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Contes populaires de Lorraine, comparés avec les contes des autres provinces de France et des pays étrangers, volume 2 (of 2)

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SUPPLÉMENT AUX REMARQUES


Nº I.—JEAN DE L'OURS.

T. I, p. 9.—On peut rapprocher du nom de Jean de la Meule celui de Meule de Moulin que nous rencontrons, associé aux noms de Tord-Chêne et de Décotte-Montagne, dans un conte de la Haute-Bretagne (Sébillot, Littérature orale, p. 86).

P. 23.—Nous avons indiqué le conte allemand nº 71 de la collection Grimm comme spécimen du type de conte où des personnages doués de qualités merveilleuses, force, finesse d'ouïe, etc., se mettent à la suite du héros et l'aident à mener à bonne fin des entreprises à première vue impossibles, imposées à quiconque veut épouser une certaine princesse. Un conte annamite (A. Landes, nº 78) se rapproche beaucoup de ce conte, ainsi que d'un autre conte allemand (Grimm, nº 164). Dans ce conte annamite, auquel il faut joindre la variante nº 102, nous retrouvons en partie les mêmes personnages: ainsi, dans le conte annamite nº 78, l'homme qui entend ce qui se dit partout correspond à l'«écouteur» du conte allemand nº 164; l'homme qui est à l'épreuve du froid et du chaud, à l'homme qui gèle au soleil et qui a chaud dans la glace, du même conte allemand.


Nº III.—LE ROI D'ANGLETERRE ET SON FILLEUL.

I, p. 48.—Aux contes orientaux qui présentent le passage où le héros nourrit divers animaux mourant de faim, il faut ajouter un conte arabe des Mille et une Nuits, cité dans notre second volume, p. 243, et aussi un conte kabyle.

Dans ce dernier conte (A. Hanoteau, p. 282), qui, comme les autres contes kabyles, est venu évidemment de l'Inde par l'intermédiaire des Arabes, un prince veut aller conquérir la main de la fille du roi des chrétiens. Il part avec un esclave, cent chameaux et des bœufs. Arrivé dans un pays désert, il rencontre des oiseaux qui n'ont pas à manger; il tue des bœufs et leur en distribue la chair. Quand les oiseaux sont rassasiés, ils disent au prince de leur demander ce qu'il voudra. «Je désire que vous me donniez un peu de vos plumes.—Cela est facile. Quand tu auras besoin de nous, tu les feras brûler dans le feu.» Même aventure arrive au prince avec des sangliers, qui lui donnent de leurs soies; avec des fourmis, qui lui donnent quelque chose de leurs petites pattes, et enfin avec des abeilles, qui lui donnent quelque chose de leurs petites ailes. Plus tard, quand le roi, père de la princesse, impose au jeune homme plusieurs épreuves, les animaux reconnaissants viennent en aide à leur bienfaiteur. Ainsi, les sangliers labourent pour lui tout un champ dans l'espace d'une nuit; les fourmis trient un mélange d'orge et d'autres graines; les abeilles lui indiquent où est la princesse, qu'il faut reconnaître parmi les femmes de ses quatre-vingt-dix-neuf frères.


Nº V.—LES FILS DU PÊCHEUR.

I, p. 70.—Nous avons fait remarquer,—ce qui, du reste, saute aux yeux,—que les «fils du pêcheur» sont de véritables incarnations du poisson merveilleux. Cette même idée se retrouve, sous une forme étrange, dans un conte annamite (A. Landes, nº 78):

Un homme n'a pas d'enfants. Il est très cruel (selon les idées bouddhiques) et prend le poisson en empoisonnant les eaux. Au confluent de deux rivières, il y avait une énorme anguille. L'homme veut aller la prendre. Comme il va se mettre en route, un bonze cherche à le détourner de son dessein, et, ne pouvant y réussir, lui dit: «C'est assez! puisque vous ne voulez pas faire le bien et épargner la vie de cette créature qui ne fait de mal à personne, faites-moi donner à manger, et je partirai.» L'homme fait servir au bonze des aliments rituels (aliments végétaux, cuits sans sel ni assaisonnements). Le bonze part ensuite, et l'homme jette du poison à l'anguille, qui vient morte à la surface de l'eau. «Quand on l'ouvrit, continue le récit annamite, on lui trouva dans le ventre les aliments rituels, et l'on comprit que c'était cette anguille qui s'était manifestée sous la figure du bonze. L'homme ayant mangé la chair de l'anguille, sa femme devint enceinte, et ils eurent un fils qu'ils aimaient comme l'or et le diamant. Quand il fut devenu grand, il se mit à jouer, à se griser, et fit si bien qu'il dépensa toute la fortune de la maison. Le père et la mère moururent ruinés. Alors le fils dit: «Quand on a fait le mal, le mal vous est rendu,» et il disparut, laissant au village le soin d'enterrer ses parents. Cet enfant,—conclut le conte,—était certainement l'anguille, qui s'était incarnée en lui pour se venger de son meurtrier.»

I, p. 73, note 1.—Dans un conte annamite (A. Landes, nº 101), se trouve également l'histoire de l'oiseau merveilleux: celui qui en mangera la chair deviendra roi.


Nº VII.—LES DEUX SOLDATS DE 1689.

Deux contes sont à joindre aux récits orientaux que nous avons résumés, I, pp. 90-94.

Le premier est un conte annamite, un peu altéré (A. Landes, nº 105): Un voyageur, pressé par la soif, se fait descendre dans un puits par son compagnon de route. Celui-ci l'y abandonne. Etant parvenu à en sortir, Tam (c'est le nom du voyageur) s'égare et arrive à une pagode, où il demande l'hospitalité. Le gardien lui dit: «Restez, si vous voulez; mais il y a ici quatre esprits de personnes laissées sans sépulture, qui apparaissent à la troisième veille et dévorent tout étranger.» L'homme demande qu'on lui indique un trou pour se cacher. «Voilà,» lui dit le gardien, «le trou dans lequel habitent ces démons; c'est derrière l'entrée que vous serez le plus en sûreté.» A la troisième veille, les quatre âmes en peine reviennent d'une expédition. Sans voir Tam, elles s'arrêtent près de l'entrée de leur trou. La première dit: «A gauche, derrière cette pagode, sont enfouies dix jarres d'argent, et à droite dix jarres d'or. Et vous autres, savez-vous quelque chose de nouveau?» La seconde dit: «Je connais quelque chose à l'aide de quoi on pourrait nous détruire. C'est une pierre de tortue (sic). Si quelqu'un s'empare de cette pierre, qui est à côté de la caverne, il pourra nous faire périr.» A ces mots, Tam se précipite pour s'emparer de la pierre. Les mauvais esprits essaient de se jeter sur lui pour le dévorer, mais il tient déjà la pierre et les fait périr. Il déterre ensuite le trésor, et se trouve riche. Quant à son compagnon, il a été rencontré par les mauvais esprits, qui l'ont dévoré.

Le second conte, un conte indien du Pandjab (Steel et Temple, p. 294 seq.), est mieux conservé: Un jeune prince est poussé dans un puits par ses six frères, qui voyagent avec lui. Il entend, pendant la nuit, la conversation des habitants de ce puits, un démon borgne, un pigeon et un serpent. Le serpent dit qu'il a sous lui les trésors de sept rois. Le démon raconte qu'il a rendu malade la fille du roi; le pigeon, qu'il peut la guérir: il suffirait qu'on fit manger de sa fiente à la princesse. Le jour venu, les trois êtres mystérieux disparaissent. Le prince est retiré du puits par un chamelier qui passe. Il guérit la princesse et déterre les trésors. Le roi lui donne la main de sa fille et moitié du royaume. Les frères du jeune homme, qui se trouvent aux noces, ayant appris ses aventures, s'en vont au puits et y descendent. Mais le pigeon, s'étant aperçu que sa fiente a été enlevée, dit à ses compagnons de voir s'il n'y aurait pas là quelque voleur. Les six frères sont découverts, et le démon les dévore.


Nº VIII.—LE TAILLEUR ET LE GÉANT.

I, p. 100.—Un conte du sud de l'Inde (Natêsa Sastrî, nº 9) a deux épisodes que nous avons déjà rencontrés dans le conte mongol du Siddhi-Kür: Un brahmane a pris une seconde femme, au grand chagrin de la première. Cette nouvelle venue étant allée faire ses couches chez sa mère, le brahmane part un jour pour lui rendre visite, emportant des gâteaux qu'il doit lui offrir de la part de sa première femme. Après un jour de marche, il se couche sur le bord d'un étang et s'endort. Une troupe de cent voleurs, qui ont enlevé une princesse endormie et l'emportent dans son lit, viennent justement boire à cet étang; ils trouvent les gâteaux, les mangent et tombent tous raides morts: les gâteaux avaient été empoisonnés par la femme du brahmane à l'intention de sa rivale. A son réveil, le brahmane coupe la tête aux cent voleurs et se fait passer pour le libérateur de la princesse. Le roi la lui donne en mariage.—Bientôt le peuple vient demander au roi d'envoyer son valeureux gendre combattre une lionne terrible à laquelle il faut livrer tous les huit jours une victime humaine. Le brahmane est obligé de soutenir sa réputation; il se fait hisser sur un gros arbre avec toutes sortes d'armes. Voyant la lionne approcher, il est pris d'un tel tremblement que le sabre qu'il tient lui échappe de la main et va tomber juste dans la gueule de la lionne: voilà la bête tuée et le brahmane de nouveau couvert de gloire.—Plus tard, le brahmane doit faire campagne contre un puissant empereur. Le roi lui donne un cheval fougueux, sur lequel le brahmane se fait attacher, de peur de tomber; mais aussitôt le cheval, qui n'a jamais été monté, s'emporte et court au triple galop vers une rivière derrière laquelle est campé l'ennemi. La rivière traversée, le brahmane s'accroche à un arbre miné par l'eau; l'arbre est déraciné et le brahmane le traîne à sa suite. Les cordes qui l'attachent s'étant renflées dans l'eau et le faisant beaucoup souffrir, il ne cesse de crier: Appa! ayya! (Ah! hélas!) Or, l'empereur ennemi s'appelle justement Appayya; ses soldats croient entendre un défi adressé à leur souverain par le guerrier qui fond sur eux, brandissant un arbre entier. Tout fuit, et le brahmane fait sa rentrée en triomphateur.

Un conte de l'île de Ceylan (Orientalist, II, 1885, p. 102), qui ressemble beaucoup à ce conte indien, a un commencement un peu différent. C'est pour se débarrasser, non d'une rivale, mais de son mari lui-même, qui l'exaspère par sa sottise, que la femme donne à celui-ci des gâteaux empoisonnés. (Comparer le conte indien de Cachemire et le conte mongol, résumés dans nos remarques, I, pp. 100 et 102.) Ces gâteaux sont mangés par un éléphant qui faisait la terreur du pays. Vient ensuite un épisode correspondant à celui de la lionne (ici c'est un tigre), et enfin celui de l'arbre déraciné. Ce dernier épisode, où le héros crie Appoi! comme le héros du conte du sud de l'Inde crie Appa! ayya! montre bien l'étroite parenté qui existe entre les deux contes; mais, dans le conte singhalais, cette exclamation ne donne lieu à aucune équivoque.


Nº X.—RENÉ ET SON SEIGNEUR.

A tous les contes orientaux, et notamment aux contes indiens, que nous avons analysés, I, pp. 114-120, nous pouvons ajouter un conte de l'île de Ceylan (Orientalist, II, 1885, p. 33): Un jeune homme, appelé Loku-Appu, a emprunté de l'argent à des joueurs de tamtam, avec la ferme intention de ne jamais le leur rendre. Les voyant un jour de loin se diriger vers sa maison, il fait la leçon à une vieille femme et à une jeune fille, et attend ses créanciers en affectant d'être très occupé à tailler un gros bâton. Les créanciers arrivent; il les prie de s'asseoir, et presque aussitôt il frappe de son bâton la vieille femme, et la pousse dans une chambre voisine. Quelques instants après, il appelle pour avoir du bétel, et, au lieu de la vieille, c'est une jeune fille qui sort de la chambre. Voilà les créanciers fort étonnés; Loku-Appu leur dit que son bâton a la vertu de changer les vieilles femmes en jeunes filles. Les créanciers veulent à toute force posséder ce bâton merveilleux, et, comme Loku-Appu refuse de s'en défaire, ils s'en emparent. De retour chez eux, ils essaient le bâton sur des vieilles femmes, qu'ils parviennent bien à assommer, mais non à rajeunir. Ils retournent furieux chez Loku-Appu; celui-ci dit qu'ils ont pris le bâton par le mauvais bout. La fois d'ensuite, ils emploient le bon bout; mais le résultat est le même. Déterminés à se venger, ils saisissent Loku-Appu, qu'ils enferment dans un sac pour aller le jeter à la rivière. Pendant qu'ils l'y portent, ils entendent battre le tamtam; il déposent le sac et vont voir de quoi il s'agit. Pendant leur absence, un Musulman, marchand d'étoffes, qui passe par là, entend Loku-Appu crier dans son sac: «Hélas! hélas! comment pourrai-je gouverner un royaume, moi qui ne sais ni lire ni écrire?» Il s'approche, et, Loku-Appu lui ayant raconté qu'on l'emmène de force pour le faire roi, il lui demande la faveur de se mettre dans le sac à sa place. Les créanciers, à leur retour, jettent le sac dans la rivière, et sont bien étonnés ensuite de voir Loku-Appu en train de laver des étoffes dans cette même rivière. Loku-Appu leur dit qu'il a trouvé toutes ces étoffes au fond de l'eau et que, comme il y avait un peu de boue dessus, il les nettoie. Les créanciers, voulant avoir pareille aubaine, se font mettre dans des sacs par Loku-Appu et jeter à la rivière.


Nº XI.—LA BOURSE, LE SIFFLET ET LE CHAPEAU.

I, p. 125.—Nous ajouterons aux contes de cette famille dont l'introduction est analogue à celle du nôtre, un conte russe (Gubernatis, Florilegio, p. 75). Là, trois frères, déserteurs, arrivent dans une forêt et passent la nuit dans une cabane, où habite un vieillard; ils montent la garde, chacun à son tour. Le vieillard, content d'eux, donne au premier un manteau qui rend invisible; au second, une tabatière d'où sort toute une armée; au troisième, une bourse qui se remplit d'elle-même. Suivent les aventures du plus jeune avec une femme qui est invincible au jeu de cartes, et l'histoire des pommes qui font pousser des cornes.


Nº XII.—LE PRINCE ET SON CHEVAL.

I, p. 154.—Nous avons dit un mot, d'après Mélusine, d'un conte des sauvages du Brésil. Au moment où nous corrigions les épreuves de cette partie de notre travail, nous n'avions que depuis peu de temps entre les mains la collection de contes portugais du Brésil, publiée tout nouvellement par M. Roméro, et nous n'avions pas vu que les contes dont parle Mélusine avaient été joints à cette collection. Vérification faite (Roméro, p. 198), la ressemblance signalée est très faible: En s'enfuyant de chez l'ogresse, le héros, sur le conseil de la fille de celle-ci, ordonne à certains paniers, qu'elle lui a fait faire, de se transformer en gibier de toute sorte. L'ogresse s'arrête à manger toutes ces bêtes. La suite de ce conte très fruste n'a aucun rapport avec le thème indiqué par Mélusine.


Nº XV.—LES DONS DES TROIS ANIMAUX.

Parmi les contes orientaux que nous avons cités (I, pp. 173-177) comme renfermant le thème, plus ou moins bien conservé, de l'être mystérieux qui cache son âme, sa vie, pour la mettre en sûreté, nous avons donné, p. 175, le résumé d'un conte indien du Kamaon. Nous ferons remarquer ici que ce conte kamaonien offre une grande ressemblance avec le conte indien du Deccan dont un fragment a été donné, même page. La principale différence est que le héros est le fils et non le neveu de la princesse qui a été enlevée par le magicien. De plus, c'est dans d'autres conditions que le jeune prince parvient à s'emparer du perroquet dans lequel est l'âme du magicien.

Tout l'ensemble de ces deux contes du Kamaon et du Deccan se retrouve,—chose à noter,—dans un conte allemand du Holstein (Müllenhoff, p. 404), dans un conte allemand de la principauté de Waldeck (Curtze, p. 129) et dans un conte norvégien (Asbjœrnsen, II, nº 6). Là aussi, une princesse est retenue captive par un magicien; là aussi, tous les beaux-frères de cette princesse, six princes, sont métamorphosés par le magicien (en pierres, comme dans le conte du Deccan); là aussi, un seul homme de la famille,—le fiancé de la princesse, au lieu de son fils ou de son neveu,—a échappé à ce malheur, parce qu'il est resté à la maison, et c'est cet unique survivant qui délivre la princesse.

Notons encore, en passant, que la «sirène» du conte bas-breton, cité pp. 171-172, se retrouve dans un conte espagnol (Biblioteca de las tradiciones populares españolas, I, 1884, p. 183).


Nº XVII.—L'OISEAU DE VÉRITÉ.

La collection Lal Behari Day renferme un conte indien du Bengale (nº 19), qui, sans être bien complet, est mieux conservé que les deux autres contes indiens donnés dans nos remarques (I, pp. 195-196).

Ainsi, d'abord, nous y retrouvons l'introduction caractéristique des contes de ce type: Un jour, une belle jeune fille, dont la mère est une pauvre vieille, va faire ses ablutions dans un étang avec trois amies, filles, la première, du ministre du roi; la seconde, d'un riche marchand, et la dernière, du prêtre royal. Pendant qu'elles se baignent, la fille du ministre dit aux autres: «L'homme qui m'épousera sera un heureux homme: il n'aura jamais à m'acheter d'habits; le vêtement que j'ai une fois mis, ne s'use jamais ni ne se salit.» La fille du marchand dit que le combustible dont elle se sert pour faire la cuisine ne se réduit jamais en cendres, et dure toujours. La fille du prêtre, à son tour, dit que, lorsqu'elle fait cuire du riz, ce riz ne s'épuise pas, et qu'il en reste toujours dans le pot la même quantité. Enfin la fille de la pauvre vieille dit que, si elle se marie, elle aura des jumeaux, un fils et une fille. La fille sera divinement belle, et le fils aura la lune sur son front et des étoiles sur la paume de ses mains. Un roi a entendu cette conversation, et, comme ses six «reines» ne lui ont pas donné d'enfants, il épouse la fille de la vieille.

Ce sont, comme dans les autres contes indiens, les six «reines» qui veulent supprimer les enfants de leur rivale. Elles leur font substituer par la sage-femme deux petits chiens. Le roi, furieux contre sa «septième reine», la fait dépouiller de ses beaux vêtements et revêtir d'habits de cuir et il l'envoie sur la place du marché pour y être employée à écarter les corbeaux. Les enfants sont recueillis par un potier et sa femme, après des incidents merveilleux. Devenu grand, le jeune garçon rencontre un jour le roi à la chasse, et celui-ci remarque la lune sur son front. Il en parle aux six reines, qui envoient la sage-femme à la découverte. La sage-femme entre dans la maison où le frère et la sœur habitent seuls après la mort de leurs parents adoptifs, et se donne à la jeune fille pour sa tante. Après lui avoir fait de grands compliments de sa beauté, elle lui dit qu'il ne lui manque, pour la rehausser, que la fleur nommée kataki, laquelle se trouve au delà de l'océan, gardée par sept cents râkshasas, et elle engage la jeune fille à prier son frère de la lui aller chercher.

Les aventures du jeune homme à la recherche de la fleur ressemblent beaucoup à un épisode d'autres contes indiens, résumé dans les remarques de notre nº 15, les Dons des trois Animaux (I, pp. 176-177). C'est la princesse, ramenée par le jeune homme du pays des râkshasas, qui révèle au roi l'histoire de la perfidie des six reines et tout le reste.


Nº XIX.—LE PETIT BOSSU.

I, p. 214.—Au sujet du flageolet qui force à danser, nous avons rappelé le conte allemand nº 110 de la collection Grimm, le Juif dans les épines. On a recueilli chez les Kabyles un conte analogue (Rivière, p. 91). Dans l'un et dans l'autre, le héros est conduit devant le juge par ceux qu'il a forcés à danser, et il l'oblige à danser lui-même.

I, p. 215.—Nous avons dit que l'épisode du batelier qui, depuis des siècles, transporte les voyageurs de l'autre côté du fleuve, appartient en réalité à un conte d'un autre type, dont un spécimen bien connu est un conte allemand, le Diable aux trois cheveux d'or (Grimm, nº 29). Il est intéressant de constater que cet épisode se retrouve dans un conte annamite (A. Landes, nº 63), qui correspond au conte de la collection Grimm et aux contes analogues.

Dans un conte tchèque de ce type (Chodzko, p. 31), le héros qui doit rapporter à un roi trois cheveux d'or du «vieillard qui voit tout» (le soleil), arrive à une mer. Un vieux batelier, qui depuis des années passe les voyageurs, apprenant où il va, lui dit: «Si tu me promets de demander au vieillard qui voit tout quand j'aurai un remplaçant pour me délivrer de mes peines, je te passerai dans mon bateau.»—Dans le conte annamite, le pauvre homme qui s'en va trouver l'«Empereur Céleste» arrive sur le bord de la mer. Un ba ba (espèce de tortue de mer) sort de l'eau, et lui demande: «Où voulez-vous aller?» Le voyageur lui raconte son histoire. «Je vous passerai dans l'île,» dit le ba ba, «mais vous demanderez pour moi une explication. Voilà mille ans que je fais pénitence, et je reste toujours ce que je suis, sans changer d'être.» Le pauvre consent à ce qui lui est demandé; il monte sur le dos du ba ba, et celui-ci le porte dans l'île.

Chose curieuse, dans une variante «veliko-russe» (Chodzko, p. 40), il n'y a pas de batelier, mais une baleine, couchée à la surface de l'eau et servant de passerelle d'un bord à l'autre. C'est presque le conte annamite.


Nº XXI.—LA BICHE BLANCHE.

I, p. 235.—Nous avons cité divers contes, et notamment un conte indien, dans lesquels une épingle, enfoncée dans la tête de l'héroïne, la transforme en oiseau.

Dans un conte recueilli dans la région de l'Abyssinie, croyons-nous (Leo Reinisch, Die Nuba Sprache, Vienne, 1879, I, p. 221), un magicien enfonce des aiguilles enchantées dans la tête de sept frères, et ils sont changés en taureaux. Leur sœur les conduit au pâturage. Des hommes les tuent. La jeune fille rassemble leurs os et les enterre, et à cet endroit croissent sept palmiers.


Nº XXII.—JEANNE ET BRIMBORIAU.

I, p. 240.—Le conte de l'île de Ceylan, que nous avons rapproché des contes européens de «l'Homme qui revient du Paradis», se retrouve presque identiquement dans le sud de l'Inde (Natêsa Sastrî, nº 12); mais la forme singhalaise est meilleure.

I, pp. 244-245.—Nous avons cité un passage d'un conte du Cambodge. Il sera intéressant, croyons-nous, de signaler l'existence en Europe d'un conte qui ressemble beaucoup à un autre passage de ce même conte oriental.

Dans le récit cambodgien, une femme voudrait se débarrasser de son mari pour en prendre un autre. Un jour, le mari, occupé à la récolte des ignames dans la forêt, va se reposer durant la chaleur dans le temple d'un génie. Précisément pendant ce temps arrive la femme, apportant des offrandes au génie pour lui demander la mort de son mari. Celui-ci, ayant entendu sa prière, se cache derrière l'idole, et, déguisant sa voix, il ordonne à la femme d'acheter une poule couveuse et ses œufs et de servir ce mets à son mari, qui en mourra. La femme se retire et va exécuter cet ordre. Le soir, le mari mange tout ce qui lui est servi et feint de tomber gravement malade. Alors la femme fait entrer son amant, que le mari trouve moyen de faire périr.—Dans un conte du Tyrol italien (Schneller, nº 58), une femme voudrait rendre son mari aveugle pour être plus libre. Elle lui dit un jour qu'elle va se confesser. Le mari, qui se méfie d'elle, lui parle d'un certain prêtre, très habile, dit-il, dans toute sorte de sciences occultes, qui se tient à tel endroit dans le creux d'un chêne. Elle s'y rend: c'est le mari lui-même qui s'est mis dans le chêne. Elle demande au prétendu magicien comment elle pourrait rendre son mari aveugle. Il répond qu'il faut lui faire cuire chaque jour une poule. De retour au logis, elle raconte que le prêtre lui a dit qu'elle devait montrer plus d'égards à son mari, le bien soigner, et chaque jour elle lui fait manger une poule. L'homme fait semblant de perdre peu à peu la vue, et, quand elle le croit tout à fait aveugle, elle appelle son amant, que le mari fait périr. (Comparer Prœhle, I, nº 51, et Braga, nº 113.)—Le Pantchatantra indien (liv. III, 16e récit) nous offre à peu près les même traits: Une femme apporte des offrandes à une déesse et lui demande le moyen de rendre son mari aveugle; le mari, caché derrière la statue, répond qu'il faut lui donner tous les jours des gâteaux et des friandises; plus tard il feint d'être aveugle et finalement bâtonne si bien l'amant de sa femme que celui-ci en meurt.


Nº XXIII.—LE POIRIER D'OR.

Pour l'arbre qui pousse à l'endroit où l'on a mis les os du mouton, comparer le conte de la région de l'Abyssinie, cité dans le supplément aux remarques de notre nº 21, la Biche blanche.

Nous avons fait remarquer que le thème de Cendrillon se combine souvent avec le thème propre du Poirier d'or, et nous avons cité, à ce propos (I, pp. 253-254), un conte indien, dont malheureusement nous ne possédons qu'une analyse incomplète. Il a été publié tout récemment un conte annamite (A. Landes, nº 22), qui présente la même combinaison.

L'introduction de ce conte annamite est altérée, mais nous y retrouvons l'animal mystérieux qui, même après avoir été tué, vient au secours de l'héroïne: Un mari et sa femme ont chacun une fille; celle du mari s'appelle Cam; celle de la femme, Tam. Comme elles sont de même taille et qu'on ne sait laquelle est l'aînée, leurs parents les envoient à la pêche: celle qui prendra le plus de poissons sera l'aînée. C'est Cam, la fille du mari, qui en prend le plus, mais l'autre lui dérobe sa pêche. Un génie, voyant la jeune fille pleurer, lui demande s'il ne lui reste plus rien. Elle répond qu'elle n'a plus qu'un seul poisson. Alors le génie lui dit de le mettre dans un puits et de le nourrir. Mais, un jour, la fille de la marâtre appelle le poisson, le prend et le fait cuire.

A son retour, Cam, ne trouvant plus son poisson, se met à pleurer. Le coq lui dit: «O! o! o! donne-moi trois grains de riz, je te montrerai ses arêtes.» Cam ramasse les arêtes. Le génie lui dit de les mettre dans quatre petits pots, aux quatre coins de son lit: au bout de trois mois et dix jours, elle y trouvera tout ce qu'elle désirera[139]. Elle y trouve des habits et une paire de souliers.

Ici nous entrons tout à fait dans le thème de Cendrillon: Cam s'en va s'habiller dans les champs; mais ses souliers viennent à être mouillés, et elle les fait sécher. Un corbeau enlève un de ces souliers et va le porter dans le palais du prince héritier. Celui-ci fait proclamer qu'il prendra pour femme celle qui pourra chausser le soulier[140]. La marâtre ne permet pas à Cam de se rendre au palais; mais elle y conduit sa fille à elle, sans succès. Cam se plaint et demande à tenter l'aventure. Alors la marâtre mêle des haricots et du sésame, et lui dit que, lorsqu'elle les aura triés, elle pourra y aller. Le génie envoie une bande de pigeons pour l'aider[141]. Enfin Cam va au palais, elle essaie le soulier, et le prince l'épouse.

Vient ensuite, après que Cam a été tuée par la malice de sa belle-sœur, une série de transformations dont nous avons parlé dans le second Appendice à notre introduction (I, pp. LXII-LXIII) et un dénouement dont nous avons dit un mot dans cette introduction même (I, p. XXXIX), mais que, vu son intérêt, nous donnerons ici in extenso: «Lorsque Tam vit revenir sa sœur, elle feignit une grande joie: «Où avez vous été si longtemps? Comment faites-vous pour être si jolie? Dites-le moi, que je fasse comme vous.—Si vous voulez être aussi jolie que moi, faites bouillir de l'eau et jetez-vous dedans.» Tam la crut; elle se jeta dans de l'eau bouillante et mourut. Cam fit saler sa chair et l'envoya à la marâtre. Celle-ci crut que c'était du porc et se mit à manger. Un corbeau perché sur un arbre cria: «Le corbeau vorace mange la chair de son enfant et fait craquer ses os.» La mère de Tam, entendant ce corbeau, se mit en colère et lui dit: «C'est ma fille qui m'a envoyé de la viande; pourquoi dis-tu que je mange la chair de ma fille?» Mais, quand elle eut fini la provision, elle trouva la tête de Tam, et sut ainsi qu'elle était morte.»

Dans un conte sicilien (Gonzenbach, nº 48), une marâtre a fait disparaître sa belle-fille, mariée à un roi, et lui a substitué sa fille à elle. La tromperie étant découverte, le roi fait hacher en mille morceaux la fille de la marâtre et la fait saler dans un baril, en ayant soin de faire mettre la tête au fond. Puis il envoie le baril à la marâtre en lui faisant dire que c'est du thon que lui envoie sa fille. La marâtre ouvre le baril et commence à manger. Le chat lui dit: «Donne-moi quelque chose, et je t'aiderai à pleurer.» Mais elle le chasse. Quand elle arrive au fond du baril et qu'elle voit la tête de sa fille, de désespoir elle se casse la tête contre un mur. Et le chat se met à chanter: «Tu n'as rien voulu me donner; je ne t'aiderai pas à pleurer.»

Ce même passage se retrouve, plus ou moins bien conservé, dans d'autres contes siciliens (Gonzenbach, nos 33, 34, 49; Pitrè, nº 59) et dans un conte islandais (Arnason, p. 243)[142].

Dans une légende historique, rattachée au nom d'une reine Marguerite de Danemark (Müllenhoff, p. 18), le fils de cette reine, envoyé à Oldenbourg pour encaisser de l'argent, est saisi par les cordonniers du pays, qui le hachent menu, le salent et le renvoient ainsi à sa mère.

Un conte kabyle (Rivière, p. 55), qui se rattache au même thème que le conte sicilien cité tout à l'heure, se termine de la même façon: Après que la fille de la marâtre a été tuée, on la fait cuire et on l'envoie à sa mère et à sa sœur. Le chat intervient dans le conte kabyle comme dans le conte sicilien. «Si tu me donnes ce morceau,» dit-il, «je pleurerai d'un œil.»

Enfin, dans un conte indien (miss Stokes, nº 2), une reine qui a maltraité et tué les enfants de son mari est brûlée vive, et ses os sont envoyés à sa mère.

NOTES:

[139] Dans un conte serbe (Vouk, nº 32), par exemple, Cendrillon recueille les os de la vache mystérieuse, comme celle-ci lui a dit de le faire, et, à la place où elles les a enterrés, elle trouve tout ce qu'elle peut désirer. Voir notre tome I, p. 252, note 2.

[140] Dans la légende égyptienne de Rhodopis (Strabon, liv. XVII; Elien, Var., l. XIII), pendant que l'héroïne se baigne avec ses suivantes, un aigle enlève un de ses souliers et le laisse tomber dans le jardin du roi Psammétichus, à Memphis. Le roi, étonné de la petitesse de ce soulier, fait chercher partout celle à qui il appartient, et, l'ayant trouvée, il l'épouse.

[141] Comparer, par exemple, le conte allemand de Cendrillon (Grimm, nº 21).

[142] Il n'est pas inutile de constater que ce conte islandais est une combinaison du thème de Cendrillon et de celui du Poirier d'or, comme le conte annamite.


Nº XXIX.—LA POUILLOTTE ET LE COUCHERILLOT.

Dans un conte portugais du Brésil (Roméro, p. 163), un singe a eu le bout de la queue coupé par la roue d'un chariot. Un chat s'empare de ce bout de queue. Pour le rendre au singe, il lui demande du lait; le singe s'adresse à la vache, qui veut de l'herbe; puis à la vieille, qui veut des souliers; au cordonnier, qui veut des soies; au cochon, qui veut de la pluie (sic). La fin de la série est absurde.

Ce conte brésilien est à citer en ce qu'il ressemble à la fois, pour la première partie de la série de personnages mis en action, à notre conte de Montiers et à la variante de Seine-et-Marne que nous avons donnée. Ainsi, nous y trouvons le chat demandant du lait et la vache de l'herbe, comme dans la variante; la femme demandant des souliers, comme dans le conte de Montiers; le cordonnier demandant des soies, comme dans l'un et l'autre.

Le début du conte brésilien a beaucoup de rapport avec celui d'un conte anglais, mentionné dans nos remarques (Halliwell, nº 81), où le chat ne veut rendre à la souris sa queue, que si elle va lui chercher du lait.


Nº XXXII.—CHATTE BLANCHE.

II, pp. 16-23.—Nous avons eu à étudier, à l'occasion d'un épisode de ce conte, un thème que l'on peut appeler le thème des Jeunes filles oiseaux. Aux contes orientaux que nous avons cités, nous ajouterons un conte annamite (A. Landes, nº 53): Dans un certain pays se trouvait une fontaine où venaient se baigner les fées (mot-à-mot les dames génies). Un jour, un bûcheron emporte les vêtements de l'une d'elles qui était restée dans l'eau plus longtemps que les autres; il refuse de les lui rendre, et elle devient sa femme. L'homme cache les vêtements au fond du grenier à riz. La fée vit pendant quelques années avec l'homme, et ils ont déjà un enfant, quand elle trouve les vêtements. Elle s'en revêt, ôtant seulement son peigne, qu'elle attache au collet de son fils. «Reste ici,» lui dit-elle; «ta mère est une fée, ton père est un mortel; il ne leur est pas permis de vivre longtemps unis.» Et elle s'envole.—L'homme, inconsolable, prend son fils et se rend à la fontaine; mais il ne voit plus la fée descendre s'y baigner; seulement des servantes viennent y puiser de l'eau. L'homme ayant soif, leur demande à boire et leur conte ses malheurs. Pendant qu'il leur parle, le petit garçon laisse tomber le peigne dans une des jarres[143].—Quand les servantes versent l'eau, on trouve le peigne au fond de la jarre. La fée interroge les servantes, et, après avoir entendu leur récit, elle charme un mouchoir, qu'elle leur remet en leur ordonnant de retourner à la fontaine, et, si l'homme y est encore, de lui dire de mettre ce mouchoir en guise de turban et de les suivre. Les servantes le ramènent. Les deux époux restent quelque temps réunis; mais, un jour, la fée dit à l'homme de retourner sur la terre: plus tard, elle demandera au Bouddha de retourner vivre avec lui. On le descend avec son fils, assis sur un tambour au bout d'une corde; mais, par suite d'un malentendu, la corde est coupée, et ils tombent dans la mer, où ils périssent.

II, 23.—Pour l'épisode des tâches imposées au héros, voir le conte kabyle résumé dans le supplément aux remarques de notre nº 3.

NOTES:

[143] Comparer le drame birman cité, II, pp. 19-20. Le conte annamite est altéré: cet épisode du peigne devrait se passer dans le pays de la fée, où le héros finit par arriver.


Nº XLVIII.—LA SALADE BLANCHE ET LA SALADE NOIRE.

II, pp. 121-123.—Le conte annamite suivant (A. Landes, nº 72) est à joindre aux contes orientaux cités:

De deux sœurs, l'aînée est riche; la cadette, pauvre. Cette dernière va, un jour, demander du riz à l'autre, qui répond par un refus. La pauvre femme s'étant mise à glaner des patates dans un champ, un serpent entre dans son panier; elle lui fait cette prière: «Mes enfants et moi, nous souffrons de la faim; si vous voulez vous donner à nous comme nourriture, restez couché dans le panier, afin que je vous emporte à la maison pour vous faire cuire.» Le serpent reste couché, la femme le fait cuire, et il se trouve transformé en un lingot d'or. La famille devient donc riche; on arrange la maison et on invite la sœur aînée. Celle-ci demande à sa sœur d'où lui est venue cette fortune. L'ayant appris, elle se rend dans les champs et se met à glaner comme une pauvresse. Un serpent entre dans son panier; elle lui fait la même demande que sa sœur et le rapporte à la maison. Mais le serpent se multiplie en une foule d'autres serpents qui remplissent toute la maison, et la méchante femme meurt de leurs piqûres.

II, p. 121.—Dans Mélusine (I, col. 43), se trouve un conte créole du même genre que le conte kariaine de Birmanie: les aventures successives de deux petites filles, l'une bonne, l'autre méchante, chez une vieille «Maman Diable». Entre autres choses, cette dernière demande à l'enfant, après le bain, de la bien frotter, et l'enfant voit que le dos de «Maman Diable» est couvert de couteaux et de morceaux de verre cassé. Ce passage rappelle celui du conte kariaine où, en examinant la tête de la géante, la petite fille la voit remplie de serpents verts et de mille-pieds. Comparer un conte serbe (Vouk, nº 36), cité dans nos remarques.


Nº LX.—LE SORCIER.

II, p. 193.—Nous avons résumé un conte annamite, traduit par M. Abel des Michels. La collection A. Landes renferme (nº 79) un conte du même pays, qui ne diffère de ce conte que par une introduction où est expliquée l'origine de la réputation du prétendu devin. Cette introduction a un grand rapport avec celle du conte indien du Kamaon (II, p. 193): Un homme est paresseux et menteur. Sa femme, un jour, l'envoie chercher du travail, mais il revient sans avoir rien fait que de couper un bambou. Avant de rentrer à la maison, il s'arrête derrière le mur. Justement, à ce moment, la femme, qui vient d'acheter cinq gâteaux, en donne trois à ses enfants, en leur disant de serrer les autres dans la jarre à riz, pour leur père. Celui-ci, ayant entendu la chose, entre, quelques instants après, son bambou à la main. «Femme,» dit-il, «j'ai acquis le pouvoir de découvrir les objets cachés; voici avec quoi je les sens. Si tu as quelque chose de caché, je vais le trouver.» Sa femme lui ayant dit de chercher les deux gâteaux, il les trouve tout de suite dans la jarre à riz.—La femme va se vanter auprès de ses voisines de ce que son mari est devenu si habile. On le charge de retrouver des petits cochons perdus. Le hasard a voulu qu'il les ait aperçus dans un buisson; il les ramène en un instant. Puis, comme il a épié les parents de sa femme, il devine du premier coup où ceux-ci ont caché de l'argent.—Vient enfin l'histoire de la tortue d'or, comme dans le conte résumé dans nos remarques.


Nº LXII.—L'HOMME AU POIS.

II, p. 212.—Nous avons donné le résumé d'un conte indien de Lucknow. Voici celui d'un autre conte indien analogue, recueilli dans le Pandjab (Steel et Temple, nº 2):

Un rat a trouvé une racine bien sèche; il l'offre à un homme qui ne peut réussir à allumer son feu. L'homme, en récompense, lui donne un morceau de pâte. Le rat fait cadeau de cette pâte à un potier dont les enfants crient la faim, et il en reçoit un pot. Il donne ce pot à des pâtres qui n'ont que leurs souliers pour recueillir le lait, quand ils veulent traire leurs buffles; il leur demande un buffle en récompense et finit par l'obtenir. Vient à passer une mariée, que l'on porte en palanquin. Les porteurs se plaignant de ne pas avoir de viande à manger, il leur donne son buffle; puis il demande qu'on lui donne la mariée. Les porteurs, craignant une mauvaise affaire, s'esquivent. Le rat emmène chez lui la mariée et l'envoie à la ville vendre des prunes sauvages. La princesse (car c'est une princesse) est reconnue par la reine sa mère, qui la retient. Le rat étant venu réclamer sa femme, on le fait asseoir sur une chaise où l'on a mis du fer rouge; il y laisse sa queue et une partie de sa peau, et il s'enfuit en jurant qu'il ne fera plus jamais de marché avec personne.

Un conte portugais du Brésil (Roméro, p. 162) présente une forme écourtée de ce thème.

Enfin, ce même thème nous paraît se retrouver, mais tout à fait défiguré, dans un conte nago, recueilli chez les nègres de la Côte-des-Esclaves par un missionnaire, M. l'abbé Bouche (Mélusine; II, col. 123): La tortue, ayant demandé une jeune fille en mariage, se voit éconduite. Elle rencontre, un jour, la jeune fille qui cherche des anacardes (sorte de fruit) et qui n'en trouve point. La tortue en cueille et les laisse sur le chemin. La fille passe par là, voit les anacardes et les ramasse. La tortue la laisse faire. Mais, lorsque la fille a employé les fruits, la tortue lui dit: «Rends-moi mes anacardes.—Je m'en suis servie.—Peu importe: je veux mes anacardes.—Prends l'esclave.—Non.—Prends l'enfant.—Non.—Prends la brebis.—Je ne la veux pas.—Prends ce que tu voudras dans la maison.» La tortue refuse toutes les offres et se met à chanter: «L'esclave!... fi de l'esclave! je n'en veux pas. L'enfant ... fi de l'enfant! je n'en veux pas. La brebis!... fi de la brebis! Je veux la fille.» Et on est obligé de lui donner la fille.

Puisque nous revenons sur les remarques de l'Homme au pois, nous ajouterons encore que l'on a recueilli, chez les Tziganes de Transylvanie, un conte du même genre que le conte lorrain, mais écourté (Wlislocki, p. 15): Le héros, un pauvre tzigane, va mendier chez une veuve qui, impatientée de son importunité, lui jette un grain de blé. Le grain de blé, confié au propriétaire d'une autre maison, est mangé par une poule, etc. Finalement le tzigane se met en possession d'un cheval. Il prête ce cheval au roi, qui passe par là et dont le cheval est malade. Arrivé dans la ville du roi, le tzigane trouve son cheval mort, et le roi lui donne, en dédommagement, beaucoup d'argent.


Nº LXX.—LE FRANC VOLEUR.

II, p. 277.—Pour l'épisode du vol du cheval il faut ajouter aux contes cités un conte indien du Bengale (Lal Behari Day, p. 179): Un roi, voulant découvrir quel est l'audacieux qui a volé, pendant la nuit, une chaîne d'or au cou de la reine, ordonne de promener par toute la ville un chameau chargé de sacs d'or. Il espère que le voleur se fera prendre en essayant de s'emparer du chameau et de sa charge. Pendant deux jours et deux nuits, rien n'arrive. La troisième nuit, le conducteur du chameau voit un religieux mendiant assis auprès d'un feu et qui l'engage à fumer une pipe avec lui. Le conducteur met pied à terre, attache le chameau à un arbre et commence à fumer. Mais le prétendu religieux a mêlé au tabac des drogues enivrantes. Le conducteur tombe bientôt dans un profond sommeil, et le voleur peut emmener le chameau.

Ce «religieux mendiant» rappelle le «capucin» du conte lorrain.


Nº LXXIII.—LA BELLE AUX CHEVEUX D'OR.

II, 298-299.—Un conte arabe du Caire (Spitta-Bey, nº 4, p. 54 seq.) nous montre l'existence, en Orient, d'une des formes caractéristiques de dénouement des contes de cette famille:

Un roi veut se débarrasser de Mohammed, le fils du pêcheur. D'après le conseil de son vizir, il ordonne au jeune homme d'aller lui chercher la fille du sultan de la Terre verte, qu'il veut épouser. Un poisson reconnaissant dit à Mohammed de demander au roi de lui donner d'abord une dahabyjeh (sorte de bateau) d'or. La dahabyjeh étant prête, le poisson montre le chemin à Mohammed. Quand il est arrivé à la Terre verte, tout le monde vient voir la dahabyjeh d'or. La princesse veut aussi la visiter; mais à peine est-elle entrée dans la cabine, que le jeune homme met le bâtiment en marche et enlève ainsi la princesse[144]. Alors celle-ci tire sa bague de son doigt et la jette dans la mer, où le poisson la saisit et la garde dans sa bouche. Quand le roi veut faire célébrer son mariage avec la princesse, elle demande qu'on lui rapporte d'abord son anneau. Mohammed est chargé de l'affaire, et rapporte l'anneau, que le poisson lui a donné. Alors la princesse dit au roi qu'il y a dans son pays un usage, quand une jeune fille est pour se marier: «On creuse un canal du palais jusqu'au fleuve, on le remplit de bûches et on y met le feu; le fiancé se jette dans le feu et y marche jusqu'à ce qu'il se trouve dans le fleuve; il y prend un bain et revient chez sa fiancée; voilà la cérémonie du contrat de mariage dans mon pays.» Le roi fait creuser le canal et allumer le feu. On y fait d'abord entrer Mohammed, pour voir s'il en sortira sain et sauf. Le poisson a dit à Mohammed ce qu'il fallait faire. Le jeune homme se jette donc dans le feu, en se bouchant les oreilles et en disant: «Au nom de Dieu le clément, le miséricordieux», et il sort de la fournaise plus beau qu'il n'y est entré. Le roi et le vizir se jettent alors dans le feu, et sont réduits en cendres. Mohammed épouse la princesse et monte sur le trône.

NOTES:

[144] Pour ce mode d'enlèvement, comparer, par exemple, le conte serbe nº 12 de la collection Vouk et aussi le conte allemand nº 6 de la collection Grimm.



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