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Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, tome 1/2

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ACADEMIES
ET CONFÉRENCES PUBLIQUES[1].

[1] « Il y a diverses Académies qui ont toutes leurs utilitez publiques. Si celles des Jeux n’avoient pas été défendues, on en feroit de quatre espèces. Mais comme on ne joue plus que dans des maisons particulières, et entre personnes connues, on reduira seulement à trois espèces celles qui subsistent à présent ; sçavoir celles qui ont été établies pour perfectionner les Sciences, celles qui regardent l’Education de la Noblesse, et celles qui concernent les beaux arts. » Edit. 1691, p. 7-8.

Il y a maintenant à Paris deux Academies Royales, établies pour perfectionner les sciences. La plus ancienne est l’Academie Françoise dont le Cardinal de Richelieu a jetté les premiers fondemens et dont le Roy est protecteur.

Elle est composée de quarante Academiciens, tous gens illustres par leur qualité, par leur mérite, et par leur condition. Ils sont uniquement appliquez à reduire la langue Françoise dans toute la pureté qu’on peut desirer. Ils tiennent leurs assemblées trois fois la semaine[2] au vieux Louvre[3], où ils distribuent tous les ans à la saint Louis des prix considérables, à ceux qui ont le mieux travaillé sur une pièce proposée, et sur un sujet à la gloire du Roy[4].

[2] On ne s’étoit d’abord réuni qu’une fois par semaine, puis deux fois. Enfin, l’on alla jusqu’à trois fois en 1675, pour presser le travail du Dictionnaire, et, dès lors, ce fut la règle : « Depuis ce temps là, dit l’abbé d’Olivet, dans une note sur l’Histoire de l’Académie, par Pelisson, c’est l’usage que les trois jours ordinaires d’assemblée soient le lundi, le jeudi, et le samedi. »

[3] « A la prière de Colbert, qui en étoit membre depuis cinq ans, le Roi accorda à l’Académie françoise au rez de chaussée du Louvre, près du pavillon des Cariatides… les Salles, qui, après la Fronde, avoient été celles du Conseil, et qui sont aujourd’hui dans le Musée de Sculpture les salles de Puget et de Coustou. » (Hist. du Louvre, p. 66, dans Paris à travers les âges[5].)

[4] Ces deux prix étoient : celui d’éloquence, fondé par Balzac, qui ne fut distribué qu’à partir de 1671 ; et celui de poésie, dont Pelisson et trois autres académiciens firent les frais, et qu’ensuite l’Académie en corps prit à son compte, jusqu’à ce qu’un de ses membres, l’évêque de Noyon, M. de Clermont-Tonnerre, l’eût constitué à perpétuité.

[5] « La salle, lisons-nous dans l’ouvrage que cite notre avant-dernière note, la salle qui étoit à la suite de celle des séances servoit pour le travail du Dictionnaire, dont le roi payoit toutes les écritures ; et pour l’examen des pièces envoyées au concours des prix d’éloquence et de poésie que l’Académie distribuoit tous les ans à la Saint-Louis sous la forme de deux médailles d’or, de trois cents francs chacune. Ce jour là, comme la chapelle, d’ailleurs fort délaissée, que Le Mercier n’avoit pu achever au premier étage du pavillon des Cariatides de Sarrazin, étoit à la disposition de l’Académie françoise, dont les salles se trouvoient presque au-dessous, les Quarante y faisoient dire une messe en musique et prononcer le panégyrique du saint Roi. »

La deuxième, est l’Academie des Sciences qui s’applique à faire des découvertes dans l’Anatomie, dans la Botanique, dans la Chimie, dans l’Astronomie, dans la méchanique, et generalement dans toutes les parties de la Philosophie et des Mathématiques.

Les Academiciens qui la composent s’assemblent tous les Mercredis et Samedis à la Biblioteque du Roi qui est presentement rue Vivienne[6], et qui sera bien-tot à la place de Vendôme[7].

[6] « Où se doivent adresser ceux qui ont des découvertes ou des inventions nouvelles à proposer, dans le dessein d’être récompensez, ou seulement recommandables. Lorsqu’il s’agit de faits mathématiques, sur l’explication desquels on veut prévenir les Académiciens de cette Académie, on peut s’adresser à l’Observatoire royal, où ils ont chacun leur appartement. » Edit. 1691, p. 8.

[7] Ordre avoit été donné pour la construction de la Bibliothèque à la Place Vendôme, le 19 mai 1691. On en trouve le texte dans les mss. de la Collection Delamarre, à la Biblioth. Nat., t. 131, fol. 81. Elle eût été construite au levant, dans la partie où fut bâti l’hôtel Bourvalais, aujourd’hui Ministère de la Justice, et elle eût absorbé, par derrière, une portion de l’espace occupé, depuis, par les hôtels de la rue Neuve des Capucines, ainsi qu’on en peut juger d’après les plans qui se trouvent au Cabinet des Estampes, Topographie de Paris, Place Vendôme.

Ceux d’entr’eux qui professent les Mathématiques, ont leurs appartements à l’Observatoire Royal à l’extremité du Fauxbourg Saint Jacques.

Quoy-que la musique fasse partie des Mathematiques ; elle a neanmoins son Academie particulière, parcequ’elle seroit entierement inutile, si comme les autres Arts liberaux, elle n’étoit soutenüe de la pratique[8]. Cette Academie s’exerce au quartier de saint Roch[9] chez M. de Francine qui en est Directeur[10] à la répétition des pièces de Theâtre qu’on nomme Opéra, et qu’elle représente ensuite sur le Théâtre du Palais Roial, ce qui peut être pratiqué par la Noblesse sans déroger.

[8] « L’Académie royale de musique, qu’on nomme Opéra, est principalement occupée à représenter des tragédies en musique de la composition de M. Quinault… » Edit. 1691, p. 8. (V. plus loin au chap. Passe-temps et Menus plaisirs.)

[9] Rue Saint-Nicaise. C’est ce qu’on appeloit « l’hôtel de l’Académie.  » (V. notre Hist. de la Butte Saint-Roch, p. 182.)

[10] Il avoit succédé à Lulli, dont il étoit le gendre.

La Societé Royale de Medecine est encore une espèce d’Academie[11] en laquelle on passe des règles à la pratique, ce qui fait qu’elle est composée de Philosophes, de Medecins, de Chirurgiens et d’Apoticaires artistes. Elle tient des Conférences publiques tous les Dimanches après Vepres, rue de Pincourt, Faubourg saint Antoine, chez Monsieur de Blegny qui en est Directeur, qui a commencé cet établissement par ordre du Roy, sous la protection de M. Daquin, premier Medecin de S. M. Il a deja publié plusieurs volumes d’Observations et d’Experiences, et il travaille sans relache à faire de nouvelles découvertes[12]. Cette Societé a des membres en plusieurs Villes de Provinces, qui travaillent utilement à la fin commune, qui est la perfection du plus important de tous les Arts.

[11] « … Est établie par ordre de la Cour, et… disciplinée sur le pied des Académies d’établissement royal. Elle a pour sujet toutes les sciences naturelles et les arts qui en dépendent. » Edit. 1691, p. 12.

[12] « M. de Blegny… a l’avantage d’avoir pratiqué et enseigné successivement toutes les parties de la philosophie et de la médecine. Il a composé dix-huit volumes très-curieux sur les sujets particuliers qui en dépendent, et inventé diverses machines fort industrieuses, qui lui ont toujours attiré beaucoup d’auditeurs. Il s’est retiré depuis quelque temps à son jardin médicinal à l’entrée du faubourg Saint-Antoine, grande rue de Pincourt, où il tient une pension pour les malades, dont il sera parlé ci-après (V. plus bas, Pension pour les malades). Mais on ne laisse pas de le trouver presque tous les jours chez M. son fils, apothicaire du Roi, à l’entrée de la rue de Guénegaud, où il tient ses conférences en hiver, ne les ayant établies l’été à Pincourt, qu’à cause des plantes médicinales qu’il y fait élever pour la satisfaction et l’utilité des médecins, chirurgiens et artistes, qui sont sous sa direction, et qui s’y rendent les dimanches après le service divin, pour conférer à l’ordinaire et consulter sur les indispositions des malades, qui se présentent, et à qui l’on donne gratuitement les ordonnances et délibérations. Mais en hiver, la conférence de la rue Guénegaud se tient les jeudis non fêtez, et commence à trois heures de relevée. » Edit. 1691, p. 12.

Il en est tout de même de l’Academie d’Architecture, c’est un Art qui a beaucoup de preceptes scientifiques, mais qui sont applicables à la mechanique active. Elle est d’etablissement Royal et a eu feu M. Colbert pour protecteur. Maintenant elle est sous la protection de M. de Villacerf[13] et tient ses assemblées tous les Lundis de relevée, au Palais Brion[14].

[13] Edouard Colbert, marquis de Villacerf, cousin du ministre.

[14] « Qui fait partie du Palais Royal, et qui a sa porte dans la rue de Richelieu. » Edit. 1691, p. 9. C’étoit un pavillon, dont une salle donnoit de plain-pied sur le jardin du Palais-Royal. Il devoit son nom au duc de Damville, qui n’étoit que comte de Brion quand le roi l’avoit fait bâtir, pour lui, en 1651. Il y logea plus tard Mme de La Vallière. C’est là que se fit, en plein air, la première exposition de peinture, en 1673. Le Théâtre françois en occupe à peu près l’emplacement. On verra en effet plus loin que le Palais Brion étoit « à l’entrée de la rue de Richelieu. »

Pour ce qui est des deux Academies établies pour la Peinture, pour la Sculpture et pour la Dance, elles n’ont presque pour objet que l’exercice. La premiere qui est pour les Peintres et pour les Sculpteurs, se tient aussi au Palais Brion, à l’entrée de la rue de Richelieu. Elle est composée d’un grand nombre de fort habiles Maitres qui apportent un soin particulier à l’éducation de leurs élèves, et qui leur fournissent continuellement pour le dessein, des modèles humains et vivans placez en différens jours et en diverses postures. Ils trouvent même cet avantage dans leurs études, que l’Academie fait distribuer des prix considérables à ceux qui font plus de progrès dans un certain espace de temps[15].

[15] « Pour être compris dans la liste des disciples, qui doivent y avoir entrée, l’aspirant doit avoir pour professeur l’un des Académiciens, qui, pour justifier la protection qu’il lui accorde, lui donne un billet imprimé signé de lui, et adressant aux Officiers de l’Académie auxquels il le présente. Après quoy ce billet ayant été pareillement signé du Recteur qui est de quartier, et du Professeur qui est en mois, le disciple a la liberté de se rendre tous les jours à l’Académie, où il s’exerce avec tous les autres à dessigner des modèles humains et vivants, placez en différents jours et en diverses postures ; ce qu’ils continuent pendant trois mois, laissant toujours leurs desseins à l’Académie, où ils sont ensuite examinez par les Officiers, qui distribuent une forte médaille d’or à celuy qui a le mieux réussi, une médaille moins pesante du même métail à celui qui approche le plus près de la force de ce premier, et une médaille d’argent à celui dont les desseins prévalent sur tous ceux des disciples auxquels l’Académie n’accorde aucun prix. Après cela, on divise la troupe en trois classes, relativement à la capacité des disciples. Ceux de la première entrent et se placent avant les deux autres classes, qui gardent entre elles le même ordre ; mais avant que les entrées se renouvellent, on recommence aussi la cérémonie des billets et des presentations cy-devant expliquées. Outre les prix qui se distribuent, comme il vient d’être dit, il s’en distribue encore quatre autres à la Saint Louis, qui donnent encore plus d’émulation aux disciples ; par cette raison que ceux qui les ont gagnez sont envoyez et entretenuz à Rome durant trois ans, aux dépens du Roi, même de couleurs et de pinceaux, en travaillant seulement quatre jours la semaine à faire des copies pour Sa Majesté : outre qu’étant revenus, ils sont préférés pour les beaux ouvrages, et reçus sans peine membres de l’Académie, ce qui leur donne de plein droit la liberté de travailler à Paris, et ce qui les met dans un degré de distinction très honorable. Les élèves des peintres et ceux des sculpteurs sont indifféremment admis à disputer les prix, lorsqu’ils ont été jugés de force suffisante ; à cet effet, ceux qui aspirent à ce bénéfice, présentent chacun un esquisse de leur façon ; et, afin que l’Académie soit assurée qu’aucune de ces esquisses n’a été supposée, les Professeurs font faire en leur présence un impromptu à chacun de ceux qui ont présenté de bonnes esquisses ; et tous ceux de qui les impromptus sont d’une force relative à leurs esquisses, sont admis à travailler pour les prix qui sont au nombre de quatre, savoir : deux médailles d’or, et deux d’argent, qui sont distribuées aux quatre disciples qui ont travaillé avec plus de succès, entre lesquels le plus fort reçoit encore un laurier de la main du surintendant de ces Académies. » Edit. 1691, p. 9.

La deuxième qui est pour l’exercice de la Danse[16] tient Salle tous les Jeudis pour eprouver ses eleves, ruë Bailleuil, chez M. de Beauchamp qui en est Chancelier et Maître des Balets du Roy. Selon les statuts de cette Academie, elle ne devroit estre composée que de treize Académiciens ; mais ce nombre a esté augmenté[17] par les grâces que le Roy a bien voulu faire, à quelques uns de ceux qui ont eu l’honneur de danser devant Sa Majesté avant d’y estre admis[18].

[16] « L’Académie royale de danse, qui est établie par lettres patentes à l’instar de celles dont il vient d’être parlé, tenoit il n’y a guère ses assemblées au Palais des Tuileries, dans l’antichambre de Monseigneur, et les tient maintenant dans la salle de Monsieur Beauchamp, maître des ballets du Roi, et chancelier de l’Académie, en sa maison rue Bailleul, derrière l’hôtel d’Aligre. » Id., p. 10. — Les lettres patentes « pour l’établissement de l’Académie royale de danse, en la ville de Paris », avoient été vérifiées au Parlement le 30 mars 1662.

[17] « Et le sera probablement encore. » Edit. 1691, p. 10.

[18] « Trois de ces maîtres se rendent tous les jeudis à l’Académie, pour exercer gratuitement les personnes de considération qui s’y trouvent, et les élèves des Académiciens, qui aspirent d’être admis à l’Académie, et qui ont, à cet effet, leurs protecteurs, par qui l’Académie est certifiée de leur capacité lors de leur réception, qui se fait toujours après la convocation de plusieurs personnes qualifiées, et des maîtres de l’Académie, en présence desquels ils font une expérience de chef-d’œuvre : après quoy, ils sont en plein droit d’enseigner la danse à Paris, et de jouir de divers privilèges que le Roi a eu la bonté d’accorder à cette Académie, où l’on est reçu seulement en payant une somme très modique, et en donnant une bourse de jetons d’argent qui sont distribués au nombre de deux à chacun des maîtres qui se trouvent à l’Académie les jours d’exercice et encore les premiers jeudis de chaque mois, afin de porter les Académiciens à se trouver à l’Assemblée générale qui se tient ce jour là à l’Académie pour délibérer sur les affaires communes, ainsi que le premier jour de mai. » Id., p. 10.

CONFÉRENCES.

Il y a un concours de scavans toutes les aprésdinées chez M. l’Abbé Ménage, Cloitre Notre Dame[19], où l’on confère sur toutes sortes de sujets[20].

[19] Ménage, après la mort du cardinal de Retz, dont il étoit en quelque sorte devenu le secrétaire, avoit pris un logis au Cloître : « Il y tint régulièrement, dit La Monnoye dans la Notice en tête du Menagiana, t. I, tous les mercredis de chaque semaine, une assemblée, qu’il appeloit, à cause du jour, sa Mercuriale, où il eut la satisfaction de voir toujours un grand concours de gens de lettres, tant françois qu’étrangers. » La maison où il logeoit, existe encore rue Massillon, no 4. C’est celle où La Harpe mourut. (Rev. archéolog., t. IV, 1re part., p. 144.)

[20] « La conférence de M. de la Courtière, qui se tient rue Saint-Jean de Beauvais, a pour principal sujet la Philosophie, et pour accessoires les nouveautez de tous genres. » Edit. 1691, p. 12.

M. de Villevant, Maître des Requestes, ruë Hautefeüille, donne aussi entrée chez lui toutes les aprésdinées aux Sçavans de considération, qui tiennent une conférence curieuse sur tous les sujets qui se présentent.

M. d’Herbelot[21], rue de Condé, tient une autre conférence chez lui tous les soirs après sept heures.

[21] C’est l’orientaliste, professeur en langue syriaque, au collége Royal, secrétaire-interprète des langues orientales, auteur de la Bibliothèque orientale, qui fut publiée in-fol. en 1697, deux ans après sa mort.

Les Mardis de relevée, on tient une conférence curieuse chez M. le Marquis d’Angeau, Chevalier des Ordres du Roi, Place Royale[22].

[22] L’abbé de Dangeau, bien plus que son frère le Marquis, trop occupé à la Cour, tenoit cette conférence presque entièrement grammaticale, et qu’on appeloit la Martiale, parce qu’elle avoit lieu le mardi. Le poëte Lainez, qui la fréquenta quelque temps, se vengea de l’ennui qui l’y avoit gagné et des habitudes de purisme qu’il y avoit failli prendre, par cette épigramme :

Je sens que je deviens puriste,
J’aligne au cordeau chaque mot,
Je suis les Dangeaux à la piste :
Je pourrois bien n’être qu’un sot.

Les Jeudis de relevée, chez M. l’Abbé de la Roque, ruë de Guénégaud, sur diverses matières scientifiques[23].

[23] L’abbé Jean-Paul de la Roque, qui, depuis 1675, dirigeoit le Journal des Savants à la place de Gallois, et depuis 1683, le Journal de Médecine, dont il étoit le fondateur. Ses conférences du jeudi, rue Guénegaud, ont été curieusement décrites par Le Maire dans son Paris ancien et nouveau, 1685, in-12.

Les Samedis aussi de relevée, chez M. le Chevalier Chassebras du Breau, Carrefour saint Benoist, quartier S. Germain, sur l’Histoire et sur les sciences[24].

[24] « Enfin, celle de M. de Fontenay, qui se tient les samedis, rue Christine, a pour objet les Mathématiques. » Edit. 1691, p. 12.

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