← Retour

Perte et gain : $b histoire d'un converti

16px
100%

CHAPITRE II.
Les deux amis et un bachelier amateur d’architecture gothique.

Il était une heure de l’après-midi ; Sheffield, passant devant la chambre de Charles, en vit la porte ouverte. Le domestique du collége venait d’apporter la demi-ration ordinaire du lunch[15], et il était occupé à faire le feu. Notre jeune étudiant entra. Nonchalamment appuyé sur les bras de son fauteuil, la toque sur la tête et revêtu de sa toge, Charles mangeait son pain et son fromage. Sheffield, le voyant dans cette situation, lui demanda s’il dormait aussi bien qu’il paraissait manger et boire, accoutré de cette manière. « J’étais sur le point d’aller faire un tour au Meadow[16], répondit Charles. Nous voici à l’époque de l’année qui fait mes délices : Nunc formosissimus annus. A cette heure, tout dans la nature est beauté : les aubours ont déjà fleuri, et l’aubépine a étalé ses blanches corolles. Ce pays possède vraiment une admirable variété d’arbres. Je n’en vis jamais de semblable. Comme ils sont délicieux les platanes avec leurs feuilles à demi ouvertes, si nombreuses et si verdoyantes ! Comme ils sont beaux, ces deux ou trois saules qui déploient leur verdure sombre sur le Cherwell[17] ! Je m’imagine que quelques dryades les habitent. Revenez-vous sur vos pas, vous avez à votre droite le Long Walk, et devant vos yeux s’étalent les admirables monuments d’Oxford[18], vus entre les ormes. On dit qu’il y a ici des dons[19] qui se souviennent du temps où cette avenue ne formait qu’un berceau, et où l’on pouvait s’y promener à l’abri de l’orage. Quant à moi, je sais bien que j’y ai été trempé l’autre jour. »

[15] Le lunch, ou luncheon, est une collation entre le déjeuner et le dîner. Le lunch des étudiants d’Oxford se compose ordinairement de pain et de fromage (bread and cheese).

[16] Le Meadow, délicieuse promenade, plantée d’arbres magnifiques. Elle a 50 ares de superficie.

[17] Le Cherwell, charmante petite rivière.

[18] Voyez la note B.

[19] Dans l’argot des étudiants d’Oxford, le mot don veut dire grand seigneur universitaire.

Sheffield se prit à rire ; il invita Charles en même temps à mettre son castor, pour faire une course avec lui d’un autre côté. Il avait besoin d’une longue promenade ; les cours lui avaient brisé la tête. Le vieux Jennings avait commenté Paley d’une manière si épouvantable qu’il en était tout malade. L’ennuyeux professeur avait parlé des Apôtres comme n’étant « ni trompeurs, ni trompés », de leurs « miracles visibles et de leur mort comme témoignage » ; mais de telle sorte que lui, Sheffield, ne savait plus s’il était un ens physiologicum ou un totum metaphysicum, lorsque Jennings avait eu la cruauté de lui demander de redire l’argument de Paley. L’élève n’ayant pas reproduit les paroles du maître, l’ami Jennings s’était pincé les lèvres et avait recommencé sa thèse. Dans son enthousiasme froid, il s’était appliqué si fortement à sa propre analyse, qu’il n’avait pas entendu sonner l’heure. En vain toute la classe avait frappé des pieds, usé de ses mouchoirs, regardé ses montres, notre professeur avait poursuivi sa marche vingt minutes au delà du temps prescrit. « Il continuerait même encore, ajouta Sheffield, s’il n’avait été interrompu par un incident qui n’eut de pareil que celui des oies du Capitole. Car, au moment qu’il avait à peu près répété la moitié de sa thèse, et que, parvenu à la fin d’une période, il s’arrêtait pour juger de son impression sur l’auditoire, ne voilà-t-il pas que cet original de Lively, poussé on ne sait par quelle heureuse inspiration, a subitement rompu le silence, à propos de rien, fait un signe de tête, et d’un ton dégagé : « S’il vous plaît, monsieur, s’est-il écrié, quelle est votre opinion touchant l’infaillibilité du Pape ? » A ces mots tout le monde est parti d’un grand éclat de rire, Jennings excepté ; au contraire, notre professeur commençait à froncer le sourcil, et l’on ne peut même dire ce qu’il en serait advenu, lorsque, par hasard, ses yeux sont tombés sur sa montre. Troublé à cette vue, il a fermé son livre et sur-le-champ congédié l’auditoire. »

« La chose est assez comique, repartit Charles en riant. Toutefois je vous assure, Sheffield, que Jennings, malgré sa roideur et son air si froid, est au fond, à mon avis, un très-bon enfant. Dernièrement, il m’a témoigné beaucoup d’intérêt dans une conversation ; il est même sorti de ses habitudes pour me faire quelques faveurs. Sa charité envers les pauvres est inépuisable ; et l’on s’accorde à dire que ses discours à Sainte-Croix sont excellents. » Sheffield répliqua qu’il aimait que les gens eussent des manières naturelles, et qu’il avait en horreur ces façons affectées et pompeuses. Quel bien cela pouvait-il faire ? Et quelle portée cela avait-il ? « Voilà ce que j’appelle du puritanisme, répondit Charles ; ma manière de voir, c’est de prendre chacun pour ce qu’il est, et non pour ce qu’il n’est pas : l’un a cette qualité, l’autre celle-là ; mais nul n’est parfait. Pourquoi ne pas fermer les yeux sur ce qu’on n’aime point, et ne pas admirer ce qui nous plaît ? Voilà la science du savoir-vivre, la seule vraie sagesse, et certainement notre devoir, par-dessus le marché. » Sheffield jugea cette réponse prosaïque et fausse. « Nous devons avoir un système arrêté, ajouta-t-il ; sans cela, une chose est aussi bonne qu’une autre. Mais je ne puis rester ici toute la journée, et nous devrions déjà être à la promenade. » Ce disant, il ôta à Charles sa toque et lui mit à la place son chapeau. « Allons, sortons. — Il faut donc que je renonce au Meadow. — Sans doute ; vous devez vous promener en castor. J’ai besoin de vous pour aller jusqu’à Oxley, village qui n’est pas loin de notre route, et dont, au reste, tous les ministres, tôt ou tard, deviennent évêques. Peut-être cette promenade nous portera-t-elle bonheur. »

Les deux amis sortirent, équipés de la tête aux pieds selon la tenue la plus irréprochable d’Oxford, d’une recherche et d’une élégance exquises. Sheffield entrait dans High Street[20], lorsque Charles l’arrêtant : « Ça m’ennuie toujours, dit-il, d’aller en chapeau dans cette rue ; on est sûr de rencontrer un Censeur. — Tous ces costumes d’Université sont du pur charlatanisme, répliqua Sheffield ; est-ce qu’ils nous rendent meilleurs ? A dire vrai, ce sont des masques et pas autre chose. Et puis, notre robe est si affreusement laide ! — Je ne souscris pas à une condamnation si entière, reprit Charles. Oxford est un siége important, et il convient qu’on y ait un costume spécial. Je vous l’avoue, lorsque, pour la première fois, je vis la procession des Chefs à Sainte-Marie, j’en fus profondément touché. D’abord… — Naturellement les massiers », dit Sheffield en l’interrompant. « D’abord, l’orgue se fait entendre, et chacun se lève ; puis, le vice-chancelier s’avance dans son costume rouge, et, par une inclination, salue le prédicateur, qui se dirige vers la chaire ; viennent ensuite les différents Chefs rangés en ordre, et, enfin, après eux, les Censeurs. Cependant, vous apercevez la tête du prédicateur qui monte posément l’escalier de la chaire ; arrivé à son siége, il ferme la porte, jette un regard à la tribune de l’orgue pour saisir le psaume, et aussitôt les chants commencent. » A cette description, Sheffield se mit à rire. « Eh bien, Charles, j’approuve votre exemple. Le prédicateur est, ou est supposé être, un homme de talent ; il va commencer son discours : théologiens et étudiants d’une grande université sont là pour l’entendre. La parade ne fait que me représenter exactement le grand fait moral qui est devant nous. Ceci, je le comprends ; je ne l’appelle pas du charlatanisme ; mais ce que je qualifie de ce nom, ce sont les formes extérieures sans âme. Or, je dois le dire, le sermon lui-même et la prière qui le précède… Mais comment l’appelle-t-on cette prière ? — La prière de demande[21]. — Eh bien, et sermon et prière, tout ça n’est souvent que du charlatanisme. Je vais rarement aux discours de l’Université, mais je les ai assez suivis pour ne plus y assister, à moins de contrainte. Le dernier prédicateur que j’y ai entendu était de la campagne. Oh ! ce fut merveille ! Il commença d’abord en criant du ton le plus aigu : « Vous prierez. » Quelle rapsodie ! « Vous prierez. » Parce que le vieux Latimer ou Jewell a dit : « Vous prierez », il ne faut donc plus dire : « Prions. » Puis il nous jeta ces mots, continua Sheffield, en prenant un ton pompeux qu’il élevait et baissait tour à tour : « Spécialement pour cette branche pure et apostolique de l’Église établie (ici notre homme se leva sur la pointe des pieds), établie dans ces États. » Vint ensuite : « Pour notre Souveraine et Reine, Lady Victoria, défenseur de la foi ; dans toutes les causes et sur toutes les personnes tant civiles qu’ecclésiastiques, dans l’étendue de ce royaume, juge suprême. » A ce mot, silence imposant ; on entend clairement la chute de l’étui à sermon[22] sur le coussin de la chaire ; on dirait que la nature ne peut créer, ni l’esprit humain soutenir une pensée plus forte. Après cette pause, toujours sur le même ton nasillard : « Pour les pieux et bienfaisants fondateurs des colléges de Tous les Saints et de Leicester. » Mais son chef-d’œuvre fut l’énumération emphatique « de tous les docteurs, ainsi que des deux Censeurs[23] », comme si l’antithèse des nombres avait la puissance du burin, et devait nous reproduire tous ces excellents personnages en un délicieux tableau vivant. — Cette description originale amusa Charles ; il répliqua néanmoins que, pour lui, il n’avait jamais entendu un sermon sans en retirer quelque profit, à moins qu’il n’y mît de la mauvaise volonté ; et à ce sujet, il cita la réponse que lui fit un jour son père à cette demande, s’il ne lui était pas arrivé quelquefois de faire un sermon médiocre : « Mon cher fils, lui avait-il dit, tous les sermons sont excellents. » Paroles qui, à cause même de leur simplicité, s’étaient profondément gravées dans sa mémoire.

[20] Cette rue, large et se développant en forme de courbe, présente une perspective admirable. En se plaçant non loin du collége de la Madeleine, on saisit dans un seul coup d’œil les bâtiments de l’Université, le Collége de la Reine, l’Église de Sainte-Marie, le Collége de toutes âmes et celui de tous saints.

[21] Au commencement du service anglican, le ministre engage l’assistance à prier pour les différents besoins qu’il énumère.

[22] Les ministres anglicans ont l’habitude de porter en chaire leurs discours écrits qu’ils enferment dans une espèce d’étui.

[23] Les Censeurs ont principalement pour charge de veiller à l’observation des règles universitaires. Il n’y a que deux Censeurs ; leurs fonctions sont annuelles. Tous les colléges, à l’exception d’un seul, ayant droit d’élection à tour de rôle, chaque année il y a deux de ces établissements qui nomment, chacun, un censeur.

Cependant nos deux étudiants avaient parcouru High Street, cette rue prohibée, et traversaient le pont[24], lorsque sur le côté opposé ils virent devant eux un homme de haute taille et d’une contenance roide. Sheffield n’eut pas de peine à le reconnaître ; c’était un bachelier de Nun’s Hall, et un importun, au moins de second ordre. Quoique revêtu de sa toge et coiffé de sa toque, il paraissait avoir l’intention de faire une promenade dans les champs. Comme il prit le sentier qu’ils devaient suivre eux-mêmes, ils essayèrent de marcher derrière lui ; mais leur pas était trop rapide et celui du bachelier trop lent pour qu’ils ne l’atteignissent pas bientôt.

[24] Le pont de la Madeleine.

Peindre un importun dans un récit n’est pas chose facile, et cela, parce que c’est un importun. Un conte doit tendre vite à son dénoûment : un importun, au contraire, traîne toujours en longueur. Ce n’est que dans une course de longue haleine qu’on peut le reconnaître, et alors on sent qui il est : on le trouve oppressif ; semblable au sirocco, que l’indigène devine tout de suite, tandis que l’étranger s’y trompe souvent. Tenet, occiditque. Si vous n’entendez de lui qu’un seul discours, peut-être le jugerez-vous un homme instruit et agréable ; mais si à son bavardage il n’y a jamais de fin ; s’il vous débite une seule et même prose toutes les fois qu’il vous rencontre ; s’il vous tient sur vos jambes jusqu’à défaillance ; s’il vous garde sans pitié, quand vous voudriez remplir un engagement, ou assister à une conversation intéressante, alors il n’y a pas à s’y tromper : la vérité vous saute aux yeux, apparent diræ facies, vous êtes sous les griffes d’un importun. Vous pouvez céder, vous pouvez fuir, mais vous ne sauriez vaincre. De là n’est-il pas évident qu’un importun ne peut être représenté dans un récit, sans quoi le récit serait aussi importun que notre individu lui-même ? Donc, lecteur, vous devez croire sur parole que cet homme à la taille roide, ce M. Bateman, est réellement ce que vous ne sauriez découvrir d’une autre manière, et nous savoir gré du motif qui nous a fait affirmer plutôt que démontrer notre proposition.

Sheffield salua poliment notre bachelier, et eût voulu poursuivre sa route ; mais Bateman, entraîné par sa nature, ne le permit pas. Le saisissant par la main : « Seriez-vous disposé, dit-il, à jeter un coup d’œil dans la jolie chapelle que nous faisons restaurer dans les champs ? C’est une vraie perle, dans le style le plus pur du quatorzième siècle. Elle était dans un bien triste état, on eût dit d’une étable ; mais nous avons ouvert une souscription, et nous allons mettre tout en ordre. — Nous nous rendons à Oxley, répondit Sheffield, vous nous entraîneriez hors de notre route. — Pas du tout, répliqua Bateman ; ce n’est pas à un jet de pierre du chemin. Vous ne pouvez me refuser cette faveur. Je suis sûr que notre œuvre aura toutes vos sympathies. » Il s’empressa ensuite de leur faire l’histoire de la chapelle : tout ceci a existé ; tout ceci aurait pu être ; tout ceci n’existait pas ; tout ceci devait se faire. « Ce sera, continua-t-il, un vrai spécimen de chapelle catholique ; nous avons même l’intention de tenter une démarche auprès de l’évêque, afin qu’il la dédie au Royal Martyr. Pourquoi n’aurions-nous pas notre saint Charles, aussi bien que les catholiques romains ? Quel doux plaisir ne sera-ce pas, d’ailleurs, d’entendre la cloche jeter, chaque soir, ses tintements sur la bruyère sombre, par tous les temps, et à travers toutes les péripéties et les hasards de cette vie mortelle ! » Sheffield lui demanda quelle assemblée il pensait réunir à cette heure. « Voilà une idée peu élevée, répondit Bateman ; ce n’est pas une question. Dans les véritables églises catholiques, le nombre des assistants ne fait rien à la chose ; le service divin se célèbre pour ceux qui y viennent et non pas pour ceux qui sont dehors. » Cette réponse, répliqua Sheffield, je la comprends dans la bouche d’un catholique romain, parce que dans son Église on suppose un sacrifice offert par un prêtre, avec ou sans assistance. Et puis, les chapelles catholiques sont bâties souvent sur les corps des martyrs, ou dans un lieu remarquable par quelque miracle, mais notre service, à nous, est la prière en commun ; et comment pouvons-nous le célébrer sans une assemblée ? »

Bateman répondit que, alors même que les membres de l’Université n’y viendraient pas, ce à quoi il s’attendait, au moins la cloche serait un mémento de loin comme de près. « Ah ! je vois, reprit Sheffield, son usage sera l’inverse de ce que vous disiez tout à l’heure : elle servira, non pour ceux qui viendront, mais pour ceux qui seront dehors. L’assemblée sera au dehors, et non au dedans ; c’est une affaire d’extérieur. Je me rappelle avoir vu autrefois une haute tour d’église ; c’est ainsi, du moins, qu’elle paraissait de la route ; mais quand on la regardait sur le côté, on ne voyait qu’une mince muraille, bâtie pour simuler une tour ; et cela, afin de donner un aspect imposant à l’édifice. Élevez aussi un bout de muraille, et placez-y la cloche. — Il y a un autre motif qui nous a fait entreprendre cette restauration, repartit Bateman, motif tout à fait indépendant du culte. C’est que cette chapelle date d’un temps immémorial, et qu’elle fut consacrée par nos ancêtres catholiques. » Sheffield objecta qu’il y aurait autant de raison pour y dire la messe que pour conserver le bâtiment. « La messe, nous la conservons, répondit Bateman ; nous offrons la nôtre, tous les dimanches, selon le rite de celui que l’honnête Pierre Heylin appelle le Cyprien[25] de l’Angleterre ; que pouvez-vous désirer de plus ? » Cette réponse fut-elle comprise de Sheffield ? Qui le sait ? Mais au moins elle était hors de la portée de Charles. Cette messe anglaise était-ce la Prière Commune, ou le service de la communion, ou la litanie, ou le sermon, ou une partie quelconque de ces choses ? Ou bien les paroles de Bateman étaient-elles un véritable aveu qu’il existait des ministres qui, à cette époque, célébraient la messe papiste une fois la semaine ? La pensée précise de Bateman est perdue pour la postérité ; car ils étaient arrivés, en causant ainsi, à la porte de la chapelle. Cet édifice avait été autrefois une aumônerie ; à côté se trouvait une petite ferme. Quant à la population, on voyait évidemment que la restauration de la chapelle ne lui était pas nécessaire. Au moment d’entrer, Charles resta en arrière et dit tout bas à son ami qu’il ne connaissait pas Bateman[26]. Une présentation eut donc lieu. — Reding de Saint-Sauveur. — Bateman de Nun’s Hall. La cérémonie étant faite, en guise d’eau bénite, ils entrèrent tous ensemble dans la chapelle.

[25] Il s’agit de Laud. P. Heylin a écrit la vie de ce théologien anglican.

[26] Deux Anglais, surtout deux gentlemen, ne s’adressent jamais la parole jusqu’à ce qu’ils aient été présentés l’un à l’autre (introduce). Une semblable réserve, c’est, dit-on, de la liberté individuelle. Quant à la forme de la présentation, elle n’est pas plus difficile que celle qui est dans le texte.

L’édifice était aussi beau que les paroles de Bateman avaient pu le faire supposer ; la restauration en avait été faite avec beaucoup de goût. On y remarquait un autel de pierre du meilleur style, une crédence, une piscine qui ressemblait à un tabernacle, et une paire de chandeliers de cuivre. Charles demanda à quoi servait la piscine, dont il ignorait même le nom. On lui répondit qu’il y avait toujours, autrefois, une piscine dans les vieilles églises d’Angleterre, et qu’on ne pouvait faire une restauration intelligente sans la replacer. Il s’informa ensuite de l’objet de ce coffre, ou espèce d’armoire, si admirablement travaillé, qu’on apercevait sur l’autel ; et il apprit que « nos sœurs, les églises de l’obédience de Rome, avaient toujours un tabernacle pour garder le pain consacré. » Après cette réponse, Charles se tut. Profitant de ce silence, Sheffield demanda à connaître l’usage des niches ; et Bateman lui dit que les images des saints étaient sans doute prohibées par les canons, mais que ses amis en ces matières faisaient ce qu’ils pouvaient. Interrogé enfin sur l’emploi des chandeliers, notre bachelier répondit que, vu les dispositions de leur évêque à l’égard des catholiques, ils avaient quelque crainte que ce prélat ne mît opposition à l’emploi du luminaire dans le service, au moins tout d’abord ; mais qu’il était évident que les chandeliers étaient faits pour porter des cierges. Ayant eu le temps convenable pour voir et admirer, Reding et Sheffield se disposèrent à reprendre leur course. Ils ne purent, toutefois, esquiver une invitation à déjeuner, sous peu de jours, au domicile de Bateman, dans le Turl[27].

[27] Si le lecteur s’est donné la peine de parcourir la conférence de M. le chanoine Oakeley ayant de lire Perte et gain, il comprendra facilement que Bateman appartient à la coterie des amateurs catholiques, selon l’expression caractéristique du digne ex-fellow de Balliol. Ce jeune bachelier est un des représentants du côté superficiel du mouvement religieux. Aussi ne doit-on pas être étonné s’il ne se convertit pas.

Chargement de la publicité...