Vers la lumière... impressions vécues : $b affaire Dreyfus
AUTRE BRAVE HOMME
Rennes, 30 août 1899.
M. Charavay ? Une barbe, avec un homme au fond !
J’en ai rencontré quelques-unes, de ces barbes-là ; et c’était presque toujours de la probité, du génie, de la conviction, qui gîtait au fond des broussailles — que l’homme s’appelât Baudin, le socialiste, Rodin, le sculpteur, ou Charavay, l’expert.
Souvent, elles décèlent une excessive timidité ; abritent des physionomies facilement effarouchables, et trop confiantes d’expression. A l’ombre du maquis, elles se sentent plus à l’aise, moins près et mieux gardées de la méchanceté humaine. Au-dessus, comme les étoiles en haut du bois, brillent des yeux de malice, de foi, ou de rêve — de bonté aussi !
C’est d’une de ces barbes-là, ainsi que, du taillis, s’échappe, au crépuscule, le plus pur chant d’oiseau, que vient de retentir la note la plus humaine qui ait été entendue jusqu’ici.
M. Charavay, qui est un érudit, un savant, n’a pas craint, lui, de reconnaître, de proclamer son erreur. Tourné vers la victime de la plus épouvantable méprise, puis du plus abominable complot que puisse concevoir la raison humaine, il a dit doucement, avec une inclinaison de tête qui était un salut :
— Je me suis trompé. C’est un grand soulagement pour ma conscience de pouvoir le déclarer devant tous.
Puis le petit homme barbu a redescendu les gradins avec autrement de majesté que M. Roget lui-même. Derrière ses lunettes rayonnait plus de lumière : quelque chose magnifiait ses yeux las de savant...
Tandis que nos prunelles, à nous, s’embuaient... et que certains témoins militaires ricanaient.