Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, tome 1/2
OPERATIONS CHIRURGICALES.
Monsieur le premier Chirurgien du Roy, a son appartement au vieux Louvre, où il loge quand il est à Paris.
M. de Tertre, son Lieutenant pour la Ville, Prevoté et Vicomte de Paris[1], renommé pour la saignée et pour la grande Chirurgie[2], demeure rue du Jardinet, à l’ancien Hotel de Roüen.
[1] François Du Tertre, que l’Etat de France pour 1692, t. I, p. 240, qualifie « lieutenant des chirurgiens de Paris », retenu par le Roi pour « l’employer où il pourra en avoir affaire. Il a cinq mille et tant de livres d’appointements. » Les chirurgiens du Roi qui étoient au nombre de neuf, un premier ordinaire, et huit ordinaires servant par quartier, pouvoient, d’après une déclaration de Louis XIII, « tenir ou faire tenir boutique, enseigne de chirurgien, où seront les armes du Roy, exclusivement à tous autres barbiers chirurgiens. »
[2] Il prenoit le titre de premier chirurgien du Roi et du Parlement.
Les Prévots, Jurez et Gardes de la Communauté des Chirurgiens Jurez de Paris, sont Messieurs David, rue de l’Arbre sec : Cuqüel, rue Galande, Caubouë, rue Montorgueil : et Gigot, rue saint André.
La Liste générale des maîtres de cette Communauté se peut recouvrer aux Ecoles de Chirurgie près l’Eglise de saint Côme. L’exactitude du chef d’œuvre[3] et des exercices qui s’y font en tout temps, doit faire presumer que cette liste n’est composée que d’habiles gens ; et en effet il y en a peu qui ne se soient rendus recommandables par quelques endroits : par exemple, pour les grandes Opérations, Messieurs Petit à l’Hôtel Dieu[4]. Bessière, près la Trinité[5]. Triboulleau, rue des Juifs. Roberdeau, rue saint André. Haustome, rue de la Truanderie, etc.
[3] On sait que c’est ainsi que s’appeloit dans toutes les corporations l’épreuve décisive pour être reçu maître. Pour la communauté des chirurgiens, ce devoit être une opération faite avec succès.
[4] On a de lui un Traité des maladies des os, et un certain nombre de mémoires parmi ceux de l’Académie des sciences.
[5] « M. Bessière, chirurgien fameux pour les playes et pour les grandes opérations, demeure rue d’Arnetal (Grenétat), près la Trinité. » Edit. 1691, p. 18. — Jacques Bessier — c’est son vrai nom — fut, en effet, célèbre. C’est un des quatre chirurgiens auxquels le roi accorda des lettres de noblesse, il les obtint en 1712. Julien Clément, qu’on trouvera tout-à-l’heure, en avoit eu de semblables l’année précédente.
Pour les Consultations M. Morel, rue du Bac, près les Convalescens[6].
[6] « M. Morel, premier chirurgien de la Charité, recherché pour les consultations chirurgicales… » Edit. 1691, p. 18. — L’hôpital des convalescents, près duquel il demeuroit, se trouvoit rue du Bac, à la hauteur du no 98, qui le remplace. Il avoit été fondé, en 1642, par Mme de Bullion, femme du surintendant des finances, pour les convalescents de la Charité. Tous y étoient admis, à l’exception des soldats, des laquais et des prêtres.
Pour la Saignée Messieurs Gillet, rue d’Orléans. Passerat, rue Neuve des Petits Champs. Canto, rue des Boucheries saint Germain. Gervais, rue saint Antoine. Meurisse, rue saint Jacques, etc.
Pour la reduction des os rompus et demis, M. Michault, rue Hautefeuille, etc.
Pour les accouchemens, Mrs Mauriceau, rue neuve de Richelieu. Clément, rue et devant le petit S. Antoine[7]. Portail et Bonnamy, rue saint Martin. Desforges, près saint Eustache. De Frades, rue Comtesse d’Artois, etc.
[7] « M. Mauriceau, chirurgien-accoucheur, auteur d’un traité des maladies des femmes, qui se vend chez d’Houry, rue Saint-Jacques, demeure dans la rue des Petits-Champs. — Monsieur Clément, qui a eu l’honneur d’accoucher Madame la dauphine, demeure devant le petit Saint-Antoine. » Edit. 1691, p. 18. — Mauriceau, qui fut si célèbre pour les accouchements, et dont le Traité des femmes grosses, qu’il publia en 1681, et qu’il traduisit lui-même en latin, resta classique en chirurgie jusqu’à nos jours, avoit en effet demeuré rue Neuve-des-Petits-Champs avant d’aller rue de Richelieu. Il y logeoit, quand son Traité, qu’il vendoit lui-même, parut. On lit sur le titre : « Chez l’auteur, au milieu de la rue des Petits-Champs, au bon Médecin. » Cet accoucheur avec enseigne ne doit pas surprendre. C’étoit l’usage, que les sages-femmes continuent encore. La plupart des chirurgiens tenoient d’ailleurs boutique, et une enseigne leur étoit nécessaire. On lit dans les Œuvres de Santeul, 1698, in-12, 2e part., p. 178, un distique qu’il avoit fait pour une de ces enseignes : Sur un tableau de la charité de Saint Louis, y est-il dit, à la boutique d’un chirurgien, proche Saint Martial :
Pour l’Anatomie Messieurs Chevalier, rue de la Pelleterie, et Dalibourg, rue Neuve de Richelieu.
M. Tolet Opérateur du Roy pour l’opération de la Pierre qu’on nomme Lithotomie, demeure rue Jacob près la Charité[8].
[8] « M. Tolet, qui a été longtemps chirurgien de la Charité, où il a pratiqué cette opération (de la pierre), et qui est auteur d’un livre qui en traite particulièrement, demeure rue Jacob, près le portail de cet hôpital. » Edit. 1691, p. 18.
Messieurs Collot père et fils, fameux pour la même opération, demeurent rue de Seine quartier saint Germain.
M. Gervais, rue Mazarini au coin de la rue de Guénegaud, a un particulier talent pour penser les loupes, les signes et les porreaux.
M. Girard Chirurgien Opérateur qui s’attache particulierement à la Catharacte, et qui fait son sejour ordinaire à Chalons en Champagne vient à Paris tous les ans au Printemps, et loge rue de la Huchette à l’enseigne des Capillaires de Montpellier[9].
[9] Enseigne toute pharmaceutique. Il sera parlé plus bas, p. 169, n. 2, du sirop que faisoit Blégny avec « les capillaires de Montpellier. »
M. Quarante qui a succédé au feu Sieur Carmeline[10] son oncle pour les maladies et pour les opérations de Dens, demeure sur le quay de la Megisserie devant le Pont neuf.
[10] Ce Carmeline, l’arracheur de dents, avoit été célèbre dès le temps de la Fronde. Il est souvent parlé de lui dans les Mazarinades. Sa boutique étoit sur le Pont-Neuf, au rez-de-chaussée de l’un des deux pavillons de la place Dauphine, où, suivant le Chevræana il s’étoit donné pour ingénieuse devise ce vers un peu arrangé du VIe livre de l’Œnéide :
Son neveu, que Blégny nous présente ici, ne le fit pas oublier. L’arracheur de dents par excellence fut toujours Carmeline. Ecoutez Racine dans une lettre à son fils, du 4 octobre de cette même année 1692 : « Si vous aviez bien lu la vie de Cicéron par Plutarque, vous auriez vu qu’il mourut en fort brave homme, et qu’apparemment il n’auroit pas fait autant de lamentations que vous si M. Carmeline lui eût nettoyé les dents. » En 1696, on ne nomme encore que Carmeline ; de son neveu et successeur Quarante pas un mot : « C’est, dit Arlequin, à la scène première du premier acte d’Arlequin Misanthrope joué cette année-là, c’est une beauté surannée, qui oublie qu’elle n’a pas une dent dans la bouche sur laquelle Carmeline n’ait une hypothèque spéciale. »
Les Sieurs du Moulin, à la Croix du Tiroir, Surin et Coupart au Pont Marie, s’exercent aux mêmes opérations.
Les Sieurs Langlois[11], rue Montmartre ; de Rere et Cuvillier, à la Croix du Tiroir, sont occupez à la reduction des os fracturez et disloquez.
[11] Pierre Langlois, docteur de la faculté de Montpellier, qui soutint, de concert avec François Prieur, de la faculté de Reims, une lutte fort vive, en 1695, contre « les doyens et docteurs de la Faculté de Médecine de Paris », qui ne vouloient pas les reconnoître, et refusoient de consulter avec eux. Après un an de guerre de mémoires et factum, le roi donna raison aux deux docteurs provinciaux. Ce dédain des médecins de Paris étoit depuis longtemps de tradition chez eux. Furetière n’avoit-il pas dit, en 1664, dans sa IVe satire : le Médecin pédant :
Mademoiselle de Blegny directrice honoraire et perpetuelle de la Communauté des Jurées Sages Femmes de Paris, qui pratique seulement pour les personnes de la première qualité et pour celles qui luy sont confiées, demeure chez M. son Fils Apoticaire du Roy, ruë de Guenegaud, première porte à droite[12].
[12] Cet article est différent, moins long, mais plus curieux dans l’édition précédente, p. 19. Blégny n’ose pas y nommer sa femme : « la Directrice en chef honoraire et perpétuelle des jurées sages-femmes de Paris, dit-il, demeure au Jardin médicinal de Pincourt, où les dames de province peuvent faire leur couche à un écu par jour. »
Les Directrices agentes de la Communauté, sont Mesdames Langlois, rue Dauphine, Soret, rue Transnonnain, Cuvilliers, place Baudoyer, et Regnault, rue du Crucifix saint Jacques de la Boucherie.
Pour les Jurez Chirurgiens et les Jurées Sages-Femmes du Châtelet, voyez l’article des Rapports et Verifications d’Experts.
On est renvoyé au même endroit pour le Traité des Rapports de Chirurgie.
Le Livre des Accouchemens de M. Mauriceau[13] et celuy des Décentes de M. de Blegny, se vendent chez Laurent d’Houry, rue saint Jacques[14].
[13] V. plus haut, p. 159-160, sur Mauriceau et son livre.
[14] Il avoit été reçu libraire à la place de Jean d’Houry, son père, en 1678.
Le Traité des Maux Vénériens[15] du même Auteur, se trouve chez Estienne Michallet, rue saint Jacques, et chez la veuve Nion, quay de Nesle[16].
[15] Les remèdes contre ces maladies étoient les plus exploités, et cela pour de honteuses raisons que Lister nous explique au chapitre XI et dernier de son Voyage à Paris en 1698 : « Ces traitements secrets, dit-il, ont mis en pratique de misérables petites espèces de toute sorte, et leur ont donné lieu d’insulter les familles, sitôt qu’elles ont été au fait de leurs malheurs… Tout le monde ici s’en mêle, et veut avoir son spécifique contre cette maladie : Apothicaires, barbiers, femmes, moines… »
[16] Dans l’édit. de 1691, p. 19-20, Blégny donne bien mieux qu’ici la liste de ses livres : « Chez la veuve Nion… l’on trouve tous les autres livres de M. de Blegny, à sçavoir : le Recueil des nouvelles découvertes de médecine, en quatre volumes in-douze, qui se vendent huit livres — il n’a été parlé plus haut que de l’édit. en deux volumes in-8, sans indication de prix ; — le Remède anglois, publié par ordre du Roy, qui se vend vingt sols ; l’Art de guérir les maladies vénériennes, en trois volumes in-12, qui se vendent quatre livres dix sols ; l’Art de guérir les descentes, qui se vend une livre dix sols ; la Doctrine des rapports de chirurgie fondée sur les maximes d’usage et sur la disposition des nouvelles ordonnances, qui se vend une livre cinq sols ; le Bon usage du thé, du caffé et du chocolat, pour la préservation et pour la guérison des maladies, qui se vend une livre dix sols ; les Observations qui ont esté faites dans les astres depuis l’invention des lunettes d’approche avec les utilitez qu’on en peut tirer pour la pratique de la médecine, qui se vend une livre cinq sols, et quelques autres. »
On trouve un grand nombre d’autres Livres de Chirurgie chez les mêmes Libraires.