Mélusine: Nouvelle édition, conforme à celle de 1478, revue et corrigée
Comment Raimondin et Melusine furent espousez.
En aprez vint la contesse, la mère au conte, et Blanche sa fille, et adoncques Melusine, qui fut moult saige, envoia au devant d’elle l’ancien chevalier qui avoit tenu compaignie au conte, et aussi avec celluy ancien chevalier s’en allèrent pluiseurs dames et damoiselles de hault et noble estat, qui moult bienveignèrent et honnourèrent la contesse et sa fille, et les menèrent logier en ung moult noble pavillon de drap batu en or, perles et pierres précieuses. Si richement, à brief parler, furent logez que tous s’esmerveilloient de la grant richesse et du grant atour qu’elles visdrent au pavillon, et là furent-elles receues à moultz grans et melodieux sons de divers instrumens, moult honnourablement à toute sa compaignie, et furent tresbien logiés. Et quant la contesse fut ung peu reposée et habillée, et les seigneurs, dames et damoiselles qui estoient en sa compaignie, elles allèrent en la chambre de l’espousée, qui estoit sur toutes les aultres chambres la plus noble sans comparaison, et si estoit tant belle et si tresnoblement aournée que chascun disoit que oncques si belle ilz n’avoient veu jour de leur vie, ne si noblement aournée. Et se commencèrent tous à esmerveiller de sa beaulté et de la grant richesse de son abillement. Et adoncques la comtesse en soy-mesme considerant l’estat, dist que en tout le monde elle ne cuidoie mie que on peut trouver royne ne emperresse qui peut finer autant d’avoir que les joyaulx qu’elle avoit sur elle valoient. Que ferois-je ores long plait ? Le conte de Poetiers et ung des plus haultz barons, c’est assavoir le conte de Foretz, adressèrent et mirent à point l’espousée, et la menèrent moult doulcement à ladicte chappelle, qui estoit tant noblement aournée que nul ne sçauroit priser la richesse tant des parements qui là estoient le plus estrangement ouvrez et si richement de fin or et de brodure de perles, que on n’avoit oncques mais veu nul temps les pareilz, comme d’ymaiges et de croix, de crucifis d’or et d’argent, et si avoit de livres tant nobles que on ne pourroit plus au monde souhaidier. Et là fut ung evesque qui les espousa.