Les Sèvriennes
CHAPITRE XIV
JOURNAL DE MARGUERITE TRIEL
15 juillet.
— Pauvre journal, je te délaisse. Il m’est impossible d’éloigner de moi la pensée de l’examen. Serai-je prête ? irai-je tranquille, rassurée par ce que j’emporte en moi ?
Nous sommes toutes dans cet état bizarre d’indifférence et d’anxiété, qui précède les jours d’examen. Je voudrais m’arracher à mes livres ; Berthe et moi, nous devons passer dans les bois les deux après-midi qui nous restent.
18 juillet.
Je suis allée là-bas, lui porter des fleurs, c’est à elle maintenant que j’offre la rose des jours d’angoisse, elle qui me disait, il y a deux ans : « La Sainte sait bien, ma chérie, ce que ta rose lui demande, elle t’exaucera. »
Chérie que tu me manques ! demain, c’est toi qui m’aurais donné courage ; ton baiser fraternel m’eût porté bonheur. Ma joie aurait été ta joie. La pensée du succès ne me réjouit point : j’en serai fière pour l’École ; que m’importe à moi, puisque je n’ai plus personne à qui l’offrir.
Où est-il ? que fait-il ? Pourquoi ce silence ? notre amitié est-elle morte avec son amour ! Moi, je suis fidèle, je ne retirerai pas la main que j’ai tendue.
19 juillet, 6 heures du matin.
Dans un moment, nous partirons pour la Sorbonne ; je suis très calme, la nervosité de mes compagnes ne me trouble pas ; j’ai rêvé d’Elle et de Lui, je suis presque heureuse, je sens qu’ils m’accompagnent.
Maintenant, je puis recevoir le baiser de Mme Jules Ferron, j’ai reçu celui de Charlotte.