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Histoire du XIXe siècle (volume 3/3) : $b III. Jusqu'à Waterloo

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CHAPITRE VII
LE CZAR PAUL. — SES PROJETS. — SA MORT (31 MARS 1801)

Vers le milieu de l’année, quand l’Europe fut surprise, émerveillée de Marengo, le petit groupe qui osait, à Pétersbourg, être pour l’alliance française, groupe minime, s’enhardit, osa proposer tout bas une alliance plus étroite et qui allait plus loin que la question des neutres. On fit remarquer à Paul que les Anglais, qui se vantaient de sauver l’empire ottoman, s’en rendaient peu à peu les maîtres. Leur succès de Saint-Jean-d’Acre, la mort de Kléber, assassiné le jour même de Marengo, les favorisaient. Ils avaient le parfait maniement des choses de l’Orient, savaient que, sans se démasquer, en partageant les profits avec les pachas, ils feraient ce qu’ils voudraient et n’auraient pas besoin de guerre pour prendre de ce grand empire une possession tacite. C’est ce qu’ils ont fait en ce siècle sous le nez de la Russie. Celle-ci, avocat des Grecs, parlait toujours pour la Turquie d’une refonte totale. Mais les Anglais ne proposant au malade (on appelait ainsi déjà la Turquie), qu’une plus douce médecine, allaient s’emparer de lui, en le laissant s’abîmer et fondre dans son choléra.

Dans les mois d’août et de septembre, le seul homme qui osât être vraiment Russe et du parti de l’empereur, Rostopchine, se hasarda à lui démontrer cela en grand secret, au risque de blesser l’impératrice, le parti allemand, celui des étrangers et de la jeune Russie, qui, par les idées, les intérêts, se rattachaient aux Anglais. Ceux-ci avaient eu l’industrie de convertir à l’admiration de l’Angleterre cette jeunesse aveugle, imprévoyante. Ainsi le jeune Strogonoff, élevé par le Français Romme, mais déviant aux idées anglaises, appelait Paul « le tyran ». Ainsi Alexandre même, le fils du czar, élevé par Laharpe, un patriote de la Suisse française, suivait de préférence ses jeunes camarades les Czartoryski, et rêvait avec eux, pour la Pologne et la Russie peut-être, une constitution anglaise, qu’on ferait à la mort de Paul.

Celui-ci, maître en apparence et le prouvant parfois d’une manière capricieuse, voyait le désert s’étendre autour de lui. Vers le 1er octobre, il demanda à Rostopchine d’écrire enfin et de résumer tout ce qu’il avait dit.

Les Allemands, qui ont seuls le monopole de l’histoire du Nord, disent beaucoup de mal de ce Rostopchine. Nous qui ne connaissons ce nom que par l’incendie de Moscou, nous sommes pourtant disposés à voir en lui un vrai Russe, dévoué à la Russie et au czar.

Dans le mémoire (jusqu’ici inconnu) qu’il fit pour Paul et que j’ai sous les yeux[18], il fait un tableau de l’Europe, de la politique des Anglais et de leurs vues sur la Turquie, et conseille hardiment de les prévenir. Bonaparte, après la mort de Kléber, et maintenant si faible en Égypte, sans doute sera heureux de la proposition. Dans le partage, il aurait l’Égypte et la Grèce maritime, la Russie aurait la Roumélie (Constantinople), la Bulgarie, la Moldavie ; l’Autriche le reste et la Prusse une indemnité.

[18] Ce précieux mémoire, copié sur l’original par le prince Gagarin, et mis dans une revue russe, m’a été communiqué par l’obligeance de M. Iwan Tourgueneff.

Le mémoire de Rostopchine porte à la marge quelques mots de Paul, qu’il avait ajoutés au crayon en se parlant à lui-même pendant la lecture. Ces notes, malheureusement rares, sont infiniment curieuses. Ce sont visiblement des cris du cœur, de la conscience, qu’il s’adressait à lui-même ; — par exemple quand Rostopchine lui fait si largement sa part au démembrement projeté, Paul s’écrie : « N’est-ce pas trop ? » Puis, à propos du succès probable et de la conquête, il ajoute en marge : « Malgré tout cela, on me grondera quand même. »

Singulière expression pour un maître si absolu ! Qui osera gronder le czar ? Probablement sa famille, l’impératrice sans doute, estimée, respectée de Paul, qui avec la liberté d’une épouse inquiète pour son mari, pour la Russie elle-même, doit objecter les conséquences d’un si grand mouvement, qui va certainement le brouiller avec l’Angleterre et l’Europe, le monde des honnêtes gens, dont il avait été jusque-là le défenseur.

Pour cette Allemande et pour son parti, surtout pour les émigrés qu’il avait recueillis et protégés, ses rapports avec la France, avec Bonaparte, que les émigrés appelaient toujours Vendémiaire, étaient un objet d’horreur. Elle ne put qu’augmenter lorsque Paul, qui avait tant aidé Naples, y envoya un ambassadeur pour s’entendre avec celui du premier consul, et que les deux diplomates réunis dans la même loge devant toute l’assistance, associèrent les drapeaux des deux nations, France et Russie.

En réalité, une armée française entrant au royaume de Naples allait occuper le rivage où l’Italie regarde de si près la Grèce. Bonaparte destinait ce commandement et cette gloire d’envahir l’Orient à Macdonald (depuis duc de Tarente), général sage et peu brillant qui ne lui portait pas ombrage. Mais Paul, dit-on, par un très beau mouvement, avait demandé le plus digne, Masséna, le vainqueur de Souvarow, que tout le monde exaltait alors pour sa défense de Gênes. Ce nom de Masséna, le grand général jacobin, fut répété dans le parti contre-révolutionnaire pour rendre plus odieux les nouveaux projets du czar.

Pour dérouter les curieux, on disait en même temps cette chose absurde (qu’ont répétée tous les historiens), que Paul et Bonaparte préparaient une expédition contre l’Inde Anglaise. Les Anglais y crurent si peu, qu’à ce moment même ils tirèrent des troupes de l’Inde pour les envoyer en Égypte au secours des Turcs.

On disait aussi que cinquante mille Cosaques allaient monter à cheval. Ces belliqueuses tribus, sœurs de la Pologne, et qui suivirent jadis si longtemps le drapeau polonais contre les Turcs, auraient pu s’adjoindre sans doute des escadrons polonais et lithuaniens.

Paul avait fait revenir des Polonais de Sibérie, chose menaçante pour les seigneurs russes qui avaient les terres confisquées. Mais ce qui choqua bien plus, c’est qu’il délivra le héros de la Pologne, le saint, le martyr, l’homme drapeau, Kosciuszko. Quand il entra dans sa prison et qu’il vit cette victime, ce pauvre grand homme taillé en pièces et qui n’était pas remis de ses blessures, il ne put contenir son cœur, versa d’abondantes larmes. Car Kosciuszko, cher également aux Russes, aux Cosaques et aux Polonais, lui représentait sans doute le martyre commun de cette grande race slave, son servage, sa captivité. La Russie elle-même est une prison[19].

[19] Voy. Mém. de Niemcewiz.

Dans cette visite généreuse, imprudente peut-être, qui excita l’inquiétude de tous ceux qui avaient reçu de Catherine des biens confisqués, Paul s’était fait accompagner de son fils, le jeune Alexandre, ami et camarade des Czartoryski. Alexandre, tout entouré de jeunes émigrés, des Richelieu, Langeron, Saint-Priest, etc., devait être peu favorable à la révolution. De plus, Allemand par sa mère et Anglais par ses amitiés, il était l’ennemi naturel (ennemi doux, modeste, mais ennemi pourtant) de tous les projets de Paul ; il était l’espoir de la colonie étrangère, du parti allemand, qui attendait le règne de l’impératrice ou de son fils.

Il pleura, comme son père, à la vue de Kosciuszko, mais sans doute révéla et à sa mère et à tous cette scène touchante, qui alarma bien des gens, comme un augure certain de la résurrection de la Pologne. Elle pouvait être à ce moment un instrument militaire contre la Turquie, contre les Anglais, qui certainement allaient la défendre comme leur alliée actuelle (et leur proie dans l’avenir). Le moment semblait favorable pour Paul. Pitt tombait, et la grande Angleterre manufacturière, le roi et son futur ministre, Addington, soupiraient après la paix.

Cependant le printemps arrivait, les mers du Nord dégelaient. Paul imagina un moyen de détourner l’attention des Anglais en les faisant attaquer en Hanovre par la Prusse. Le Hanovre, patrimoine antique de la maison royale ! Georges III y tenait de cœur, et il aurait dit volontiers : « Prenez plutôt mes trois royaumes, mais laissez-moi le Hanovre ! »

C’était un point si sensible, que Paul engageait par là un combat à mort, où les vues pacifiques du roi et son honnêteté comme homme se trouveraient embarrassées. Une flotte anglaise partit pour la Baltique. Les Anglais de Pétersbourg, dont Paul arrêtait le négoce, furent désespérés, ainsi que les maisons russes qui commerçaient avec eux. Les cuirs, les câbles, les goudrons, les suifs, tous ces produits russes qu’enlevait l’Angleterre pour sa marine, chaque année, restaient là prisonniers à Cronstadt, Revel, Riga, ainsi que les amas de blés venus de Pologne. Les grands propriétaires étaient comme enfermés, asphyxiés, la mer du Nord et le commerce anglais étant leurs débouchés uniques. Le czar en fermant ces ports les ruinait et les étouffait pour ainsi dire, les portait, pour se délivrer, aux résolutions les plus sinistres.

Paul se trouva ainsi condamné par tous, les seigneurs et les marchands. On eut ce spectacle étonnant d’un monarque absolu qui ne peut rien, que tout le monde abandonne. Cela semblait un grand signe ; on s’attendait à quelque chose d’effroyable. Les loyers baissèrent de prix à Pétersbourg. On s’enfuyait, craignant les fureurs de cet homme délaissé (qui rappelait le lépreux de la cité d’Aoste).

Paul ne se fiait qu’à Rostopchine. Mais, dans le mémoire que j’ai sous les yeux, on voit qu’il était convenu qu’il l’enverrait à Paris en faisant semblant de le disgracier. Chose imprudente ! en laissant partir Rostopchine, il se désarmait lui-même de la surveillance qui le rassurait le plus. Il l’avait fait directeur des postes et comptait sur lui, en cas de conspiration, pour le tirer de Pétersbourg et le conduire à Moscou, dans la ville vraiment russe où il serait en sûreté.

Sans doute, au moment du printemps, le grand projet pressait fort. Dans l’absence de Rostopchine, Paul crut pouvoir se confier à un homme qu’il avait comblé de biens et auquel il donna le gouvernement de Pétersbourg même. Il n’était ni Russe, ni Allemand, mais Courlandais (race douteuse qui n’est pas russe, mais qui gouverne beaucoup trop la Russie). Ce Courlandais, Pahlen, avait force biens confisqués, craignait de les rendre si Paul vivait.

Pahlen fit conspirer plus qu’il ne conspira lui-même. Il ne cacha pas à son maître qu’il y avait un complot (en disant qu’il le déjouerait). Paul s’était aliéné ses propres gardes en rétablissant la discipline militaire, sur les abus de laquelle Catherine avait fermé les yeux. On attribua la première idée de la conspiration à un scélérat italien, mais ce fut en réalité un Russe, un officier des gardes de Paul, le prince Zouboff[20] qui y eut la part principale. Il s’en vanta plus tard à la cour de Berlin, où tout le monde eut horreur de sa funèbre légèreté.

[20] Voy. Hardenberg.

On recruta d’autant plus aisément les assassins, qu’ils voyaient eux-mêmes que les meurtriers de Pierre III, loin d’être punis étaient parvenus à une haute fortune. Une Russe, mademoiselle Nélidoff avait sauvé les assassins de Pierre en disant que ces gens-là étaient bien dangereux, qu’il était plus sûr de ne pas les punir. Ce beau raisonnement agit fort sur Catherine ; elle réfléchit qu’après tout, ils lui avaient rendu service. Il devait agir de même sur la veuve et le fils de Paul.

Plusieurs des meurtriers étaient de jeunes fous, qui avaient lu Plutarque et croyaient tuer César. D’autres étaient des politiques, qui agissaient pour le parti anglo-allemand. Cela est si vrai que, dans un très bon livre allemand, Mémoires d’Hardenberg, on appelle vil et misérable celui qui seul se repentit, et qui écrivit à Paul pour le sauver.

Cette mort fut épouvantable bien plus que la mort de Pierre III. D’abord ce fut une hypocrite obsession, où on le pressait d’abdiquer pour l’impératrice et son fils. On le serrait de plus en plus, et déjà on avait tué deux hussards qui avaient voulu défendre la porte. Cela n’était que trop clair ; il vit bien qu’on en voulait à sa vie. Et ce qui brisa son cœur et son courage, c’est qu’un des conjurés fort jeune lui parut être son fils chéri, Constantin. Alors Paul, l’appelant du nom dont tout le monde le désignait à la cour, s’écria douloureusement : « Et vous aussi, monseigneur Constantin ! » Puis il tomba sans connaissance.

Dès qu’il revint, les instances recommencèrent, mais de plus en plus menaçantes. Éperdu, il chercha la porte de l’impératrice, ne se souvenant plus qu’il l’avait murée lui-même. Puis, il courut dans l’appartement, cherchant une cachette et finit par s’en faire une en se mettant sous des drapeaux.

Scène hideuse que cette chasse où on poursuivait un homme, comme un rat et une souris !

Les assaillants étaient aussi effrayés que lui. L’un d’eux, Benigsen, né Anglais, parvint à leur rendre du courage, et comme on disait : « Il est sauvé ! » il le montra blotti sous ces drapeaux en disant : « Point de faiblesse ! autrement, je vous fais massacrer tous ! »

Cependant le bruit gagnait, et l’impératrice voulait venir. Un garde l’en empêcha. Elle lui donna un soufflet, mais n’insista point, et ne passa pas. Un chirurgien anglais qui se trouvait là fort à point, lui dit : « Ne bougez pas, madame. On m’appelle, je vais tout finir. »

Il finit tout, en effet, au moyen de son bistouri, en coupant les artères.

Pahlen s’était tenu dans la cour avec les gardes restant à même de massacrer ses complices si l’affaire ne réussissait pas. Il aurait prétendu alors qu’il avait sauvé l’empereur.

La chose avait si bien transpiré d’avance, que l’envoyé prussien, dînant chez un grand de l’empire, vit un chambellan de Paul qui tirait sa montre et disait : « Le grand empereur n’est pas dans ce moment fort à son aise. »

Dans la réalité, la mère allemande et son fils s’étaient trouvés, peut-être à leur insu, chefs du parti de l’étranger contre le czar, seul véritable Russe. On leur avait dit ce qu’on ne croyait pas soi-même, qu’on pourrait forcer Paul à abdiquer. Qui régnerait ? On ne l’avait pas décidé. Si bien que l’Allemande croyait que c’était elle qui régnerait comme avait régné Catherine après Pierre III.

Ni le fils, ni la mère ne firent rien contre les meurtriers, sur le moment (ils craignaient peut-être) et ils ne firent rien plus tard. Les coupables gardèrent leurs places et leurs dignités. Le doux Alexandre vécut au milieu des assassins de son père et envoya l’un d’eux à Berlin, comme ambassadeur de Russie.


Non seulement Paul ne fut pas vengé, mais l’on s’attacha toujours, par une tradition soignée et constante, à représenter cet ami de la France et de la Pologne comme un maniaque, un fou. En cela le parti allemand-anglais, qui seul a écrit cette histoire, s’est asservi à appuyer de son mieux les récits de l’aristocratie russe.

Les paysans de Russie n’écrivent pas et n’ont pu défendre la mémoire de leur pauvre empereur ; — qu’un Français l’essaye ici, avec des documents russes qu’on peut dire irréfutables, ayant été lus et annotés de Paul lui-même.

Malgré les bizarreries de ce caractère et l’assistance trop confiante qu’il donnait à Bonaparte, on ne peut regarder sa mort que comme un malheur pour les Russes, les Slaves en général et pour l’Europe.

Sa haute justification qui dicte l’arrêt de l’histoire, se trouve en deux mots : 1o il aurait été sauvé s’il eût pu aller à Moscou dans la ville vraiment russe ; et on ne put le tuer que dans la ville bâtarde, peuplée de faux Russes qui désiraient retourner sous le joug d’une Allemande ; 2o sa bienveillance pour les Polonais devait faire espérer qu’il réparerait le crime de Catherine, et qu’en relevant la Pologne sous l’abri de la Russie, il reconstituerait la grande unité slave[21].

[21] Cette appréhension le fit haïr des siens, et tous ceux qui, comme Pahlen, tenaient leur fortune des confiscations, durent désirer sa mort.

Le partage de la Pologne, proposé par l’astucieux Frédéric, sembla d’abord un avantage pour la Russie, à qui l’on fit faire forte part, et qui dès lors se vit entourée, souvent secondée de ses deux complices, la Prusse et l’Autriche, en toute querelle européenne. Mais ce qu’on ne prévoyait pas, c’est que la Russie, occupée de ce pillage acharné sur ce grand cadavre, se détournerait des progrès spontanés et personnels qui demandent des efforts et certains ménagements des grands pour le peuple russe, qu’ils tiennent à l’état barbare.

Ce qu’on ne prévoyait pas, c’est que, de cent manières les Allemands envahiraient la Russie ; comme intendants, économes, employés du gouvernement ; qu’ils se feraient les maîtres du pays et qu’enfin cette Allemagne bâtarde, l’un des peuples les plus platement médiocres de la terre, exclurait de tout progrès les Russes bien autrement doués, et qui, si on ne les étouffe, ont l’adresse, et souvent la vive ingéniosité du Midi.

La grosse Allemagne, dès lors interposée comme un mur, entre la Russie et l’Europe, imprima au génie russe sa frigidité, sa roideur, paralysa les délicats organes par lesquels la Russie eût senti l’électricité de l’Occident, la chaleur que projettent au loin les arts de la France, de l’Italie, et le miracle de l’industrie anglaise. C’est comme un soleil de civilisation qui échauffe, éclaire l’Ouest, et dont la Russie a d’elle-même l’instinct de se rapprocher.

L’Allemagne sans doute est très cultivée, mais d’une autre culture. C’est un certain bagage scolastique propre à l’esprit allemand qui l’empêche de se communiquer. Il y a là un obstacle grave. Les cerveaux russes qu’on essaye de cultiver à l’allemande aux universités y prennent je ne sais quelle gaucherie, quelle difficulté d’action, qui va mainte fois jusqu’à la paralysie définitive.

Cette pesante Allemagne appliquée à la mobile Russie n’en vient que trop bien à bout, en l’écrasant, lui ôtant la force de faire un pas. On le vit sous Alexandre. Délivré des caprices, souvent bizarres, de Paul, on eut en revanche sous son fils (Français d’extérieur, mais Allemand par sa mère) un imitateur de l’Allemagne. Ses colonies militaires, copiées de celles d’Autriche, poussèrent son peuple dans un tel désespoir que plusieurs paysans aimèrent mieux mourir par le knout que de se soumettre à ses absurdes règlements.

Pour revenir, la tragique mort de Paul, qui ramenait la Russie au joug de l’étranger, fut un malheur pour l’Europe. Elle éloigna la Russie de tout rapprochement avec la France.

Et la tyrannie de Napoléon, ses fatales victoires d’Austerlitz, de la Moskowa, qui firent de la guerre une affaire nationale et finirent par mener les Russes en France, ne confirmèrent que trop le divorce entre l’Orient et l’Occident de l’Europe, entre deux peuples, analogues de caractère, nés pour être amis.

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