Histoire du XIXe siècle (volume 3/3) : $b III. Jusqu'à Waterloo
L’âge me presse. Et aussi le déclin du siècle, si rapide depuis vingt ans, qu’on dirait qu’il se précipite.
En regardant l’Europe, je vois, ici et là, quelques exceptions éclatantes. Car l’aplatissement commun semble avoir rehaussé de grands courages, qui font d’autant mieux ressortir la plaine et le désert à l’entour.
Ce troisième volume donne le monde, surtout la France et Bonaparte, de 1800 à 1815, c’est-à-dire aux années sanglantes qui énervèrent le siècle dès l’origine, qui commencèrent des haines séculaires, et firent que la France, entraînée à des entreprises qu’en majorité elle repoussait, devint l’objet d’une défiance générale.
J’eus le malheur de naître et de grandir à cette époque funeste, et je puis dire que la France ne fut jamais dupe qu’à moitié de Bonaparte. Tous, en suivant des yeux le grand prestidigitateur dans les nuages où il se balançait, disaient toujours : « Cela finira mal. » — Même la grande armée le disait, en le suivant par honneur militaire.
La France, qui sous lui paraissait annulée d’esprit, existait pourtant en dessous. Et dès qu’il disparut (même sous le sot gouvernement qui suivit), elle se révéla avec une fécondité et un éclat inconcevables dans l’industrie, dans l’art, dans la littérature[1].
[1] Ce livre a été fait en partie de mes souvenirs. Mais je puis dire que le monde y a contribué, par l’obligeance de mes amis, depuis l’Angleterre jusqu’à la Russie. Que de remercîments je dois à MM. les bibliothécaires de Paris, Lausanne, Genève, Toulon, et spécialement à une bibliothèque trop peu connue, la Bibliothèque polonaise de Paris (île Saint-Louis, quai d’Orléans 6), dirigée par un grand artiste, M. Zaleski, auteur du bel Atlas des steppes tartares, où lui-même a vécu.