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Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, tome 1/2

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NOBLES EXERCICES
POUR LA BELLE EDUCATION[1].

[1] Dans l’édit. précéd., ce qui suit se trouvoit, avec des détails différents, au « chapitre IV, des Académies :… Les Académies de la deuxième espèce, où l’on instruit la noblesse dans les Sciences et dans les Arts qui regardent la discipline militaire, et dans tous les exercices de la danse, sont au nombre de cinq ; sçavoir : celle de M. Coulon, rue Férou, près Saint-Sulpice ; celle de M. de Long-pré au carrefour Saint-Benoist ; celle de M. Bernardi rue de Condé, et celle de Monsieur de Roquefort, dans la rue de l’Université », p. 8.

Toutes les Academies de Manège ont esté reduites à deux, et reglées de telle sorte que les pensionnaires y sont distribuez en nombre egal ; l’une est au Carrefour saint Benoist[2], où il y a pour Ecuyers, Messieurs de Lonpré[3], Bernardy[4], et    et l’autre qui est dans la ruë des Canettes, a aussi pour Ecuyers, Mrs Vandeüil, Roquefort, et d’Auricour.

[2] La cour du Dragon fut construite à la place de cette académie et de son manége.

[3] Nous l’avons trouvé tout-à-l’heure parmi les curieux de médailles. Il avoit été fait écuyer du Roi, le 14 février 1670. V. Registre du Secrétariat, pour 1670, Biblioth. Nat., f. franç., no 6652, fol. 96 vo.

[4] Il étoit de Lucques, comme Arnolphini, autre grand « académiste » de ce temps-là. Avant de venir au carrefour Saint-Benoît et de s’y associer avec Longpré, Bernardi avoit eu une académie de manége rue de Vaugirard, près du Luxembourg, où on lui avoit permis d’élever tous les ans un fort pour exercer ses élèves aux manœuvres des sièges. Soleysel, auteur du Parfait maréchal, dont nous avons parlé plus haut, avoit professé dans son manége.

C’est dans ces deux Academies, que les jeunes gens sont exercez dans les Sciences et dans les Arts qui conviennent à la Noblesse ; c’est-à-dire, aux Mathématiques et aux exercices des Armes, du Cheval et de la Danse[5].

[5] Un contemporain, Le Bret, nous dit dans ses lettres diverses, p. 127, que tout bon gentilhomme devoit rester deux ans chez Bernardi, et y gagner au moins « un prix à la course de bagues. »

Messieurs le Perche père, rue de la Harpe[6] ; Liancourt, rue des Boucheries saint Germain, de Brie, rue de Bussy, et du Fay, rue du Chantre, sont les Maîtres en fait d’Armes preposez dans les deux Academies, pour enseigner l’usage de l’Epée.

[6] C’étoit un honneur de prendre de ses leçons. Brillon, dans ses Portraits sérieux, galants et critiques, 1696, in-12, p. 270, dit de l’homme du bel air qu’il appelle Aristarque : « grand homme d’exercice, vous lui entendrez répéter qu’il est un des forts écoliers de Le Perche, et que dans l’Académie de Longpré on ne parle que de lui. »

M. de Beaufort, près la porte saint Honoré, montre dans l’une et dans l’autre, l’exercice de la Pique, du Mousquet et des Evolutions militaires.

Et Mrs Favier[7] et Du Four, rue Dauphine, y montrent à danser.

[7] C’est celui dont La Bruyère a dit à l’art. 29 du chapitre de la Mode, en souvenir des leçons qu’il donnoit à M. Le Duc, son élève : « On sait que Favier est beau danseur. » Mme de Sévigné a aussi parlé de lui, t. IX, p. 133. Il étoit attaché à l’Opéra.

Il y a d’ailleurs en differens quartiers des Maîtres en Fait d’Armes, qui tiennent salle chez eux, et qui sont dans l’approbation publique ; par exemple, Messieurs de saint André, quay des Augustins, Chardon, rue de Bussy : Minoux, rue des mauvais Garçons : le Perche fils, rue Mazarine : Pillait père, rue Dauphine : Pillart fils, rue des Cordiers : du Bois, près le Jeu de de Metz[8], etc.

[8] Un des jeux de paume de la rue Mazarine. — On voit que, sauf deux, tous ces maîtres d’armes demeuroient dans le quartier de l’Université. En 1721, il en étoit encore de même. J. de Braye, qui fit paroître alors l’Art de tirer les armes, dit qu’il y avoit dans Paris plus de dix mille bretteurs, et presque tous dans le quartier latin. Ils n’affluoient pas moins, en 1695, dans le faubourg Saint-Germain. Le procureur du Roi, Robert, dans une lettre du 11 juillet à l’agent Desgranges, lui dit, à propos d’une arrestation qu’il devoit mais ne put faire près de l’abbaye : « En un moment, il s’est attroupé en cet endroit beaucoup de gens d’épée et de bretteurs dont ce quartier est rempli, et il étoit impossible d’emmener le prisonnier sans rendre un petit combat et faire tuer beaucoup de monde. » (P. Clément, la Police sous Louis XIV, p. 442.)

M. Liencourt a donné au public un excellent traité de la Pratique des Armes.

Il y a pareillement encore pour les hautes armes, M. Rousseau, qui est ordinairement en Cour[9] : M. Colombon, devant la grande porte du Palais : et M. Chevry, rue des Boucheries saint Germain.

[9] Il étoit maître d’armes des pages de la grande et de la petite écurie, et il le devint ensuite du duc de Bourgogne. Son fils et son petit-fils, qui avoit épousé une sœur de Mme Campan, furent maîtres d’armes des enfants de France. Le dernier ne put échapper à la Terreur : « Il fut pris et guillotiné, dit Mme Lebrun. On m’a dit que le jugement rendu, un juge avoit eu l’atrocité de lui crier : pare celle-ci, Rousseau. » (Souvenirs, 1re édit., t. I, p. 182.) Amédée de Beauplan étoit son fils.

Plusieurs maîtres de Dance dispersés en differens endroits, sont d’ailleurs d’une habilité distinguée ; par exemple, M. de Beauchamp, Maître des Ballets du Roy, et le premier homme de l’Europe pour la composition[10], rue Bailleul : M. Reynal l’aîné, maître à danser des Enfans de France[11], ordinairement en Cour : et Messieurs d’Olivet et Favier cadet, rue du petit Lion : Favre l’aîné, rue de Richelieu : Favre le cadet, rue Platriere : Lestang et Pecourt ainé[12] et cadet, rue Traversine : du Mirail, rue de Seine : Bouteville, rue des mauvais Garçons : des Hayes, devant la Comédie Françoise : Germain l’ainé, rue saint André : Germain le cadet, rue de Bussy : Pestor au Marché Neuf, etc.

[10] G. Brice se contente de dire qu’il est « des plus renommés de sa profession, par les beaux ballets qu’il a composés, et par les élèves habiles qu’il a formés, qui sont à présent admirés de tout le monde, principalement sur le théâtre de l’Opéra, où on les voit exécuter des danses merveilleuses. » Il a été parlé plus haut, p. 230, de son cabinet de curieux.

[11] Son nom est écrit Rénal dans l’Etat de France de 1702, t. II, p. 30, où il figure comme maître à danser du duc de Bourgogne et de son frère le duc de Berry.

[12] Louis Pécourt, maître à danser des pages de la Chambre. Lui et Lestang étoient les maîtres à grands succès, et qui gagnoient le plus. Richelet, à ce propos, a dans son recueil Les plus belles lettres françoises, 4e édit., t. I, p. 379, une note bien curieuse, et encore plus amère : « M. le duc d’Enghien, dit-il, dansoit proprement, et de son temps la danse commençoit à être quelque chose. Cependant ce n’étoit rien en comparaison de ce qu’elle est. Elle enchante et aussi pour plaire, ou pour faire fortune, il faut comme Pécourt ou L’Etang danser ou être maître à danser. » Regnard, dans sa farce du Théâtre Italien, le Divorce, jouée en 1688, parle aussi du succès des leçons de ces danseurs et du prix qu’ils y mettoient : « Colombine. Un demi louis d’or pour une leçon ! on ne donnoit autrefois aux meilleurs maîtres qu’un écu par mois. Arlequin. Il est vrai, mais dans ce temps là les maîtres à danser n’étoient pas obligés d’être dorés dessus et dessous comme à présent, et une paire de galoches étoit la voiture qui les menoit par toute la ville. »

Outre ce qu’on a veu dans l’article des Mathematiques touchant les maîtres qui professent et qui enseignent toutes les dépendances, il y a d’ailleurs entre les fameux, Messieurs Goret, Terranneau, Walter, etc., dont on n’a pû recouvrer les adresses.

M. Chartrain qui est également sçavant et illustre, et qui demeure rue du Four saint Germain, enseigne l’Histoire, la Geographie, le Blazon, etc.

Autant en fait M. l’Abbé Brice, Auteur de la Description de la Ville de Paris[13], qui demeure rue du Sepulcre.

[13] Nous avons parlé de lui dans une de nos premières notes, p. 6, et quant à sa Description de Paris, nous l’avons assez souvent citée pour ne pas avoir à y revenir ici. Elle en étoit encore à ce moment à sa première édition, publiée en 1684, 2 vol. in-12.

M. Veneroni[14], Secretaire Interprète du Roy, ordinairement nommé dans les Tribunaux pour la Traduction et Interpretation des Langues Espagnole et Italienne, enseigne ces deux Langues chez luy, rue du Cœur Volant[15] et en Ville ; c’est celuy même qui a publié un Dictionnaire[16], une Grammaire, et une Nouvelle Metode pour la Langue Italienne[17], et qui a traduit les Lettres du Cardinal Bentivoglio, le Pastor Fido, etc.

[14] Ce nom, qui a longtemps été populaire dans les classes, n’étoit pas le sien. Il se l’étoit donné, en italianisant son nom véritable, Vigneron.

[15] Ajoutons, d’après Jal, Dict. critique, p. 1242, « à l’enseigne du Chapeau couronné. »

[16] Ce dictionnaire italien ne lui appartenoit pas beaucoup plus que son nom à l’italienne. La Monnoie nous l’apprend sans ménagement dans une note du glossaire de ses Noëls bourguignons : « le plagiaire, dit-il, qui s’est emparé du dictionnaire italien d’Oudin et l’a fait imprimer sous le nom de Vénéroni, étoit un pédant nommé Vigneron. » Il est juste d’ajouter qu’il n’avoit pas — ce qu’oublie La Monnoye — nié ce qu’il devoit à Oudin, quand, en 1681, il avoit donné une nouvelle édition de son dictionnaire. Il avoit mis sur le titre : « continué par Laurent Fevrette et par Vénéroni. » C’est bien plus tard, lorsqu’il fut mort, que son nom italianisé le lui fit attribuer tout entier.

[17] Il n’a pas plus fait cet ouvrage qu’il n’a fait l’autre. « Sa méthode, lisons-nous, au mot « Vénéroni », dans le Dictionn. histor. de l’abbé Ladvocat, n’est pas de lui, mais du fameux Roselli, dont on a imprimé les aventures en forme de roman. A son passage en France, il alla prendre un dîner chez Vénéroni, qui, ayant vu qu’il raisonnoit juste sur la langue italienne, l’engagea à faire une grammaire pour laquelle il lui donna cent francs. Vénéroni n’a fait qu’y ajouter quelque chose à son gré, et la donna sous son nom. »

Messieurs Martin, rue saint Sauveur : Gracy, rue saint Honoré : et Philippi, rue de Vaugirard, enseignent pareillement les Langues Espagnole et Italienne.

Les maîtres pour la Langue Allemande sont, Messieurs Pascal, rue des mauvais Garçons : Leopol, rue saint Martin : Meremberg, Perger et Benicourt, au quartier saint Germain des Prez.

Les maîtres pour la Langue Angloise sont, Messieurs Paul et Dalais[18], Auteur de l’Histoire de Sevarambes[19], rue des Boucheries saint Germain.

[18] Ses vrais noms sont Denis-Valrasse Allais. Il avoit servi en Angleterre, et revenu à Paris, il y donnoit, comme on le voit ici, des leçons d’anglois et de françois. Il publia, en 1681, une Grammaire françoise méthodique, et, deux ans après, un abrégé en anglois de cette grammaire.

[19] Cette Histoire des Sevarambes, qui a été souvent réimprimée, est en 2 vol. in-12. On y trouve, à l’imitation de l’Utopie de Thomas Morus, tout un nouveau système de gouvernement politique et religieux.

M. de la Croix, près la place des Victoires, enseigne à parler le Turc[20].

[20] Pétis de La Croix, à qui l’on doit l’Histoire de Tamerlan, celle de Gengiskhan, et, ce qui l’a rendu plus célèbre, la traduction des Mille et un Jours, que Le Sage revit pour le style. En 1692, l’année même où nous le voyons figurer ici, il fut nommé professeur en langue arabe au Collége Royal. Il le resta jusqu’à sa mort, en 1713.

Les maîtres pour la langue Arabique sont, Messieurs de Lipy[21] et son neveu, au Collège de Cambray.

[21] Lisez Dippy. C’étoit un syrien d’Alep. Il cumuloit la place de professeur en arabe et syriaque avec celle de secrétaire interprète du Roi. Il professa au collége de France — appelé ici Collége de Cambray — de 1670 à 1709. J.-B. de Fiennes lui succéda comme secrétaire interprète, et c’est Antoine Galland, auteur des Mille et une Nuits, qui eut sa chaire d’arabe. Il ne la garda que six ans.

Messieurs Veneroni, l’Abbé Brice, et Richelet[22], rue des Boucheries, enseignent la Langue Françoise aux Etrangers.

[22] Ce n’est pas moins que Pierre Richelet, auteur du fameux Dictionnaire. Ne pouvant vivre de ses livres ni de ses causes, car il étoit avocat au Parlement, il s’étoit mis à donner des leçons de langue françoise, sans y gagner autant que Pécourt et Létang avec leurs leçons de danse, ce qui le rendoit amer comme nous l’avons vu dans une note précédente. Bien des gens de son mérite en étoient réduits à ce métier. De Lisle, le géographe, couroit comme lui le cachet : « Il alloit enseigner en ville, lit-on dans le Longueruana, et ces misérables qui envoient leur carrosse à un comédien, faisoient venir à pied un septuagénaire, qui en son genre étoit le premier homme de France. »

M. Frosne, Architecte, près la fontaine S. Ovide, enseigne aux personnes distinguées, les Fortifications, l’Architecture civile et plusieurs autres parties des Mathematiques ; on peut le consulter utilement sur les Batimens et sur le Calcul des Toisez.

Messieurs le Pautre[23], rue du Foin, et d’Honneur à l’entrée de la rue de la Coutellerie, enseignent la plus excellente pratique du dessein.

[23] Pierre Le Pautre, fils aîné de Jean, qui avoit brillé, comme dessinateur et graveur, dans les premiers temps du règne. Il fut lui-même, dans le même genre, d’un talent fort distingué. V., à son nom, l’Abecedario de Mariette.

Les maîtres fameux pour le Jeu de la Paume sont, Messieurs Bidault, rue saint Germain l’Auxerrois : Sainctot, rue des mauvais Garçons : Mion, rue de Bussy : Jourdain[24], Cerceau, le Page et Clergé, dont l’Auteur ignore les adresses[25].

[24] Ils étoient deux de ce nom, comme on le verra dans la note suivante.

[25] Si Blegny ne sait pas leur adresse, c’est qu’ils n’en avoient pas de fixe. Ils jouoient « à la représentation », comme on diroit aujourd’hui, dans n’importe quel jeu de paume, à leur choix, et cela deux fois la semaine. Le roi leur avoit accordé ce privilége, après les avoir vus jouer à Fontainebleau, le 26 octobre 1687. Dangeau, à qui nous devons ce renseignement, nous donne leurs noms, qui diffèrent, pour un ou deux, de ceux qui sont ici : « Ils feront, dit-il, afficher comme les comédiens. Ils sont cinq : les deux Jourdain, Le Pape, Clergé et Servo. » Pour celui-ci, croyons-nous, c’est Sercot qu’il faut lire : d’abord parce que ce nom se rapproche davantage de celui de Cerceau donné ici ; ensuite parce qu’on le trouve comme étant celui d’un fameux paumier du temps de la Fronde dans la Mazarinade, Le Ministre d’Etat flambé.

M. Revaire, Fourbisseur du Roy, demeure aux Galeries du Louvre[26].

[26] « Revoir, fourbisseur, dit Germain Brice, t. I, p. 72, travaille aux gardes d’épées et en d’autres choses de cette sorte d’une manière qui le distingue fort des autres maîtres de sa profession. »

M. Cadeau, aussi fameux Fourbisseur, demeure sur le Pont au Change.

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