodan. V. nos Chroniques et légendes des rues de Paris, p. 118-119.

Madame de Boufflers, ruë de Bourbon[13].

[13] Catherine-Charlotte de Grammont, maréchale de Boufflers. Le mari avoit une belle bibliothèque, avec tous les livres à ses armes. Nous ne savons quelles étoient, comme curieuse, les préférences de sa femme.

Madame la Marquise de Quintin, même ruë[14].

[14] Suzanne de Montgommery, comtesse — et non marquise — de Quintin. Saint-Simon, qui lui tenoit d’assez près par sa femme, a fait d’elle et de ses entours, « la meilleure compagnie de la Cour », un bien curieux tableau (t. I, p. 326-327).

Madame de Chavigny, à l’Hotel saint Paul[15].

[15] C’étoit une Phélypeaux de Vilesavin, qui avoit épousé le marquis de Chavigny. On la citoit depuis longtemps comme célèbre curieuse. L’abbé de Marolles, parlant dans ses Mémoires de son cabinet et de celui de Mme d’Aiguillon, dit : « Ils souffrent peu de comparaison pour la magnificence des cristaux, des lapis, des agates, des onyces (onyx), des calcédoines, des coraux, des turquoises, des aigues marines, des amétystes, des escarboucles, des topazes, des grenats, des saphyrs, des perles et des autres pierres de grand prix qui y sont mises en œuvre dans l’argent et dans l’or, pour y former des vases, des statues, des obélisques, des escrins, des miroirs, des globes, des coffres, des chandeliers suspendus et autres choses semblables. »

Madame la Marquise de Mallet, rue saint Loüis du Marais[16].

[16] Rigaud fit son portrait, ainsi que celui de son mari, en 1686. C’est tout ce que nous savons sur elle.

Madame d’Allouy, ruë du Bac[17].

[17] Bénigne de Meaux de Fouilloux, marquise d’Alluye, et non d’Allouy. Grande joueuse, suivant Saint-Simon, et grande confidente de galanteries, quand l’âge l’empêcha de s’en occuper autrement.

Madame de Monchal, près Bellechasse[18].

[18] Il y avoit, dans la famille des Montchal, une fort belle bibliothèque formée par les soins de Pierre de Montchal, conseiller au grand Conseil, mort en 1652. Peut-être est-ce à ce titre que sa bru figure ici parmi les curieuses.

Mademoiselle de Cutigny, rue des Rosiers saint Germain.

Madame de Maillier, rue saint Anastaze.

Madame la Présidente le Lievre, rue de Brac.

Madame la Marquise de Polignac, près la Charité[19].

[19] Marie-Armande de Rambures, marquise de Polignac, tante de l’abbé de Polignac qui devint cardinal, et fit l’Anti-Lucrèce.

Madame de Sauvebœuf, rue de Grenelle, quartier S. Germain.

Madame de Verderonne, rue S. Antoine, à l’Hotel de Beauvais[20].

[20] Nous ne savons rien ni sur elle ni sur son mari Etienne-Claude de L’Aubespine, marquis de Verdronne. Nous ignorons aussi pourquoi elle logeoit à l’hôtel de Beauvais, occupé encore à ce moment-là par le fils de la favorite d’Anne d’Autriche, qui l’avoit fait construire, le baron de Beauvais.

Madame de Chevry[21] et Mademoiselle de Clapisson[22], prés les Enfans Rouges.

[21] Petite nièce de Fénelon, qui avoit épousé tard le vieux Chevry, l’aveugle. Elle tenoit bureau d’esprit, dévot et quiétiste, « qui ne laissoit pas, dit Saint-Simon, d’être compté dans Paris. »

[22] Précieuse de la société de Mlle de Scudéry, qui logeoit tout près d’elle. Les Clapisson étoient une famille de la bonne bourgeoisie parisienne, (V. Archives hospitalières, Hôtel-Dieu, 1re part., p. 107.)

Madame de Lamec[23], rue saint Antoine.

[23] Lisez de Lamet. C’étoit la sœur du curé de Saint-Eustache. Rigaud fit son portrait en 1696.

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