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Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, tome 1/2

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BIBLIOTEQUES
PARTICULIERES ET PUBLIQUES.

Les curieux peuvent avoir par faveur, quelques entrées dans les Biblioteques suivantes : sçavoir ;

A la Biblioteque du Roy qui est encore rue Vivienne ; et qui sera bien-tôt à la place de Vendosme[1], où l’on trouve encore une infinité de Livres et de Manuscrits rares, tout ce qu’il y a eu de plus considérable dans toutes les Langues orientales.

[1] V. un peu plus haut, au chap. des Académies.

Au Cabinet des Livres du Chateau du Louvre[2].

[2] On n’y conservoit guère alors que les livres à l’usage des rois, et ceux qui leur avoient été offerts ou dédiés. Le P. Jacob en a parlé dans son Traité des Bibliothèques, 1644, in-8, sans oublier le conseiller d’Etat Chaumont qui en étoit alors le bibliothécaire.

A la Bibliotèque de Monseigneur l’Archeveque de Rheims[3] ; ruë Saint Thomas du Louvre.

[3] Maurice Le Tellier, qui, étant directeur de la Bibliothèque du Roi, s’étoit laissé gagner par l’amour des livres. Il en eut un grand nombre qui passèrent tous à la Bibliothèque des chanoines de Sainte-Geneviève, où, dit Baudelot de Dairval, « ils font un très bel ornement par leur condition. » De l’utilité des Voyages, t. II, p. 418. Le catalogue en fut imprimé in-fol., à l’imprimerie Royale, en 1693, sous ce titre : Bibliotheca Telleriana. Le sorboniste Ph. Dubois, bibliothécaire du prélat, l’avoit dressé. En 1700, Le Tellier avoit donné la plupart de ses manuscrits, 500 environ, françois, orientaux, latins surtout, à la Bibliothèque du Roi.

A celle de Monseigneur le Chancelier[4], rue S. Loüis du Marais.

[4] Boucherat, dont la bibliothèque avoit en effet son prix, depuis surtout que M. M. de Brienne lui avoit donné, en 1685, une riche collection de copies faites sur le recueil de M. de Loménie, dont l’original étoit à la bibliothèque du Roi. Tous les livres de Boucherat portent sa devise : un coq avec un soleil, avec ces mots : Sol reperit vigilem.

A celle de Monsieur le Premier Président, Cour du Palais, qui est remplie d’excellens Tableaux, de Médailles et de Monnoyes antiques et modernes.

A celle de Monseigneur de Menars, Président à mortier, près la Porte de Richelieu, où sont la plus grand part des plus curieux livres de M. de Thou[5].

[5] Nous avons parlé de cette bibliothèque, à propos de son possesseur M. de Ménars, au chapitre des Présidents à mortier.

A celle de Monseigneur Talon[6], aussi President à mortier, rue Saint Guillaume.

[6] Nous ayons aussi parlé de lui, au chapitre des Présidents à mortier. Sa bibliothèque, qu’il accrut beaucoup, lui venoit de son père, l’illustre Omer Talon. La jurisprudence, l’histoire, la philosophie, en étoient, comme on le pense bien, le fond principal.

A celle de Monseigneur l’Avocat Général de la Moignon, à l’Hotel d’Angoulesme[7], où il y a un grand nombre de belles Médailles antiques[8].

[7] Sa bibliothèque avoit été formée par son père, le président de Lamoignon, qui avoit eu le célèbre Adrien Baillet pour bibliothécaire.

[8] Il les devoit en partie à Tavernier, qui les lui avoit rapportées de ses voyages.

A celle de Monseigneur de la Moignon de Basville, Conseiller d’Etat[9], rue    où sont les plus belles Médailles modernes.

[9] Nous avons parlé de lui au chapitre des Intendants. Il l’étoit du Languedoc.

A celle de M. de la Proutiere, rue Saint Dominique, où il y a des Tableaux, des Bronzes, et des Médailles d’un choix particulier.

A celle de M. le Clerc de Lesseville, ruë Galande[10].

[10] Frère de celui que nous avons vu plus haut parmi les présidents des Enquêtes.

A celle de M. Boucot, rue Hautefeuille[11].

[11] Nous l’avons vu figurer plus haut parmi « les gardes des offices de France », et nous avons à ce sujet parlé de sa bibliothèque et de ses collections.

A celle de M. Rousseau, rue de la Calandre, où il y a un grand nombre des plus rares estampes[12].

[12] « Le cabinet de M. Rousseau, où l’on voit plus de quatre-vingts volumes, gros comme l’Atlas, lesquels contiennent tout ce qu’il y a de beau dans tous les Etats du monde. Tous les hommes illustres et tous les saints y sont représentés, — au moins ceux dont on a fait des estampes. — Néanmoins cette bibliothèque ne doit passer que pour un recueil. » (Le Gallois, Traité des plus belles Biblioth. de l’Europe, 1680, in-8, p. 130-131.)

A celle de M. Bultault[13], près la place des Victoires.

[13] Louis Bulteau, qui mourut l’année suivante, 1693, chez les Bénédictins. Son frère Charles, en faveur duquel il s’étoit démis de sa charge de secrétaire du Roi, conserva la riche bibliothèque qu’il lui légua. Elle ne fut vendue qu’en 1711, un an après sa mort. Gabriel Martin en publia le catalogue : Bibliotheca Bulteriana, 2 vol. in-12. A cette vente, la Bibliothèque du Roi n’acquit pas moins de 850 volumes.

A celle de M. l’Abbé de la Chambre[14], sur le quay de Nesle.

[14] « Sa grande inclination, dit Vigneul-Marville, dans l’éloge qu’il a fait de cet académicien inconnu, étoit pour les livres Italiens et Espagnols. » (Mélanges d’histoire et de littérature, t. I, p. 97.)

A celle de M. Chassebras de Cramailles, rue du cimetiere saint André, où il y a beaucoup de curiositez d’Italie et du Levant, d’Estampes, de Monnoies, etc.

A celle de la Sorbonne, où il y a de rares manuscrits de Théologie[15].

[15] Le Gallois, dans son Traité cité tout-à-l’heure, nous la donne, p. 133, comme étant « sans contredit une des plus florissantes de l’Europe. » C’étoit en 1680, elle augmenta beaucoup, depuis. Au XVIIIe siècle, on n’y comptoit pas moins de 5,000 mss., et 60,000 volumes. Ses principaux bienfaiteurs avoient été Richelieu et l’un de ses secrétaires, l’abbé Des Roches, que l’on connoît par l’Epître que lui dédia Boileau. En 1796, les manuscrits furent portés à la Bibliothèque Nationale, où on les réunit au fonds qui provenoit du cardinal de Richelieu.

A celle du Collége de Loüis le Grand, rue saint Jacques, composée en partie de celle de M. Fouquet[16].

[16] Suivant une note fort juste de l’abbé Goujet, écrite en marge de l’exemplaire du De Bibliothecis parisiensibus, de Dan. Maichel, 1729, in-8, p. 94, que nous possédons, le Fouquet auquel les Jésuites devoient un fonds dont s’enrichit leur bibliothèque n’étoit pas Fouquet, le surintendant, mais Fouquet, marquis de la Varenne. Les livres acquis avec l’argent de son legs se distinguoient par un double Φ, sur le dos de la reliure.

A celle des Chanoines Reguliers de sainte Geneviève du Mont[17].

[17] V. ce que nous avons dit plus haut, à propos de la bibliothèque de Le Tellier. Celle des Génovéfains se trouvoit, où nous l’avons vue encore, au dernier étage de cette partie de l’abbaye Sainte-Geneviève, qui étoit devenue une dépendance du collége Henri IV. En 1768, on la rendit publique trois fois par semaine, le lundi, le mercredi et le samedi, de deux heures à cinq. Elle est maintenant en de nouveaux bâtiments construits sur l’emplacement du collége Montaigne. V. plus bas.

A celle de l’Abbaïe saint Germain des Prez[18].

[18] Elle étoit la plus riche après la Bibliothèque du Roi, principalement en manuscrits, dont un grand nombre lui vinrent au XVIIIe siècle de M. de Coislin, de l’abbé d’Estrées, de l’abbé Renaudot, etc. V. ce qu’en dit D. Bouillart dans son Hist. de Saint-Germain des Prés, 1724, in-fol. — Malgré l’incendie de 1792, et un vol en 1791, qui fit passer 120 de ses mss. en Russie, la Biblioth. Nat. n’en eut pas moins de 9,000 de cette seule provenance.

A celle du Chapitre de Notre Dame[19].

[19] Elle étoit assez modeste, n’occupant que deux petites chambres dans la cathédrale même, et ne comptant au XVIIIe siècle que 5,000 volumes au plus. Le principal fonds en étoit venu de Claude Joly, dont nous avons parlé au chapitre des Affaires ecclésiastiques. Il tenait de son grand-père, l’avocat Loisel, un certain nombre de mss. qui passèrent avec les siens et les autres du chapitre à la Bibliothèque du Roi, par une donation que firent les chanoines, le 24 avril 1756.

A celle du Collége de Navarre, montagne sainte Geneviève[20].

[20] Il est occupé aujourd’hui par l’Ecole Polytechnique. Sa bibliothèque, dont le premier fonds venoit de Jeanne de Navarre, fondatrice du collége, avoit pour principale richesse la plus grande partie des livres de l’illustre curieux du temps de Louis XIII, le provençal Peiresc, et de nombreux volumes sur peau vélin, avec initiales en miniature. De ses nombreux mss. il n’en arriva que 124 à la Bibliothèque Nationale pendant la Révolution.

A celle du Collége de Boissy[21], rue du Cimetière saint André.

[21] Nous ne savons rien sur la bibliothèque de ce collége fondé en 1354 par Guill. de Boissy, qui lui donna son nom. Il étoit en 1692 en complète décadence, dont il ne se releva que l’an d’après. Sa bibliothèque toutefois étoit, à ce qu’il paroît, restée assez riche.

A celle des Augustins Réformez de saint Germain des Prez[22].

[22] L’école des Beaux-Arts, rue Bonaparte, a pris la place de leur couvent. La bibliothèque n’en devint importante que lorsque le président de la Cour des Monnoies, Gilbert Mauguin, lui eut légué ses 12,000 volumes de théologie et de jurisprudence, en 1674. Elle s’augmenta encore, en 1728, de ceux du copiste Jean Pontal. On y remarquoit 14 volumes in-fol. d’Antiphonaires, tous écrits, notés et enluminés, au XVIIe siècle, par le P. Trochereau, un des moines du couvent.

A celle des Augustins Déchaussez, rue des Victoires[23].

[23] Ce sont les petits Pères, de la rue Notre-Dame des Victoires, dont il ne reste que l’église, une caserne des gardes de Paris, ayant, depuis 1850, pris la place du couvent. On y comptoit, vers le milieu du XVIIIe siècle, environ 30,000 volumes. Auprès de la bibliothèque étoient un cabinet de peinture, et un autre d’histoire naturelle et d’antiquités.

A celle des Célestins, près l’Arsenal[24].

[24] On y comptoit environ 20,000 volumes, non compris les manuscrits, dont les plus précieux venoient de la bibliothèque que le frère de Charles VI, Louis d’Orléans, conservoit dans son hôtel de Pute y musse, voisin du couvent. Un des deux seuls exemplaires de l’édition xylographique du Speculum humanæ salvationis, que l’on connut au XVIIIe siècle, s’y trouvoit aussi.

A celle des Cordeliers, près l’Eglise saint Cosme[25].

[25] Brûlée en 1580, cette bibliothèque redevint peu à peu plus importante qu’elle ne l’avoit été. L’incendie y avoit détruit 9,000 volumes ; en 1680, elle en avoit 12,000, mais l’on n’y trouvoit plus la plupart des beaux manuscrits donnés par Catherine de Médicis, ni ceux des auteurs latins, dont les Alde et les Estienne s’étoient servis pour leurs éditions. Les 163 qui en sont venus à la Bibliothèque Nationale sont la plupart sans grande valeur.

A celle des Jacobins du Grand Couvent, rue saint Jacques[26].

[26] Elle n’étoit pas alors bien riche, les dons du chanoine lyonnois Tricaud, et du duc d’Orléans, fils du Régent, ne l’ayant augmentée qu’au siècle suivant. Les livres du prince, qui, au nombre de 6,800 volumes, formoient plus d’un tiers de la bibliothèque, s’y voyoient dans une salle à part, nommée Bibliotheca Aureliana. Il n’est venu des Jacobins à la Bibliothèque Nationale que 60 mss. environ des XIIIe et XIVe siècles.

A celle des Jacobins Reformez, rue saint Honoré[27].

[27] « Somptueuse en édifices, écrivoit sous Louis XIII le P. Jacob, mais de beaucoup moindre qualité en livres. » Elle s’enrichit plus tard. Un des religieux du couvent lui légua, en 1649, toute la bibliothèque de son père, médecin en Allemagne. Le sorboniste Picque lui laissa, en 1699, les manuscrits arabes de son cabinet, qui devaient passer en 1795 à la Bibliothèque Nationale, et auxquels se joignirent ceux que le P. J. Goar avoit rapportés de Grèce. Sous Louis XV, sans compter les manuscrits, il y avoit chez les Jacobins de la rue Saint-Honoré 26,000 volumes. En 1748, le P. Bérenger avoit dressé le catalogue des livres et manuscrits en 7 vol. in-fol. On l’appeloit quelquefois la Bibliothèque de M. le Dauphin, parce qu’à la naissance de Louis XIV, les Jacobins la lui avoient dédiée. Une partie de la correspondance du cardinal de Noailles, aujourd’hui à la Bibliothèque Nationale, s’y trouvoit.

A celle des Chanoines Réguliers de sainte Croix de la Bretonnerie[28].

[28] Nous ne savons rien sur cette bibliothèque d’un chapitre d’ailleurs peu important.

A celle du Prieuré de saint Martin des Champs[29].

[29] On n’y trouvoit guère que 5 ou 6,000 volumes, mais beaucoup de manuscrits, dont 112 sont aujourd’hui à la Bibliothèque Nationale ; et, comme dans tous les prieurés de Bénédictins, un grand nombre de chartes et diplômes. Dom Chameaux, qui en étoit le conservateur, sous Louis XV, en évaluoit le chiffre à 80,000. Ils avoient été rassemblés par Dom Pernot dans la première moitié du XVIIIe siècle.

A celle des Minimes de la place Roïale[30].

[30] Un des religieux du couvent, le P. Joseph Renaud, avoit créé le principal fonds de cette bibliothèque, en lui léguant la sienne. Le savant Jean de Launoy en fit autant. C’est avec ces ressources que les PP. Niceron et Mersenne composèrent leurs ouvrages si pleins de recherches. Au XVIIIe siècle, la bibliothèque des Minimes, au lieu de 8,000 volumes qu’elle possédoit sous Louis XIV, en comptoit 20,000 ; presque tous reliés en veau fauve, avec un soleil d’or sur les plats, portant au centre le mot caritas, et en exergue l’inscription : Conventus parisiensis Minimorum. — L’Herbarium vivum, ms. en 15 vol. in-fol., du P. Prumier, contenant la description de toutes les plantes qu’il avoit étudiées de 1675 à 1704, tant en Italie qu’en Amérique, étoit une des curiosités de la bibliothèque des Minimes. Ce beau recueil lui fut enlevé, par ordre, pour celle du roi, en 1768.

Outre les Biblioteques particulières, il y en a quelques unes à l’usage du public, dans lesquelles on donne entrée à tous venans aux jours et heures ci-après marquées ; sçavoir,

Celle du Collége Mazarini qui est ouverte les Lundis et Samedis du matin et de relevée[31].

[31] « On commence aussi à donner entrée les lundis et jeudis en celle du collége Mazarini. » Edit. 1691, p. 11. — Elle avoit été ouverte pour la première fois, en octobre 1688, dans le pavillon du collége Mazarin, aujourd’hui palais de l’Institut, où elle est encore, sous le nom de Bibliothèque Mazarine. Le premier bibliothécaire fut Ludovic Picques, à la suite d’une élection faite par la Société de Sorbonne, qui seule avoit droit de nommer à cette place. Elle avoit été, comme on sait, formée pour Mazarin, par G. Naudé, qui en parle beaucoup dans son Mascurat. Un siècle après eux, elle avoit presque doublé. On n’y comptoit que 27,000 vol. à la mort du cardinal ; en 1751, lorsque Desmarais en fit le catalogue, il n’y en avoit pas moins de 45,000.

Celle de l’Abbaïe saint Victor où sont les Livres de feu M. Bouchet de Bournonville, qui est ouverte les Lundis, Mercredis et Samedis, le matin depuis sept jusqu’à onze heures, et l’aprés-dinée depuis deux jusqu’à cinq[32].

[32] « Où l’on peut consulter les auteurs d’autant plus utilement qu’elle est des plus complètes, et qu’on y met entre les mains des curieux tous les livres qu’ils demandent. » Edit. 1691, p. 11. — C’est la bibliothèque dont Rabelais a dressé un si burlesque catalogue. Au XVIIe siècle, elle s’étoit assez sérieusement enrichie pour que l’on ne s’en moquât plus. M. de Bournonville, conseiller de grand’Chambre, dont il est parlé ici, lui avoit, en 1690, non-seulement légué tous ses livres, mais aussi une rente pour en acheter d’autres, à condition qu’elle serait publique trois jours par semaine, le matin et l’après-dîner. On voit ici qu’il y fut fait droit. Plus tard vint le don de M. de Tralage, neveu de La Reynie, qui possédoit une collection inappréciable de cartes et plans, dont le plus précieux étoit celui de Paris par Du Cerceau, qui prit, en passant par la bibliothèque de l’abbaye, le nom de plan de Saint-Victor. Ce legs de M. de Tralage, fait en 1698, fut suivi en 1703 de celui du président Cousin, qui donna tous ses livres aux Victorins. Leur bibliothèque dut être alors agrandie de plus du double. Les 3,000 manuscrits suffisoient pour remplir l’ancienne. La Bibliothèque Nationale, depuis 1796, en possède 1265, dont un tiers de mss. latins. Dans le nombre est le très-curieux catalogue de la Bibliothèque Saint-Victor par Claude de Grandrue.

Et celle du Jardin Medicinal de Pincourt, qui est ouverte seulement les Dimanches après Vepres, en faveur des Medecins, des Chirurgiens et des Apoticaires artistes ; qui confèrent en même temps sur les Nouvelles Découvertes qui se font dans les Sciences Naturelles et dans les Arts qui en dépendent.

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