Contes populaires de Lorraine, comparés avec les contes des autres provinces de France et des pays étrangers, volume 2 (of 2)
LIV
LE LOUP & LE RENARD
Un loup et un renard, deux grands voleurs, s'étaient associés et faisaient ménage ensemble. Ils s'embusquaient à la lisière des bois, ils rôdaient autour des troupeaux, ils s'aventuraient même jusque dans les fermes ou dans les maisons, quand il ne s'y trouvait que des enfants.
Un jour, ils volèrent un pot de beurre; ils le cachèrent au fond du bois pour le trouver quand viendrait l'hiver. Quelque temps après, le loup dit au renard: «J'ai faim: si nous entamions le pot de beurre?—Non, «dit le renard, «n'y touchons pas tant que nous pouvons attraper des moutons ou quelque autre chose; gardons nos provisions pour la mauvaise saison.» Le renard, qui était bien plus fin que son camarade, voulait manger le beurre à lui tout seul.
A midi, au coup de l'Angelus, il dit au loup: «Ecoute! voilà qu'on m'appelle pour être parrain.—Pour être parrain?» dit le loup tout étonné.—«Oui,» dit le renard, et il courut au bois, à l'endroit où était le pot de beurre. Il en mangea une bonne partie, puis il revint trouver son compagnon.
«Te voilà revenu?» lui dit le loup; «eh bien! quel nom as-tu donné à l'enfant?—Je l'ai appelé le Commencement.—Le Commencement! quel vilain nom!—Bah! c'est un nom comme un autre.»
Quelques jours après, quand sonna l'Angelus, le renard dit au loup: «Ecoute! voilà qu'on m'appelle encore pour être parrain.—Ah!» dit le loup, «tu as bien de la chance! et moi, qui ai si faim, jamais on ne m'appellera!»
Le renard retourna au pot de beurre, et se régala comme il faut. Quand il fut revenu, le loup lui demanda: «Quel nom as-tu donné à l'enfant?—Je l'ai nommé la Moitié.—La Moitié! oh! le vilain nom que tu as donné là!» Le renard crevait de rire.
Le lendemain, avant la nuit, il dit au loup: «J'oubliais: je dois encore être parrain demain.—Cela ne finira donc pas?» dit le loup. «Moi, je n'aurai jamais pareille chance.—Oh! pour cela non: tu es trop bête. Au revoir donc; je ne serai pas longtemps, et je te rapporterai quelque chose du repas.»
Il acheva le pot de beurre, et rapporta au loup des os qui étaient bien depuis trente ans sur un tas de pierres. Le loup essaya de les manger et s'y cassa les dents. «Voilà,» dit-il, «un beau régal!—Que veux-tu?» dit le renard; «les temps sont durs! Encore est-ce là ce qu'il y avait de meilleur et de plus friand au repas du baptême. Mange donc.» Mais le loup ne pouvait en venir à bout. «A propos,» demanda-t-il, «quel nom as-tu donné à l'enfant?—Il s'appelle J'â-veu-s'cû[52].—J'â veu s'cû! fi! le vilain nom.»
A quelque temps de là, le loup dit au renard: «Maintenant, il faut aller à nos provisions.» Le renard avait eu soin de casser le pot et de mettre parmi les débris des souris mortes et des limaces. A cette vue, le loup s'écria: «Nous sommes volés!—Ce sont pourtant ces vilaines bêtes qui nous ont joué ce tour,» dit le renard.—«Hélas!» reprit le loup, «moi qui ai si faim!—J'ai cru bien faire,» dit le renard en se retenant de rire; «je voulais mettre le beurre en réserve pour l'hiver.—Et moi,» dit le loup, «je t'avais dit qu'il ne fallait pas attendre; je savais bien que nous ne pourrions pas le garder si longtemps.—C'est qu'aussi on ne trouve pas toujours à prendre; il faut bien ménager un peu. Si nous allions pêcher?—Comment ferons-nous?» demanda le loup.—«Nous nous approcherons des charbonniers pour leur faire peur; ils s'enfuiront et nous prendrons leurs paniers pour attraper le poisson.»
Ce jour-là, il gelait bien fort. «Tiens!» dit le renard en montrant au loup les glaçons qui flottaient sur la rivière, «tout le poisson est crevé: le voilà sur l'eau; il sera bien facile à prendre.» Il attacha un panier à la queue du loup, et le loup descendit dans la rivière. «Oh!» criait-il, «qu'il fait froid!» Cependant les glaçons s'amassaient dans son panier. «Ah! que c'est lourd!—Tire, tire,» disait l'autre, «tu as des poissons plein ton panier.—Je n'en peux venir à bout.»
A la fin pourtant, le loup parvint à sortir de l'eau, mais sa queue se rompit et resta attachée au panier. «Comment!» dit le renard, «tu laisses là ta queue? Mais quelles bêtes as-tu dans ton panier?—Ce sont les bêtes que tu m'as montrées.—Eh bien! essaie d'en manger.» Le loup se cassa encore deux ou trois dents et dit enfin: «Mais ce n'est que de la glace! Ah! que j'ai froid et que j'ai faim!—Regarde là-bas,» dit le renard, «voilà de petits bergers qui teillent du chanvre auprès du feu. Allons-y: ils auront peur et laisseront là leur chanvre. Je t'en referai une queue.»
A leur arrivée, les enfants s'enfuirent en criant: «Ah! le vilain loup! le vilain loup!—Tourne le dos au feu,» dit le renard à son camarade, «et chauffe-toi bien. Je vais te remettre une queue.» Il prit du chanvre et en refit une queue au loup, puis il y mit le feu. Le loup bondit de douleur, et se mit à courir et à s'agiter, en criant d'une voix lamentable:
Le renard lui dit: «Viens avec moi: on va faire la noce à la Grange-Allard[54]; il y a des galettes plein le four.»
A quelque distance de la ferme, le renard grimpa sur un chêne. «Oh!» dit-il, «que cela sent bon la galette! Mais j'entends les cloches! les gens vont revenir de la messe ... Oui, oui, voici la noce; il est temps d'approcher de la chambre à four.—Comment faire pour entrer?» demanda le loup.—«Voici une petite lucarne,» dit le renard; «tu pourrais bien passer par là.—C'est trop étroit; il n'y a pas moyen.—Passe ta tête: là où la tête passe, le derrière passe. Quand tu seras dans la chambre à four, tu mangeras le dessus des tartes, et tu me jetteras le reste par la lucarne. J'en ferai une petite provision peur nous deux.»
Après bien des efforts, le loup parvint à entrer dans la chambre à four; le renard resta dehors, et tout ce que le loup lui jetait par la lucarne, il le mangeait; c'était la meilleure part. Les gens de la noce arrivèrent bientôt; le renard s'enfuit, laissant là son camarade.
Un instant après, les femmes entrèrent dans la chambre à four pour prendre les galettes. Les voilà bien effrayées: «Au loup! au loup!» Tout le monde accourt avec des bâtons, des fléaux, des pelles à feu. Pendant ce temps, le renard riait de toutes ses forces dans sa cachette. Le pauvre loup avait essayé de repasser par la lucarne; mais, comme il avait beaucoup mangé, il ne put y réussir. On tomba sur lui, et on lui donna tant de coups, qu'il rendit tout ce qu'il avait mangé. Les bas blancs, les beaux jupons en furent tout gâtés; il fallut changer d'habits. Quant au loup, il fut si maltraité qu'il en mourut.
NOTES:
[52] «J'ai vu son c..», le fond du pot.
[53] J'ai chaud la patte et chaud le c..; ma grand'mère, je n'y reviendrai plus.
[54] Ferme voisine de Montiers-sur-Saulx.
REMARQUES
Dans une variante, également de Montiers-sur-Saulx, et qui met en scène plusieurs personnes du pays, mortes aujourd'hui, le loup et le renard s'en vont sur le chemin de Ligny. Passent trois charretiers, le père Charoy, le père Maquignon et le père Merveille, avec leur vanne à charbon (banne, voiture à charbon). Le renard court en avant, s'étend sur la route et fait le mort. «Ah! le beau renard!» disent les charretiers, quand ils arrivent auprès de lui; «il faut le mettre sur notre vanne.» Sur leur vanne ils avaient mis, avant de partir, diverses provisions, du pain, du vin, du lard, du beurre. Le renard jette tout sur la route, puis il saute en bas de la vanne et va porter les provisions dans le creux d'un arbre.—Vient ensuite l'histoire du parrainage. Le renard mange d'abord la moitié d'un pot de beurre, et l'enfant s'appelle «la Moitié»; puis il achève le pot, et l'enfant s'appelle «Bé r'liché» (Bien reléché). La troisième fois, il mange le lard et n'en laisse que la couenne; «La Couenne» est le nom de l'enfant.—Cette variante a aussi l'épisode de la pêche; le renard mange tous les poissons, et le loup en est pour sa queue arrachée.
Dans notre conte et sa variante, nous trouvons quatre suites d'aventures, dont certaines forment parfois des contes séparés.
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L'épisode des charretiers, particulier à la variante, se retrouve dans un conte allemand de la Marche de Brandebourg (Kuhn, Mærkische Sagen, p. 297). Dans ce conte, le renard s'y prend absolument de la même manière que dans notre variante, pour voler un charretier qui conduit une voiture chargée de barils de poissons salés. Le loup ayant vu ensuite le renard en train de manger ces poissons, lui demande où il se les est procurés. Le renard lui dit qu'il les a pêchés dans tel étang. Suit l'histoire de la pêche. Quand la queue du loup est bien gelée, le renard attire du côté de l'étang les gens du village voisin, qui tombent sur le loup à coups de bâton et de fourche. Le loup y perd sa queue.—Mêmes aventures et même enchaînement des deux épisodes, dans un conte esthonien, où l'ours tient la place du loup (Grimm, Reinhart Fuchs, p. cclxxxvj), dans un conte russe (L. Léger, nº 28), dans un conte wende de la Lusace, un peu altéré (Haupt et Schmaler, II, p. 166), dans un conte français de la Bresse (Contes des provinces de France, nº 65), altéré aussi, et dans un conte allemand du grand duché d'Oldenbourg (Strackerjan, II, p. 94), où le renard joue le rôle du loup et est attrapé par le lièvre.—Comparer encore un conte allemand assez altéré, le Lièvre et le Renard (Bechstein, p. 120).
Dans un second conte wende de la Lusace (Veckenstedt, p. 98), où les deux épisodes s'enchaînent aussi, le renard est la dupe, comme dans le conte oldenbourgeois, et celui qui l'attrape est une sorte de Petit Poucet, le petit fripon d'Eulenspiegel[55].
L'épisode des charretiers se retrouve encore dans un conte serbe (Vouk, p. 267) et dans un conte écossais (Campbell, I, p. 278).
Dans un conte hottentot, publié par W.-H. Bleek (voir l'article de M. F. Liebrecht dans la Zeitschrift für Vœlkerpsychologie und Sprachwissenschaft, t. V, 1868), le chacal fait le mort et se met sur le chemin d'une voiture chargée de poissons; le charretier le ramasse, comptant en tirer une belle fourrure pour sa femme. Le chacal jette sur la route une bonne partie des poissons, puis il saute en bas de la voiture et les emporte. L'hyène, qui veut l'imiter, n'est pas ramassée parce qu'elle est trop laide; en revanche elle reçoit force coups de bâton.
On peut, croyons-nous, rapprocher de ces divers contes un conte du Cambodge (Aymonier, p. 34): Le lièvre rencontre un jour une vieille femme qui porte des bananes au marché. Il s'étend roide et immobile sur la route. «Bonne aubaine!» dit la femme, «cela me fera un bon civet.» Elle ramasse le lièvre, le met sur sa hotte et continue sa route. Pendant ce temps, le lièvre mange les bananes. A la première occasion il saute à terre et disparaît[56].
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L'épisode de la queue gelée se rencontre, en dehors des contes que nous avons mentionnés, dans un conte bavarois (Grimm, III, p. 124); dans un conte norwégien, le Renard et l'Ours (Asbjœrnsen, t. I, nº 17); dans un conte lapon (nº 1 des Contes lapons traduits par M. F. Liebrecht, Germania, 1870); dans un conte russe (Gubernatis, Zoological Mythology, II, p. 129) et dans un conte écossais, altéré (Campbell, p. 272).
Un conte français, recueilli à Vals (Ardèche) par M. Eugène Rolland (Faune populaire de la France. Les Mammifères sauvages. Paris, 1877, p. 150), présente une petite différence: Le loup et le renard vont pêcher des truites. Le renard attache à la queue du loup un panier destiné à recevoir le produit de la pêche, puis il se met en besogne; chaque fois qu'il plonge, il prend une truite qu'il croque immédiatement, et, en guise de poisson, il va mettre dans le panier une grosse pierre. Finalement, il s'enfuit en se moquant du loup. Celui-ci, furieux, s'élance à sa poursuite; mais toute la peau de sa queue reste attachée au panier chargé de pierres. Il en est à peu près de même dans un conte du Forez, analysé par M. Kœhler (Jahrbuch für romanische und englische Literatur, t. IX, p. 399).
Dans un conte du «pays saxon» de Transylvanie, cité également par M. Kœhler (Zeitschrift für romanische Philologie, III, p. 618), le renard, comme dans notre conte, fait au loup une queue de chanvre et de poix, et ensuite il y met le feu.—Le conte de la Bresse présente cet épisode à peu près de la même manière que le conte de Montiers: nous y retrouvons, par exemple, les bergers qui teillent du chanvre.
En Orient, nous avons à citer un conte des Ossètes du Caucase, traduit par M. Schiefner (Mélanges asiatiques, publiés par l'Académie de Saint-Pétersbourg, t. V, 1865, p. 104): Le renard a trouvé des poissons. Les autres renards se rassemblent autour de lui et lui demandent d'où ces poissons lui viennent. Il leur répond: «J'ai tout simplement laissé pendre ma queue dans l'eau; voilà comment j'ai eu les poissons.» Les renards plongent leur queue dans l'eau et l'y laissent toute la nuit. Le matin, quand ils tirent, leur queue reste dans la glace. (Il y a ici une altération: le conte commence par des tours joués par le renard non à ses frères les renards, mais au loup; c'est le loup qui, ici comme ailleurs, aurait dû être, d'un bout à l'autre, le personnage bafoué.)
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Venons à l'histoire du baptême. Elle se retrouve, avec le pot de beurre, dans le conte du Forez mentionné plus haut. Les noms des prétendus enfants sont Quart-Mindzot («Quart-Mangé») Méto-Mindzot («Moitié-Mangé») et Tut-Mindzot («Tout-Mangé»). Là aussi, les deux personnages sont le loup et le renard. Il en est de même dans le conte de la Bresse, dans trois autres contes français: l'un, de l'Ariège (Revue des langues romanes, t. IV, p. 315); l'autre, de l'Isère (ibid., t. XIV, p. 184); le troisième, du Périgord, recueilli par M. Jules Claretie (Revue des provinces, 1864, p. 492), et aussi dans un conte écossais (Campbell, nº 65), dans un conte du Holstein (Müllenhoff, p. 468), dans un conte grec moderne (Hahn, nº 89), dans un conte espagnol (Caballero, II, p. 6), dans un conte portugais (Braga, nº 246).—Un conte norwégien (Asbjœrnsen, t. I, nº 17) met en scène le renard et l'ours; un conte hessois (Grimm, nº 2), le chat et la souris; un conte poméranien (Grimm, III, p. 7), le coq et la poule; un autre conte allemand (ibid.), le renard et le coq; un conte des nègres de la Guyane française (Brueyre, p. 365), le chat et le chien; enfin un conte islandais (Arnason, p. 606), une vieille femme et son vieux mari.
Dans le plus grand nombre de ces contes, il s'agit d'un pot de beurre, comme dans notre conte et sa variante; d'un pot de miel, dans le conte grec, le conte espagnol, le conte portugais, les contes français de l'Ariège et de l'Isère, ainsi que dans un des contes allemands précédemment cités (Grimm, III, p. 7). Les noms donnés aux enfants ont partout beaucoup de ressemblance avec ceux qui figurent dans les deux contes de Montiers. Ainsi, dans le conte de l'Ariège, Commensadet («Commencé»), Miechet («A moitié»), et Acabadet («Achevé»); dans le conte espagnol, Empezili (de empezar, «commencer»), Mitadili (de mitad, «moitié») et Acabili (de acabar, «achever»); dans le conte créole, Koumansman («Commencement»), Mitan («Milieu») et Finichon («Fin»); dans le conte de l'Isère, Jesquacoûa («Jusqu'au cou»), Jesquamiâ («Jusqu'au milieu») et Jesquaki («Jusqu'au fond»); dans le conte norwégien, «Commencé», «Mi-mangé», «Fond-léché» (comparer le Bè r'liché de notre variante).
Une histoire du même genre se retrouve dans un conte russe (voir Gubernatis, Zoological Mythology, II, p. 129).
Un conte du pays napolitain, publié dans la revue Giambattista Basile, 1884, p. 52, a modifié, en l'altérant, cet épisode.
En Orient, tout cet épisode se raconte chez les Kirghiz de la Sibérie méridionale (Radloff, III, p. 369). Le voici en substance: Un loup, un tigre et un renard sont camarades. Ils trouvent un jour un pot de beurre et le mettent en réserve en un certain endroit. Le renard dit aux autres: «La femme de mon frère aîné vient d'avoir un enfant; je vais aller voir cet enfant et lui donner son nom.—Va,» lui disent le loup et le tigre. Le renard court au pot de beurre, en mange la largeur du doigt et revient trouver ses compagnons. «Eh bien!» lui demandent ceux-ci, «quel nom as-tu donné à l'enfant?—Je l'ai appelé «Large-d'un-doigt». Le lendemain, le renard retourne donner un nom à l'enfant de son second frère, et il l'appelle «Le Milieu». Le nom du troisième enfant, «Lèche-lèche», correspond au Bè r'liché de notre variante lorraine.
Il a été recueilli chez les Kabyles un récit du même genre, mais moins complet (Rivière, p. 89): Le lion, le chacal et le sanglier vivent ensemble et possèdent en commun une jarre de beurre. Un jour qu'ils sont à piocher un champ, le chacal dit que son oncle l'appelle[57]. «La maison de mon frère est en noce; je vais y manger un peu de couscous.» Il part et mange la moitié du beurre. Le lendemain, il mange le reste. Mais, plus tard, quand le lion et le sanglier voient la jarre vide, ils disent au chacal: «C'est toi qui as mangé le beurre.» Le chacal prend la fuite; les autres le rattrapent et le tuent.
Dans ses Notes de lexicographie berbère (Paris, 1885, p. 98), M. René Basset dit qu'il a entendu raconter, toujours en Algérie, à Cherchell, «une histoire qui, pour le fond, est analogue à celle du Renard parrain.»
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Le dernier épisode,—celui du ventre gonflé et de l'ouverture étroite, qui rappelle la fable de la Belette entrée dans un grenier,—fait partie du conte français de Vals que nous avons cité et d'un conte de l'Agenais (Bladé, nº 6). Il existe également dans le conte allemand nº 73 de la collection Grimm, dans deux autres contes allemands (Curtze, p. 173; Kuhn, op. cit., p. 296), dans l'un des contes wendes de la Lusace cités plus haut (Veckenstedt, p. 97), et aussi, d'après M. Kœhler (remarques sur le conte agenais), dans un conte du «pays saxon» de Transylvanie, dans un conte danois et dans un conte hongrois.
La revue la Germania (t. II, 1857, p. 306) a publié un curieux passage d'un manuscrit de la Bibliothèque de Munich, datant du XIIIe ou du XIVe siècle et contenant des sermons en latin. Ce passage sera intéressant à citer ici en entier: «Diabolus quidam Rainhardus duxit feneratorem Isengrimum ad locum multarum carnium, qui, cum tenuis per foramen artum intraverat, inflatus exire non potuit. Vigiles vero per clamorem Rainhardi Isengrimum usque ad evacuationem fustigaverunt et pellem retinuerunt. Sic dæmones usurarium, cum per congregationem rerum fuerit inflatus, a pelle carnali exutum, animam in infernum fustigabunt, ut ossa cum pelle et carne usque ad futurum judicium terræ commendent.»
C'est, comme on voit, tout à fait notre épisode final, et, bien que le sermonnaire remplace le renard et le loup par un diable et un usurier, il a conservé les noms pour ainsi dire classiques de Rainhart et d'Isengrim, donnés au renard et au loup dans la littérature du moyen âge.
NOTES:
[56] Il est assez curieux que le conte oldenbourgeois, mentionné plus haut, et dont le lièvre est aussi le héros, n'a pas non plus les charretiers et leur voiture: c'est à un garçon boulanger, portant des pains dans une corbeille, que le lièvre, aidé ici du renard, joue un tour.
[57] Dans le conte de l'Ariège, la renarde et le loup sont à travailler au jardin quand la renarde dit qu'on l'appelle pour un baptême.