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Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, tome 1/2

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CHAMBRE DES COMPTES.

Premier Président.

M. Nicolaï[1], vieille ruë du Temple.

[1] Le sixième de cette grande famille des Nicolaï qui, de 1506 à 1791, fournit, sans interruption, son président à la Chambre des comptes. Il étoit si bien admis, dans l’ancienne Cour, qu’un Nicolaï devoit seul occuper cette charge que pendant la Restauration, le prince de Condé ne pouvoit s’empêcher d’appeler le marquis de Barbé Marbois, alors président des Comptes : « Mon cher Monsieur de Nicolaï. » — Celui qui figure ici, Jean-Aymard de Nicolaï, fut en charge pendant quarante-huit ans, de 1686 à 1734. Nous ajouterons que ce sont les archives de cette famille, mises à la disposition de M. A. de Boislisle par M. le marquis de Nicolaï, qui lui ont fourni les éléments de son bel ouvrage, la Chambre des Comptes de Paris.

Autres Présidens.

M. de Bretonvilliers[2], Isle Notre Dame[3].

[2] Le Ragois de Bretonvilliers, qui mourut en janvier 1700, sans qu’on eût beaucoup parlé de lui, si ce n’est à cause de sa femme, Claude-Élisabeth Perrot, dont l’intimité avec l’archevêque de Harlay fit quelque peu scandale, et à cause aussi des magnificences de son hôtel.

[3] L’hôtel Bretonvilliers, bâti de 1641 à 1643, pour le père du président nommé ici, et qui étoit, lui, secrétaire du roi, et intéressé dans les fermes, se trouvoit à la pointe de l’Ile Notre-Dame ou Saint-Louis. Le quai sur pilotis qu’il avoit fait construire à l’entour de cette pointe et les fondations seules de son hôtel lui avoient coûté huit cent mille livres. On peut juger par-là de la dépense du reste, dont on peut lire d’ailleurs le curieux et magnifique détail dans l’ouvrage de Brice (1701, in-8, t. I, p. 392-394). — A la mort du président des Comptes, en 1700, son hôtel fut aussitôt mis en vente, mais ne trouva acquéreur qu’en 1716. C’est le maréchal de Tallard qui l’acheta, pour la somme relativement minime de 220,000 livres. On y plaça sous Louis XV la Cour des Aides. Les principales façades furent détruites pendant la Révolution. Ce qui restoit de l’hôtel du côté du quai fut emporté dernièrement pour le percement du boulevard Henri IV.

M. Lambert de Torigny[4], la même[5].

[4] Claude-Jean-Baptiste Lambert de Thorigny, mort en août 1700. Il avoit eu, au mois de juin 1685, la survivance de son père. Il étoit gendre du fameux Bontems.

[5] Il s’agit de l’hôtel Lambert, situé en effet dans « la même » Ile, tout près de l’hôtel Bretonvilliers. Le Vau le construisit pour Nicolas Lambert, dit « le riche », suivant Tallemant, grand-père de celui qui figure ici, et comme lui président des comptes. Il y eut de sa part en le faisant bâtir un peu de dépit contre Bretonvilliers, par qui, selon Tallemant encore, il s’étoit laissé enlever la riche héritière Elisabeth Perrot. Vaincu par lui sur le terrain du mariage, il voulut l’emporter contre lui sur un autre, celui des constructions, en se bâtissant un hôtel plus beau que celui que Bretonvilliers tenoit de son père. Il n’y réussit pas. L’hôtel Lambert, tout superbe qu’il fût, avec ses peintures de Romanelli, de Lebrun et de Lesueur, resta, comme magnificence des bâtiments, étendue et point de vue, inférieur à son voisin. G. Brice, édit. de 1701, t. I, p. 388-391, en a donné une intéressante description, et il existe, sous le nom de galerie Lambert, une collection de gravures de Picard, datées de 1740, qui reproduisent les peintures qu’y avoient faites Lebrun et Lesueur. L’hôtel, qui fut plus tard la propriété du fermier général Dupin, où Voltaire logea avec Mme du Châtelet, etc., appartient aujourd’hui, depuis 1842, à la famille Czartoriski.

M. Paris[6], rue neuve Saint Paul.

[6] Il avoit succédé à son père, l’un des députés de la Chambre des comptes aux conférences de Rueil, pendant la Fronde (Gazette de France, 6 mars 1649).

M. Rezé[7], rue des Bourdonnois.

[7] De la même famille que le président des requêtes Bernard de Rezé, que nous avons vu plus haut.

M. Rossignol[8], près les Filles Saint Thomas.

[8] Il avoit eu sa charge, en octobre 1688, par l’influence de Louvois, à la mort de M. Dupré. Il étoit fils de Rossignol, qui avoit été si utile à Richelieu, puis à Mazarin, par sa facilité à déchiffrer les écritures secrètes. (Historiettes de Tallemant, édit. P. Paris, t. II, p. 33-34.) Son fils avoit hérité de son savoir. « C’étoit, dit Dangeau (14 octobre 1705), à l’époque de sa mort, le plus grand déchiffreur de l’Europe. » Peut-être M. Paulin Paris a-t-il raison, lorsque parlant du père, qui avoit eu si bien le premier la clé de toutes les écritures cachées, il dit : « Je croirois assez que de cet habile homme vient le nom de rossignols, donnés aux clés passe-partout. » Notes sur Tallemant, t. II, p. 94.

M. le Vassan[9], rue neuve Sainte Geneviève.

[9] Lisez de Vassan.

M. Brunet de Monferrant[10], rue des Francs-Bourgeois.

[10] Il avoit acheté une des nouvelles charges 100,000 écus, « comme le roi, dit Dangeau, les a fixées. » Un beau portrait de lui gravé par P. Drevet, d’après F. de Troye, se trouve en tête des Nouvelles remarques, ou réflexions critiques, morales et historiques, par l’abbé Bordelon, vol. in-12 publié en 1695, qui lui est dédié.

M. Gilbert[11], rue de Torigny.

[11] Louis-Charles Gilbert, qui occupoit cette charge de président à la Chambre des Comptes, depuis 1691. Il étoit fils du marchand Gilbert, qui vendoit du drap, près des Saints Innocents, à l’enseigne des Rats, et à qui sa grosse fortune avoit valu de pouvoir marier sa fille Jeanne au Conseiller d’Etat, Fleuriau d’Armenonville, dont il a été parlé plus haut. Ce mariage avoit été beaucoup remarqué et chansonné. (V. le Chansonnier ms. de Maurepas, t. VII, p. 43 et 275.) Le président Gilbert étoit des plus entendus. Il fit notamment un rapport célèbre, qui donna gain de cause au Roi contre le duc de Bouillon dans un important procès. (Dangeau, 9 avril 1715.) Il étoit aussi fort riche. En 1705, son fils avoit pu acheter 55,000 livres le régiment de Chamillart.

M. Tambonneau[12], rue de l’Université[13].

[12] Son père, auquel il succéda, comme président des Comptes, en 1684, a, dans Tallemant, son historiette, où ni lui ni sa femme ne sont fort bien traités. (Edit. P. Paris, t. VII, p. 80, etc.) Le fils, avant d’avoir sa charge, avoit dès 1657 été conseiller au Parlement, puis envoyé extraordinaire à Cologne, et ambassadeur en Suisse. Il mourut, ayant environ quatre-vingt-huit ans, au mois de novembre 1719.

[13] Il habitoit « cette belle maison auprès du Pré aux Clers », comme dit Tallemant, que Le Vau avoit bâtie pour son père, et qu’on voit déjà figurée, en 1652, sur le plan Gomboust. Elle est décrite par G. Brice (édit. de 1701, t. II, p. 267), avec son ordre dorique en pilastres, sa cour « d’une étendue considérable », ses appartements doubles, et son jardin où, ajoute G. Brice, « La Quintinie fameux jardinier du Roy a fait son apprentissage. » Tambonneau la vendit longtemps avant de mourir. En février 1698, il entra en marché avec M. le comte de Marsan, et après quelques difficultés à propos de la propriété d’une moitié de jardin, qui sont curieusement racontées dans les Annales de la Cour et de Paris, t. I, 221, l’affaire s’arrangea. Tambonneau avoit, paroît-il, besoin de vendre. Le prix fut de 235,000 livres, mais l’on calcula qu’avec les réparations à faire, et l’achèvement de quelques parties, l’hôtel ne monteroit pas à moins de 100,000 écus (Dangeau, 5 fév. 1698). En 1710, le comte de Marsan le vendit à M. de Matignon. Quatorze ans après son petit-fils, le prince de Pons, le racheta, et le garda toute sa vie. On ne l’a démoli qu’en 1845, pour percer la rue Neuve de l’Université, dont le nom actuel est rue du Pré aux Clercs, et qui par sa longueur, de la rue de l’Université à la rue Saint-Guillaume, permet d’apprécier ce qu’étoit l’étendue de ce magnifique hôtel.

M. Robert[14], rue Neuve Saint Augustin.

[14] Louis Robert de Fortille. Nous nous étonnons qu’il figure ici, car il avoit, deux ans auparavant, le 20 décembre 1690, donné démission de sa charge pour payer ses dettes, à la suite d’énormes pertes au jeu. (Dangeau, 20 déc. 1690.) C’étoit un des plus gros joueurs de Paris. On veut que La Bruyère l’ait eu en vue dans le 75e Caractère de son chapitre des Biens de fortune : « Mille gens se ruinent au jeu… » Un jour, chez Lauzun, il avoit perdu contre le prince Philippe dix mille pistoles « qu’il paya, sans vouloir de composition », dit Dangeau (13 août 1686). Il étoit parent de Louvois, dont il avoit très-énergiquement secondé les projets en Hollande, comme intendant des places conquises. (C. Rousset, Hist. de Louvois, t. I, p. 435.) L’Espine, des bâtiments du roi, que nous trouverons plus loin, étoit son beau-père.

M. Larcher[15], Couture Sainte Catherine.

[15] Pierre Larcher, marquis d’Esternay, qui fut président à la Chambre des Comptes, de 1651 à 1700, époque où il se démit en faveur de son fils. Il passoit pour avoir été le conseiller de la princesse de Carignan, pour la rédaction de ce fameux testament par lequel trois de ses enfants étoient déshérités.

La Charge d’Avocat Général vacante.

Procureur Général.

M. Roüillé[16], près l’Hôtel d’Angoulesme.

[16] Il ne quitta cette charge qu’en juin 1701, pour celle de Directeur des finances, moyennant 800,000 livres payées au Trésor. Elle venoit d’être créée en double. Armenonville eut l’une, comme on l’a vu plus haut, Rouillé eut l’autre. Il passoit pour ami des lettres. Sénecé lui a adressé une de ses épigrammes qui finit ainsi :

A vous qui reconciliez
Les Muses avec les finances.

Requestes de l’Hôtel du Roy.

M. De Fortia[17], premier Président, rue de Baune, près le Pont royal.

[17] Bernard de Fortia, doyen des maîtres des requêtes de l’Hôtel. Il mourut le 20 octobre 1694.

Procureur Général.

M. Maboulle[18], rue de Sorbonne.

[18] Il occupoit cette charge, depuis vingt ans, par la cession que lui en avoit faite Nicolas Foucault, qui en parle ainsi dans ses Mémoires (in-4o, p. 16) : « 1672. Le 1er janvier, j’ai passé ma procuration ad resignandum de la charge de procureur général des requêtes de l’hôtel à M. Maboul, en exécution du traité fait avec lui de ladite charge, moyennant 78,000 livres, dont il s’est obligé à payer 38,000 livres comptant. Le même jour, je lui ai rendu les provisions en main. »

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