Perte et gain : $b histoire d'un converti
CHAPITRE XV.
Les XXXIX Articles.
Pour la tranquillité de l’esprit de Charles, il ne pouvait y avoir de cours plus fâcheux que celui auquel il assista pendant ce trimestre ; cependant, telle est notre ignorance de l’avenir, qu’il le salua avec bonheur, comme s’il devait lui apporter une réponse à toutes les perplexités dans lesquelles avaient concouru à le jeter, chacun à leur manière, Sheffield, Bateman, Freeborn, White, Willis, M. Morley, le docteur Brownside, M. Vincent et l’état général d’Oxford. Notre jeune ami avait fait preuve de tant de moyens dans la première partie de l’année, et il avait étudié avec tant de zèle, que ses tuteurs l’envoyèrent prématurément au cours des Articles. Ce cours était de premier ordre, vu surtout que le tuteur qui le donnait était parfaitement maître de sa matière. Il savait toute l’histoire des Articles[53] ; il pouvait dire comment ils étaient arrivés à la forme actuelle, par quelles vicissitudes ils étaient passés, les additions qu’on y avait faites, l’époque de ces additions, et enfin ce qu’on en avait retranché. A cette érudition se joignait naturellement une explication du texte déduite, autant que possible, de l’exposé historique ainsi donné. Le professeur faisait intervenir, en outre, dans le cours tous les Réformateurs anglais et étrangers ; et rien n’y manquait, au moins dans sa pensée, pour fortifier un jeune étudiant dans la croyance et la discipline de l’Église d’Angleterre.
[53] Les XXXIX Articles furent rédigés en 1562 et confirmés par la reine et les évêques en 1571.
Or, tel ne fut pas l’effet produit sur Reding. Soit qu’il eût formé des espérances exagérées, soit pour toute autre cause, il arriva qu’il n’éprouva que plus vivement le sentiment du vieux père de la comédie, après la consultation des avocats : Incertior sum multo quam ante. Il vit que la profession de foi contenue dans les Articles n’était qu’un amalgame de morceaux d’orthodoxie, de luthéranisme, de calvinisme, de zwinglianisme, et tout cela ne reposant sur aucun principe. Il vit que cette profession n’était que l’œuvre du hasard, si toutefois le hasard existe ; qu’elle avait revêtu cette forme particulière dans laquelle l’Église d’Angleterre la reçoit aujourd’hui, alors qu’elle aurait pu en prendre toute autre ; et qu’il n’y avait pas de raison pour que les Anglicans de ce jour ne fussent pas Calvinistes, Presbytériens, ou Luthériens aussi bien qu’Épiscopaux. Ce fait historique ne faisait que centupler la difficulté, ou plutôt l’impossibilité de dire quelle était la foi de l’Église d’Angleterre. Presque sur chaque point de la controverse, le texte de la doctrine était vague ou contradictoire, et il y avait un poids imposant de témoignages extérieurs en faveur d’interprétations opposées. Il s’arrêta une ou deux fois, après le cours, pour demander des renseignements à M. Upton, le tuteur, qui était très-disposé à les lui fournir ; mais ses démarches n’aboutirent à rien, en ce qui regarde l’objet qu’il avait en vue.
Une difficulté particulière tourmentait Charles ; c’était de savoir, si, selon les Articles, la vérité divine nous était transmise directement, ou si nous avions à la chercher nous-mêmes dans l’Écriture. Plusieurs Articles éveillaient en lui ce doute. Il le proposa à son tuteur, et M. Upton, ecclésiastique de la Haute Église, lui répondit que la doctrine du salut ne nous était pas transmise, que nous n’avions pas à la chercher, non plus, mais qu’elle nous était proposée par l’Église, et que c’était à l’individu à se la prouver. Charles ne comprenait pas cette distinction entre chercher et prouver ; car comment pouvons-nous prouver, sinon en cherchant les raisons (dans l’Écriture) ? Il présenta sa proposition sous une autre forme. Il demanda si la Religion Chrétienne permettait le jugement privé ? Ce n’était pas là une question abstraite, mais bien pratique. S’il avait fait la même question à un Wesleyen ou à un Indépendant, il aurait obtenu une réponse absolue dans le sens affirmatif ; s’il l’avait faite à un Catholique, celui-ci lui aurait dit que nous usons de notre jugement privé pour trouver l’Église, et qu’ensuite l’Église le remplace ; mais il ne put obtenir une réponse claire de ce théologien d’Oxford. D’abord, on lui dit que certainement nous devons user de notre jugement privé dans la détermination de la doctrine religieuse ; mais ensuite on lui assura que c’était un péché (comme indubitablement c’en est un) de mettre en doute la doctrine de la Sainte-Trinité. Or, tandis que, d’une part, on lui disait que douter de cette doctrine c’était un péché, dans une autre conversation on lui soutenait que notre état le plus haut, ici-bas, c’est l’état de doute. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Assurément la certitude était de toute nécessité sur quelques points, comme par exemple sur l’objet du culte ; comment pouvons-nous honorer d’un culte ce dont nous doutons ? Les deux actes étaient d’ailleurs mis en contraste par l’Évangéliste : « Lorsque les disciples virent Notre-Seigneur après sa résurrection, il l’adorèrent, mais quelques-uns doutaient. » Toutefois, malgré ce fait, on disait à Charles qu’il y avait de « l’impatience » dans la seule idée de désirer la certitude.
Dans une autre circonstance, notre jeune étudiant demanda si les anathèmes du Symbole d’Athanase s’appliquaient à toutes ses clauses ; par exemple, s’il était nécessaire au salut de croire qu’il y a « unus æternus », comme porte le latin ; ou « tel le Père… tel le Saint-Esprit » ; ou que l’Esprit-Saint est « par lui-même Dieu et Seigneur » ; ou que le Christ est Un « par l’assomption[54] de l’humanité en Dieu ». Il ne put obtenir de réponse. M. Upton lui dit qu’il n’aimait pas les questions poussées à l’extrême ; qu’il ne pouvait et qu’il ne désirait pas y répondre ; que le Symbole avait été écrit comme une espèce de protestation contre des hérésies qui n’existaient plus. Reding demanda si cela voulait dire que le Symbole ne contient pas une manière de voir distincte, à lui propre, qui seule est sûre, ou si cela voulait dire qu’il est simplement une négation de l’erreur. « Les clauses, observa-t-il, en sont positives et non négatives. » Il ne put obtenir d’autre réponse, sinon que ce Symbole enseigne que les doctrines de « la Trinité » et de « l’Incarnation » sont « nécessaires au salut », tout en laissant évidemment incertain ce en quoi consistent ces doctrines.
[54] Il faut prendre ce mot dans le sens du latin, assumptio.
Un autre jour il demanda comment les péchés graves commis après le baptême étaient pardonnés. Était-ce par la foi, où ne l’étaient-ils pas du tout en cette vie ? On lui répondit que les Articles n’en disaient rien ; que la doctrine papiste sur le pardon et sur le purgatoire était erronée, et qu’il ferait bien d’écarter et les questions curieuses et les réponses subtiles.
A un autre cours, une nouvelle question se présenta, savoir : si, par la présence réelle on entendait une présence du Christ dans les éléments, ou dans l’âme, c’est-à-dire dans la foi du communiant ; en d’autres termes, si la présence était réellement telle, ou si elle n’était qu’un simple nom. M. Upton déclara que c’était une question en litige. Un jour, Charles demanda si le Christ était présent en fait, ou seulement par ses effets. M. Upton répondit sans hésiter : « Par ses effets », ce qui, aux yeux de Reding, signifiait qu’il n’y avait pas du tout de présence réelle.
Charles avait eu quelque peine à accepter la doctrine des châtiments éternels ; elle lui paraissait le point le plus ardu de la Révélation. Puis il se dit à lui-même : « Mais qu’est-ce que la foi dans sa véritable notion, si ce n’est une acceptation de la parole de Dieu, alors que la raison semble lui être opposée ? Comment la foi existerait-elle, s’il n’y avait rien pour l’éprouver ? » Cette pensée le satisfit complétement. La seule question à résoudre était : Ce dogme fait-il partie de la parole révélée ? « Je puis l’accepter, se dit-il, s’il est certain pour moi que je suis obligé de le croire : mais si je n’étais pas tenu de le croire, je n’aurais pas la force de l’admettre. » C’est pourquoi il demanda à M. Upton si c’était une doctrine de l’Église d’Angleterre ; si la croyance en était exigée par les Articles. Il ne put obtenir de réponse. Cependant s’il ne croyait pas ce dogme, il sentait tout l’édifice de sa foi trembler sous ses pieds. Immédiatement après vint la doctrine de l’expiation.
Il est difficile d’apporter des exemples de ce genre, sans faire naître dans l’esprit du lecteur cette idée que Charles était hardi et captieux dans ses questions. M. Upton, néanmoins, tout en gardant son opinion sur Reding, n’attribua jamais cette manière d’agir à l’orgueil, ni à l’oubli du respect qui lui était dû à lui-même.
Naturellement Charles était préoccupé de son sujet, et il aurait voulu faire part de ses perplexités à Sheffield, s’il n’avait fortement redouté de rendre ainsi la chose pire. Il pensa que Bateman pourrait lui être de quelque utilité, et il s’ouvrit à lui dans une promenade qu’ils firent ensemble à la campagne. Que devait-il faire ? A son arrivée à Oxford, on lui avait dit que lorsqu’il prendrait ses grades il aurait à signer les Articles, non sur la foi, mais sur la raison ; les Articles, pourtant, étaient incompréhensibles : et comment pouvait-il se prouver ce qu’il ne pouvait s’expliquer ?
Bateman paraissait peu disposé à entamer cette matière : « Oh ! mon cher ami, dit-il enfin, vous êtes vraiment dans un état de surexcitation d’esprit ; je n’aime pas à vous parler maintenant, vous ne verrez pas les choses d’une manière droite et claire, vous ne les prendrez pas dans leur sens naturel. Quel fantôme allez-vous évoquer ! Vous assistez, dans votre seconde année, au cours des Articles, et à peine avez-vous commencé, que vous songez à ce que vous penserez ou ne penserez pas à la fin de vos études. Ne demandez rien sur les Articles présentement : attendez, au moins, que vous ayez fini le cours. — Je n’ai pas l’habitude de faire de l’embarras ni de me tourmenter, repartit Charles, quoique, je l’avoue, je ne sois pas tranquille comme je devrais l’être. J’entends exprimer tant d’opinions différentes dans les conversations ! Et si je suis à l’église, que vois-je ? le prédicateur attaquer violemment son confrère ; en dernier lieu, je me mets à l’étude des Articles, et, en vérité, je ne puis voir ce qu’ils enseignent. Par exemple, je ne puis saisir leur doctrine sur la foi, les sacrements, la prédestination, l’Église, l’inspiration de l’Écriture. Et, d’ailleurs, leur langage est si en désaccord avec le Prayer-Book ! Upton a démontré tout cela de la manière la plus évidente, dans son cours. — Mon très-respectable ami, reprit Bateman, songez un instant aux grands hommes qui ont signé les Articles. Peut-être le roi Charles lui-même, Laud bien certainement, tous les grands évêques de l’époque, et ceux de la génération suivante. Songez au très-orthodoxe Bull, au savant Pearson, à l’éloquent Taylor, à Montague, à Barrow, à Thorndike, au bon évêque Horne et à Jones de Nayland. Ne pouvez-vous pas faire ce qu’ils ont fait ? — L’argument est très-fort, répondit Charles ; je l’ai senti ; vous voulez donc dire que je dois signer sur la foi ? — Oui, sans doute, si c’est nécessaire. — Et comment dois-je signer quand je passerai maître, ou lorsque je recevrai les ordres ? — Voilà ce que j’appelle se tourmenter gratuitement. Vous n’êtes pas content de votre jour présent, vous vous transportez à cinq années en avance. » Charles se mit à rire. « Ce n’est pas tout à fait cela, dit-il, je voulais seulement connaître votre opinion ; toutefois, il y a là du vrai. » Et il changea de sujet.
Pendant quelque temps, ils parlèrent de choses insignifiantes, mais, après une pause, les pensées de Charles revinrent aux Articles. « Dites-moi, Bateman, reprit-il, comme simple sujet de curiosité, de quelle manière vous avez souscrit, quand vous avez pris vos grades. — Oh ! je n’eus pas du tout d’embarras, répondit Bateman ; les exemples de Bull et de Pearson : me suffisaient. — Alors vous avez signé sur la foi. — Pas précisément, mais ce fut cette pensée qui aplanit toutes les difficultés. — Auriez-vous pu signer sans cela ? — Comment pouvez-vous me faire cette question ? Évidemment. — Eh bien, dites-moi alors quel était votre motif. — Oh ! des motifs ! j’en avais beaucoup. Mais je ne puis me rappeler à la minute de choses déjà passées depuis quelque temps. — Avouez-le, c’était une matière de difficulté ; vous venez de le dire tout à l’heure. — Pas du tout ; ma difficulté ne tombait pas sur mon opinion personnelle, mais sur la manière de présenter la matière à d’autres. — Quoi ! est-ce qu’on vous tenait pour suspect ? — Non, non, vous êtes complétement dans l’erreur. Voici ma pensée : par exemple, un Article dit que nous sommes justifiés par la foi seule. Or, le sens protestant de ce passage est un point contraire à la doctrine de nos grands théologiens. La question était de savoir ce que je devais répondre quand on me demanderait mon opinion sur cet Article. — Je comprends, dit Charles ; à présent, expliquez-moi comment vous avez résolu le problème. — Eh bien, je ne nie pas que le sens protestant ne soit hérétique, répondit Bateman, ni que tel ne soit le caractère de beaucoup d’autres choses dans les Articles ; mais il n’est pas nécessaire de les prendre dans le sens protestant. — Alors, dans quel sens ? — Eh bien, d’abord, il n’est pas nécessaire de les prendre dans un sens quelconque. Ne riez pas ; écoutez. De graves autorités, comme Laud et Bramhall, paraissent avoir admis que nous signons les Articles seulement comme des articles de paix ; non pas comme les acceptant en réalité, mais comme n’y étant pas opposés. C’est pourquoi, lorsque nous signons les Articles, nous ne faisons que nous engager à ne pas prêcher contre eux. » Reding réfléchit. « Bateman, dit-il ensuite, est-ce que cette manière d’interpréter la signature des Articles ne permettrait pas aux Unitaires d’entrer dans l’Église ? » Bateman l’avoua, mais la Liturgie les en tiendrait éloignés. Charles fit observer qu’ils pourraient prendre également la Liturgie comme une Liturgie de paix.
Bateman reprit de nouveau : « Si vous avez besoin d’un principe palpable pour l’interprétation des Articles et de la Liturgie, je puis vous en donner un. Vous savez, continua-t-il après un court silence, ce que nous acceptons ? eh bien, nous donnons aux Articles une interprétation catholique. » Charles prit un air attentif. « Il est clair, continua Bateman, qu’aucun écrit ne peut être une lettre morte ; il doit être l’expression de la pensée de quelqu’un ; et la question est de savoir de qui est ce qu’on peut appeler la voix qui s’exprime par les Articles. Or, si les évêques, si les chefs des établissements, les autorités et autres dignitaires étaient unanimes dans leurs vues religieuses, et que tous, comme un seul, dissent : « Les Articles signifient ceci et non cela », en vertu de leur position, ils en seraient les interprètes légitimes ; et les Articles auraient le sens que ces messieurs leur donneraient. Mais ceux-ci ne sont pas d’accord entre eux ; quelques-uns même sont diamétralement opposés aux autres. L’un rejette la succession apostolique, l’autre la soutient ; celui-ci repousse la justification luthérienne, celui-là l’admet ; un premier nie l’inspiration de l’Écriture, un second regarde Calvin comme un saint, un troisième considère la doctrine de la grâce sacramentelle comme une superstition, un quatrième se fait le partisan de Nestorius contre l’Église, un cinquième est Sabellien. Il est donc évident que les Articles n’ont aucun sens, si l’on doit tenir compte de la voix collective des évêques, des doyens, des professeurs et autres. Ceux-ci ne peuvent suppléer ce que les scolastiques appelleraient la forme des Articles. Mais peut-être les auteurs eux-mêmes des Articles pourront suppléer cette forme ? Nullement ; car, d’abord, nous ne connaissons pas d’une manière certaine ces auteurs ; et puis, les Articles ont passé par tant de mains et par tant de corrections, que quelques-uns au moins des auteurs primitifs ne voudraient pas en prendre la responsabilité aujourd’hui. Venons-en aux assemblées qui les ratifièrent. Mais elles aussi étaient de sentiments différents ; le dix-septième siècle ne soutint pas la doctrine du seizième. Tel est l’état de la question. D’autre part, nous, nous disons que si l’Église Anglicane est une portion de l’Église Une et Catholique, elle doit nécessairement garder la doctrine catholique. C’est pourquoi, tout le Symbole Catholique, la doctrine connue des Pères, de saint Ignace, de saint Cyprien, de saint Augustin, de saint Ambroise, est la forme, le seul véritable sens et l’interprétation des Articles. Ceux-ci peuvent être équivoques en eux-mêmes ; ils peuvent avoir été rédigés avec des intentions différentes par les personnes qui les composèrent, mais ce sont des accidents : l’Église ne connaît pas les individus, elle s’interprète elle-même. »
Reding prit quelque temps pour réfléchir à ce qu’il venait d’entendre. « Tout ceci, dit-il ensuite, repose sur le principe fondamental que l’Église d’Angleterre est une partie intégrante de ce corps visible dont saint Ignace, saint Cyprien et les autres Pères étaient évêques, suivant les paroles de l’Écriture, « un seul corps, une seule foi ». Bateman en convint. Charles continua : « Dès lors les Articles ne doivent pas être considérés dans le principe comme enseignement ; en eux-mêmes, ils n’ont pas de sens ; de l’aveu général, ils sont ambigus ; ils ont été extraits de sources hétérogènes ; mais tout cela n’est rien, car tous doivent être interprétés par l’enseignement de l’Église Catholique. » Bateman approuva en somme, tout en faisant observer que Charles avait présenté la thèse d’une manière trop forte. « Mais si les Articles contredisent une doctrine des Pères, dois-je forcer la lettre ? — Si un tel cas arrivait, la théorie ne se soutiendrait pas, répondit Bateman ; ce serait seulement une farce grossière. Vous ne pourrez jamais signer un Article dans un sens que ses paroles ne comporteraient pas. Mais, heureusement, ou plutôt providentiellement, telle n’est pas notre position : nous avons simplement à expliquer des ambiguïtés et à harmoniser des divergences. L’interprétation catholique ne fait pas au texte une violence plus grande que toute autre règle ne pourrait le faire. — Je ne connais rien des Pères, reprit Charles, et je ne suis pas le seul ; comment apprendre à interpréter les Articles d’une manière pratique ? — Par le Prayer-Book ; le Prayer-Book est la voix des Pères. — Comment donc ? — Parce que le Prayer-Book est ancien, de l’aveu de tout le monde, et que les Articles sont récents. »
Charles garda de nouveau le silence : « C’est très-plausible », dit-il enfin ; et il réfléchit encore. Il demanda ensuite : « Cette manière de voir est-elle reçue ? — Aucune manière de voir n’est reçue, répondit Bateman ; les Articles seuls sont reçus, mais il n’existe absolument pas d’autorité pour leur interprétation. C’est ce que je disais tout à l’heure : évêques et professeurs ne s’accordent pas entre eux. — Mais est-ce une manière de voir tolérée ? — On l’a certainement combattue avec force ; mais elle n’a jamais été condamnée. — Ceci n’est pas une réponse, répliqua Charles, qui, à la tournure de Bateman, voyait où gisait la vérité. Y a-t-il un seul évêque aujourd’hui qui admette cette règle ? Y a-t-il jamais eu un seul évêque qui l’admît ? A-t-elle jamais été admise formellement comme soutenable par un seul évêque ? Est-ce une règle établie pour aplanir les difficultés qu’on rencontre ? A-t-elle une existence historique ? » Bateman ne put que donner une réponse à ces questions à mesure qu’elles lui étaient adressées. « Je le croyais ainsi, reprit Charles après avoir entendu cette réponse. Je connais, au reste, la personne dont vous m’avez exposé la manière de voir ; quoique je n’aie jamais entendu, avant cette heure, développer cette théorie devant moi. C’est spécieux, je l’avoue ; je ne vois pas que cette règle n’eût pu suffire, si on l’avait sanctionnée d’une manière quelconque ; mais vous n’avez pas de sanction à me montrer. Telle que la chose existe, c’est une pure théorie mise en avant par quelques individus. Notre Église pourrait avoir adopté ce mode d’interpréter les Articles : mais, d’après ce que vous dites, elle ne l’a pas fait certainement. Je suis où j’en étais. »