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Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, tome 1/2

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PASSETEMPS
ET MENUS-PLAISIRS.

Le Théâtre du Palais Royal[1], où sont representées les Tragedies, les Pastoralles et autres Piéces en Musique, est ouvert pour toutes les representations les Mardis, les Vendredis et les Dimanches, et encore les Jeudis, lors qu’il s’agit de Pièces nouvelles[2].

[1] L’Opéra, qui occupoit dans l’aile droite du palais, du côté où s’ouvre aujourd’hui la rue de Valois, la salle que Richelieu avoit fait bâtir pour les représentations de sa Mirame, et qui avoit ensuite servi de théâtre à Molière. C’est à sa mort que Lulli se l’étoit fait donner par le roi.

[2] « Lors qu’une pièce commence à vieillir, le théâtre est fermé les jeudis. On paye à la porte un louis d’or pour les places des premières loges, un demi-louis pour celles des secondes, et trente sous pour celles du parterre et du second amphithéâtre. » Edit. 1691, p. 8.

Les Livres du sujet se vendent à la porte du Théâtre trente sols en paroles seulement, et en partition onze livres en blanc[3], et douze livres dix sols reliez[4].

[3] C’est-à-dire brochées.

[4] « Un louis d’or reliez en basane, ou douze livres dix sols reliez en veau », p. 9.

M. Berrin, Dessinateur ordinaire du Cabinet du Roy[5], qui donne les Desseins de toutes les décorations, habits et machines des Opera, etc., demeure aux galleries du Louvre[6].

[5] Jean Bérain, qui eut de son temps une si grande réputation, que l’on ressuscite un peu dans le nôtre. C’est pour ses décorations de théâtre que Mariette (Abecedario, t. I, p. 119) fait surtout son éloge : « Jamais il n’y eut, dit-il, de décorations de théâtre mieux entendues, ni d’habits plus riches et d’un meilleur goût que ceux dont il a donné les dessins pendant qu’il étoit employé pour l’Opéra, c’est-à-dire pendant presque toute sa vie. » La maquette de sa décoration du 5e acte d’Armide, en 1686, figure en ce moment à l’exposition théâtrale de l’Exposition universelle. On a de lui un recueil in-fol. de 99 planches d’ameublement : Ornements inventez par J. Bérain.

[6] Il y mourut le 26 janvier 1711 : « Il a un cabinet fort curieux, dit Brice, où l’on trouve avec des tableaux rares une quantité très-grande de dessins, entre lesquels les siens ne sont pas la moins belle partie. »

Les Comediens François qui ont leur Hotel rue des fossez saint Germain des prez[7], représentent tous les jours alternativement des Tragedies et des Comedies.

[7] Aujourd’hui rue de l’Ancienne-Comédie, nom qui lui est venu de ce théâtre même, qui, du reste, existe encore en partie au fond de la cour de la maison qui fait face au café Procope. On y emmagasine des papiers peints. Ce fut l’atelier de Gros.

Les Comediens italiens, représentent les Dimanches et les jours que le Theatre de l’Academie Royale de musique est fermé, sur leur Theâtre de l’Hotel de Bourgogne, rue Mauconseil[8].

[8] A l’endroit où, comme on sait, fut plus tard la Halle aux cuirs.

Messieurs Baraillon pere, fameux Tailleur pour les habits de Theatre[9], et M. son fils pour les masques et autres choses necessaires pour les Ballets et Comedies, demeurent ruë saint Nicaise[10].

[9] Jean Baraillon, qui avoit commencé par être tailleur de la troupe de Molière. Une sœur utérine de la comédienne Mlle de Brie étoit sa femme depuis 1673. Le fils, dont il est parlé ici après lui, étoit né de ce mariage. C’est lui qui, avec le chevalier d’Arvieux, avoit organisé la mascarade turque du Bourgeois gentilhomme, en 1670. D’après un compte retrouvé par M. Campardon, il n’y avoit pas fourni moins de cent trente-huit habits.

[10] L’administration et ce qu’on appeloit « le magasin de l’Opéra », s’y trouvoit déjà. Ils y restèrent jusqu’à la fin du règne de Louis XV.

Les Sieurs du Creux, au bout du pont Notre Dame, et Boille, rue du Colombier saint Germain, vendent aussi des Masques de Theâtre et de Carnaval[11].

[11] Ducreux fit aussi les fournitures pour le Bourgeois gentilhomme. On voit par le compte cité tout à l’heure, et qui s’élève pour lui à 454 livres, que non-seulement il y fournit les masques, mais « les jarretières, perruques, barbes et autres ustenciles. »

Mademoiselle Poitiers, vis à vis les Quinze-Vingts, rue saint Honoré, fait des Coëffures en cheveux pour les Balets et Opera.

Les Sieurs Frangeon et la Croix, Brodeurs des Habits pour les Balets du Roy, demeurent le premier rue saint Estienne, à la Ville neuve, et l’autre, rue neuve saint Denis, proche la porte.

Le Sieur Roussard, Plumassier du Roy, tient un grand magasin de Plumes pour les Balets et Tragedies, rue saint Honoré.

Messieurs Cossard et Guerinois vendent toutes sortes d’Etoffes or et argent pour les Balets, Opéra et Mascarades, ils demeurent ruë saint Denis, près le grand Châtelet.

Autant en fait, M. Harlier, ruë de la Coutellerie, qui fait et vend des Etoffes brodées or et argent.

Le Sieur du Vandiet, Sculpteur, pour la fabrique des Marionnettes et Mannequins, demeure rue de Hurepoix, près le pont saint Michel[12].

[12] Il est appelé « Du Vaudiet » dans l’édit. de 1691, p. 49, et son adresse y est différente : « rue de la Huchette au Tambour. »

Le Sieur Careme, qui fait les Feux d’artifices de l’Hotel de Ville et de l’Opera[13], demeure rue Frementeau[14].

[13] Denis Caresme, dont le père, Thomas Caresme, mort en 1688, avoit été « ingénieur des feux d’artifice de S. M. » Denis étoit concierge des basses cours du Louvre, ce qui explique son logement rue Fromenteau. Ses feux d’artifice figurés et colorés n’étoient pas que pour l’Opéra. Il en fit aussi pour la Comédie italienne. V. le Théâtre de Ghérardi, t. I, avertissement. Il mourut en 1700. Son père, qui logeoit au Marché-Neuf, faisoit non seulement des feux d’artifice pour le roi, mais pour la Ville. (Bibliogr. des Mazarin., t. I, p. 388.) En cela, comme on le voit ici, il lui avoit succédé. Charles-Nicolas Guérin lui succéda à lui-même. (Archives de l’Hôtel-Dieu, t. I, p. 130.)

[14] Caresme est mentionné au chapitre XXXIX de l’édition de 1691, p. 59, mais sans qu’il y soit dit qu’il travailloit pour l’Opéra. « Le sieur Morel », qui vient après, s’y trouve aussi. On lit de plus, à la suite : « le sieur Moisy, qui a une boutique sur le Pont-Neuf, et une veuve qui en a une devant la Bastille, font des fusées pour les merciers et pour les particuliers qui en ont besoin. »

Le Sieur Morel, même talent, demeure rue de Tournon.

Le Sieur du Mont, place Maubert, montre les tours de Gibeciere[15].

[15] On s’en amusoit même chez le Roi. V. dans les Mélanges histor. de Michault, t. I, p. 16-19, l’anecdote d’un de ces prestidigitateurs qui, pendant une soirée de Versailles, escamota un verre énorme et le fourra dans les chausses un peu trop lâchées de ce pauvre abbé Genest, l’académicien.

On tient tous les Dimanches matin sur le quay de la Mégisserie, du costé du Châtelet, une espèce de marché d’Animaux vivans pour le plaisir ; sçavoir, Lapins, Pigeons, Oiseaux de cages[16], Cochons d’Inde, etc.

[16] Les oiseaux de cage étoient surtout le commerce de ce quai, le dimanche. Quelques-uns se payoient très-cher. Les serins, par exemple, qui étoient encore des oiseaux assez rares, montoient jusqu’au prix de deux cents livres. (Hervieux, Traité des Serins de Canaries, 1709, in-12, chap. XXIII.) Sous la Régence, les grandes dames en faisoient trafic. Après qu’on les avoit bien stylés chez elles, elles les envoyoient revendre sur le quai. (Lémontey, Hist. de la Régence, t. II, p. 319.)

La Demoiselle Guerin, rue du petit Bac[17], fait commerce de petits Chiens pour les Dames[18].

[17] « Près les Petites maisons. » Edit. de 1691, p. 33. — On l’appelle aujourd’hui, par interversion, petite rue du Bac.

[18] C’est-à-dire les chiens de chambre ou de manchon. Les plus à la mode étoient encore à ce moment, quoique déjà un peu en baisse, comme on le verra plus loin, les chiens de Bologne, sorte de carlins, qu’on frottoit aussitôt nés d’esprit de vin à toutes les jointures pour les empêcher de croître. Ils se vendoient quelquefois fort cher. Tallemant (édit. P. Paris, t. III, p. 304) raconte qu’un extravagant d’italien, nommé Promontorio, en offrit un à la princesse Marie de Mantoue, pour cinquante pistoles à payer quand elle serait reine. Elle accepta, et dix-huit mois après devint, contre toute apparence jusque-là, reine de Pologne. On comprend qu’elle paya alors gaîment les cinquante pistoles. L’espèce des chiens de Bologne s’est perdue, même à Bologne. (Valery, l’Italie confortable, p. 78-80.) Sur la fin du règne de Louis XIV, les chiens Burgos commençoient à les remplacer. Ils préludoient à la mode des chiens d’Espagne, ou épagneuls, qui date de la Régence. Entre eux et les bolonois s’étoient un instant glissés les chiens loups : « On ne carresse plus, lisons-nous dans la Lettre italienne déjà citée, que ceux qui ont le museau de loup et les oreilles coupées, et plus ils sont difformes, plus ils sont honorés de baisers et d’embrassements. »

Les Boules de Buis et de Gayac à jouer, se font en perfection par le Sieur Baudry, Tourneur, rue du petit Lion, et par un autre Tourneur de la rue Troussevache.

Les Epiciers Orangers de la rue de la Cossonnerie, font venir des Boules de Marseille qu’ils donnent à fort grand marché.

Les Jeux d’Echets et Triquetracs se font et se vendent chez les Tablettiers du Marché Neuf et de la rue des Assis.

Les Academies de Jeux de Cartes ont été defendues, et on ne joue publiquement dans les Jeux de Paume qu’au Billard[19].

[19] La défense contre les jeux de cartes n’étoit sans doute pas aussi sévère quand avoit paru l’édition de l’année précédente, car voici ce qu’on y trouve, p. 49 : « On joue aux cartes et au billard dans presque tous les jeux de paume, qui sont en plus grand nombre au faubourg Saint-Germain qu’ailleurs. » — Les jeux défendus dans les maisons publiques ne pullulèrent que plus frauduleusement dans les particulières. C’est alors que l’on vit partout de « ces femmes brelandières » dont parle la Xe Sat. de Boileau, et que visoit l’abbé de Villiers dans une de ses Epîtres, 2e édit., p. 375, lorsqu’il nous rappelle

… L’industrieux génie
Qui trouve par le jeu l’art d’avoir compagnie.

«  — Eh ! dit Colombine dans l’Avocat pour et contre, acte III, sc. 7, ne pouvons-nous pas donner à jouer à la bassette, et vivre honorablement dans Paris, comme une infinité de gens aussi gueux que nous. » Il y eut jusqu’à des femmes de conseillers au Parlement qui tinrent ainsi des maisons de jeux. V. P. Clément, la Police sous Louis XIV, p. 340-341.

Pour les fameux Maîtres de Dance et de Paume, voyez l’article des Nobles Exercices.

Pour les Joueurs d’Instrumens, voiez l’article de la Musique.

Le Sieur Alexandre Vauboam[20], rue des Assis, fait des Castagnettes en perfection.

[20] Lisez Roboam. C’est le même qui a été nommé plus haut, p. 211, comme « fabricant de guitares en perfection. »

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