Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, tome 1/2
EXERCICES DE PIÉTÉ.
Le Roi à qui Dieu a concédé le pouvoir de guérir par un simple attouchement les malades atteints des Ecrouelles, a la bonté de toucher tous ceux qui ont été visitez par M. le premier Chirurgien de Sa Majesté, la veille de Paques, de la Pentecoste, de la Toussaints, et de Noël, après avoir fait ses dévotions[1], et de leur faire ensuite distribuer à chacun quinze sols par forme d’aumone, à cause dequoi Monseigneur le Grand Aumonier de France est toujours présent à la Céremonie.
[1] Pour plus de détails, on peut lire l’Etat de France de 1692, t. I, p. 238. Le nombre des scrofuleux que le roi touchoit était quelquefois très-considérable. Nous lisons, par exemple dans le Journal de Dangeau, sous la date du 21 avril 1685, c’est-à-dire à l’époque de Pâques, une de celles où, comme on le voit ici, cette cérémonie revenoit tous les ans : « Le roi fit son bonjour (ses pâques) à la paroisse entre les mains du cardinal de Bouillon, et toucha ensuite treize cents malades. »
Le Roi pratique aussi chaque année le Jeudi Saint, une action digne de sa singulière Piété ; car après le Service, l’Absoute et la Prédication, Sa Majesté accompagnée de tous les Seigneurs de sa Cour, lave les pieds à treize pauvres enfans, revetus d’une longue Robe de ratine rouge ayant une serviette au col qui s’estend jusqu’à leurs pieds[2], à chacun desquels elle distribue ensuite par les mains de Monseigneur le Grand Aumonier de France, treize plats de bois garnis de poissons chacun avec la figure de l’un des Apostres, un pot de vin, deux Aulnes de toile, et treize écus blancs dans une bource à treize pendans, ce qui est mis dans une manne et donné ensemble à chacune des Mères de ces enfans[3].
[2] L’Etat de France de 1692 contient aussi, à ce sujet, d’intéressants détails, t. I, p. 20, 70, 120, 387.
[3] Ce que Blégny devroit ajouter, c’est que les princes prenoient part à cette cérémonie de la Cène, comme on l’appeloit, et y servoient : « Le roi, écrit Dangeau, à la date du Jeudi Saint, 7 avril 1689, entendit le sermon de l’abbé Roquette, qui prêcha à merveille ; ensuite le Roi fit la cérémonie de laver les pieds des pauvres. Monseigneur le duc de Bourgogne servit à la cène pour la première fois. Monseigneur — c’est le Dauphin — communia à la paroisse, et puis revint servir à la cène. »
Le même jour Monseigneur l’Archeveque de Paris, fait aussi la Sêne dans la grande salle de l’Archeveché, où il lave pareillement les pieds à douze pauvres, à chacun desquels il distribue trois plats de bois garnis de poissons, un pain, un pinte de vin et un écu blanc.
M. De Pelisson Fontanier Maitre des Requestes logé dans la maison Abbatialle de Saint Germain des Prez[4], distribue par ordre du Roy, une infinité d’Aumones et de pensions considérables aux Nouveaux Convertis[5].
[4] Il y logeoit comme administrateur de l’économat de l’abbaye, charge qu’il occupa durant quinze ans. (Marcou, Pellisson, Etudes sur sa vie et ses œuvres, 1859, in-8, p. 331.)
[5] Il ne s’y épargnoit pas, en effet, en bon converti qu’il étoit lui-même. Ces aumônes faisoient, au reste, partie de ses fonctions : en même temps que l’économat de Saint-Germain des Prés, il administroit la caisse des conversions créée en novembre 1676. (Id., p. 342.)
Mesdames de Guise[6], de Créqui et de la Trémoüille[7] qui sont Directrices de la Charité de la Paroisse S. Sulpice, font d’ailleurs de grandes aumosnes aux pauvres honteux.
[6] C’est en souvenir de son père Gaston d’Orléans, et du palais du Luxembourg, où elle étoit née de son second mariage, que la duchesse de Guise étoit restée une des grandes aumônières de la paroisse Saint-Sulpice. Sa résidence étoit alors, en effet, bien loin de là, au Marais, dans l’Hôtel occupé aujourd’hui par les Archives.
[7] Mesdames de Créquy et de la Trémoille étoient la mère et la fille. Mme de la Trémoille mourut la première, au mois d’août 1711.
Autant en font Mesdemoiselles de la Moïgnon[8] rue de Taranne, et l’Eschassier[9] derrière la même Eglise.
[8] Elle avoit, pour les œuvres de charité, succédé à sa mère la présidente, qu’on y avoit vue si active pendant la Fronde. (Feillet, Misère au temps de la Fronde, 1862, in-8, p. 231.) Elle avoit contribué surtout à l’œuvre des prisons, dont elle fut une des premières trésorières. (Etat ou tableau de la Ville de Paris, 1760, in-8, p. 72.) C’étoit une des œuvres où les dévots, comme Tartuffe, s’entremettoient le plus volontiers, surtout par leurs fréquentes visites. (Athenæum, t. II, p. 565.)
[9] Elle étoit sœur de l’avocat du roi, que nous trouverons plus loin.
Il y a paraillement dans toutes les Parroisses de Paris des Communautez de Dames Pieuses[10], qui font assister les pauvres malades honteux d’Alimens, de Remèdes, et d’Opérations Chirurgicales, et qui font même instruire des orphelins de l’un et de l’autre sexe.
[10] « Sous la direction des quelles il y a des médecins, des chirurgiens et des sœurs grises. » Edit. 1691, p. 3.
Quelques unes de ces Dames pratiquent encore la charité avec un zèle exemplaire, pour la délivrance des pauvres prisonniers retenus pour dettes[11]. Celles là sont connuës de tous les Concierges et Geolliers des Prisons, à qui on peut s’adresser pour en avoir les addresses[12].
[11] V. l’avant-dernière note.
[12] « On apprendra les noms et demeures de ces Dames redemptrices, dans les geolles mêmes des prisons, et entre autres en celle de la Conciergerie du Palais, où l’on trouve la dame Bourcier, femme du concierge, de qui elles sont très-bien connues. » Edit. 1691, p. 4.
Les Pauvres Prisonniers du Châtelet, et du Fort l’Evêque, peuvent impetrer avec succez le secours de Madame Lieve Tresoriere de la Charité de Saint Germain de Lauxerrois qui demeure dans le Cloître.
Madame de Miramion[13] Institutrice et Supérieure de la Congrégation des Filles de Sainte Geneviève établie sur le Quay de la Tournelle[14], a toujours la même application aux œuvres pieuses et charitables ; et particulierement en faveur des pauvres Malades qu’elle fait assister dans tous leurs besoins.
[13] Marie Bonneau, veuve de Jean-Jacques de Beauharnois, seigneur de la terre de Miramion, à une lieue d’Orléans. S’étant vouée aux œuvres pieuses, dès qu’elle fut veuve, l’année même qui suivit son mariage, et après que Bussy eût tenté de l’enlever, elle fonda la Maison du Refuge pour les filles qu’on arrachoit de force à la débauche, et celle de Sainte Pélagie, pour les repentantes, qui s’en retiroient volontairement. Sa dernière fondation fut la Congrégation dont il est parlé ici. Ce ne fut d’abord, en 1661, qu’une Communauté de douze filles pieuses, destinées à tenir les petites écoles, panser les blessés, assister les malades. Son premier nom fut la Sainte Famille, puis elle prit celui de Sainte Geneviève qu’elle a ici, quand on l’eut réunie à une autre communauté ainsi nommée, et dont le but étoit le même. Mme de Miramion en fut la supérieure jusqu’à sa mort, le 24 mars 1696.
[14] On l’appela aussi, jusqu’à la Révolution, Quai des Miramionnes, à cause des saintes filles que dirigeoit Mme de Miramion. L’hôtel, dont elle avoit fait pour elles un couvent, est aujourd’hui la Pharmacie centrale des hôpitaux civils. Celui de sa fille, mariée au maître des requêtes, Guillaume de Nesmond, est auprès, avec son marbre à lettres d’or au-dessus de la porte : « Hotel ci-devant de Nesmond. »
Madame de Poncarré[15] occupée du même zèle, demeure ruë Neuve Saint Mederic.
[15] Femme du maître des requêtes, nommé en 1703 premier président à Rouen.
Les Revérends Pères Celestins font distribuer tous les jours du pain, à tous les pauvres qui se présentent à leur porte à huit heures du matin, à deux, et à six heures de relevée.
Les Revérends Pères de Saint Lazare, donnent tous les jours à disné à vingt quatre pauvres.
Les Révérends Pères Chartreux, donnent à disné tous les Vendredis à un grand nombre de pauvres honteux.
Les Reverends Pères de l’Oratoire de l’Enfant Jésus ruë d’Enfer, donnent aux pauvres la déserte[16] de leur table.
[16] Lisez « desserte. »
On donne à disné tous les Dimanche à douze pauvres honteux au Jardin Médicinal de Pincourt, Fauxbourg Saint Antoine[17].
[17] « Où ils sont servis par Monsieur le Directeur. » Edit. 1691, p. 4. C’étoient, y est-il dit aussi, « les médecins de la Société Royale » qui donnoient le dîner.
L’Almanach Spirituel qui marque toutes solemnitez des Eglises de Paris, les jours et la condition des Indulgences, se vend rue Saint Jacques chez George Josse[18] à la Couronne d’Epine.
[18] Un des plus vieux libraires du quartier Saint-Jacques. De 1659 à 1661, il avoit été syndic.
Tous les Dimanches après Vespres M. l’Abbé Galliot sous Pénitencier de Paris, tient une conférence publique de Controverse en la Chapelle du Collége des Lombards ruë des Carmes.