Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, tome 1/2
BAINS ET ETUVES.
Les Barbiers Baigneurs[1] qui tiennent des Bains, des Etuves et des dépilatoires pour la propreté du corps humain, sont Messieurs du Pont et Mercier, ruë de Richelieu[2], Jordanis, ruë d’Orléans ; du Bois, rue saint André ; du Perron, vieille ruë du Temple ; de la Cour, ruë des Marmouzets, etc.
[1] Les baigneurs, — et cela depuis longtemps déjà (Anc. poésies, t. II, p. 284, et XIII, p. 204) — non-seulement tenoient des bains, mais des chambres garnies, ce qui les astreignoit à faire les mêmes déclarations que les maîtres des auberges. (Correspond. administr. de Louis XIV, t. II, p. 737.) Bussy se permettoit d’y loger quelquefois, au grand scandale de Mme de Sévigné (Edit. Hachette, t. I, p. 392). Elle connoissoit la mauvaise réputation de ces gîtes. Le plus fameux étoit celui qu’avoit tenu Prud’homme, et que La Vienne, à qui Louis XIV, qu’il avoit soigné, fit une grosse fortune, reprit après lui, pour ne pas le rendre plus honnête. (V. Hist. amoureuse des Gaules, édit. elzévirienne, t. III, p. 235.) Prud’homme avoit été baigneur dès 1643. Un acte du 19 septembre de cette année-là le désigne ainsi avec son adresse : « Mr Prud’homme, maître des estuves et faiseur de poil (barbier), rue Neuve-Montmartre. »
[2] Il y avoit encore, en 1755, deux baigneurs en renom, rue de Richelieu : Gagne et L’Etourneau. (Journal du Citoyen, p. 186.)
Les Dames sont baignées chez M. du Bois par Mademoiselle son Epouse[3].
[3] Il ne faut pas oublier ici que dans les métiers et la bourgeoisie, les femmes mariées ne se faisoient encore appeler que Mademoiselle. Le chevalier Denisart ne devoit faire que plus tard sa satire sur les Bourgeoises qui se font appeler Madame.
Il y a encore des Etuves de l’ancien usage, ruë de Marivaux[4] et ruë du cimetiere saint Nicolas des Champs, où les gens de mediocre condition vont chercher quelque secours pour les Rhumatismes.
[4] Près de Saint-Jacques-la-Boucherie. Une impasse qui s’y trouvoit, entre les nos 21 et 23, s’appeloit encore, avant les démolitions qui l’ont fait disparoître avec la rue, Cul-de-sac des Etuves.
Ces douleurs, celles de la Sciatique, celles qui sont causées par le Mercure qui a été donné en panacée, en Sublimez et en precipitez : celles de la Goutte des pieds et des mains, les Paralisies universelles et particulières, les Tumeurs froides et beaucoup d’autres maladies, sont infailliblement gueries par l’usage des Bagnoires et Etuves vaporeuses de nouvelle invention qui se tiennent au jardin medecinal de Pincourt, entre la porte saint Louis et la porte saint Antoine.
C’est une sorte de machine en laquelle on est baigné sans être dans l’eau, et en laquelle on suë aussi abondament que l’on veut sans être à sec, ce qui fait que son usage ne cause, ni la constipation du ventre et la faiblesse de poitrine comme les bains ordinaires, ni les évanouissemens, la chaleur intérieure, et la difficulté de respirer, qui sont les suites ordinaires des Etuves echauffées par le feu de bois ou d’esprit de vin.
Les Malades y sont couchez sur un lit suspendu où ils reçoivent une vapeur nouvelle, anodine et fortifiante, d’un effet infiniment plus prompt et plus assuré que la bouë de Barbotan, et que les Bains de Bourbon et de Barrège, pendant qu’ils ont la tête hors la machine commodement placée sur un oreiller, et qu’ils respirent un air rafraichissant, parlent, chantent et boivent à leur gré.
Ceux à qui le Medecin qui les a inventées, ne les ordonne qu’une fois par jour, ne payent qu’un écu neuf toute dépense comprise, Logement, Nourriture, Service, Feu, Lumière, Drogues, etc., mais ceux à qui elles conviennent soir et matin, payent un ecu et demi.
Ce qu’il y a de commode en cela pour les personnes delicates, est que la chaleur de ces Etuves peut être donnée à tel degré que l’on veut, en sorte qu’on ne luy donne quelquefois que la force des fomentations.
Comme le Medecin peut regler le choix des herbes dont on fait les décoctions vaporeuses, selon la juste indication de chaque maladie, il peut en la composant diversement, produire autant de différens effets, qu’il y a de distinctions à faire dans les maladies qui viennent d’être déduites, et dans les tempérammens des personnes qui en sont atteintes ; outre qu’en plusieurs occasions, il donne certains vehicules intérieurs qui ont les plus justes proprietez, dans les cas mêmes les plus extraordinaires.
Au surplus, qui voudra sçavoir la disposition, les agrémens et les Commoditez du Jardin Médecinal, aura recours à l’article.