Mélusine: Nouvelle édition, conforme à celle de 1478, revue et corrigée
MELUSINE
En toutes œuvres commencer on doibt tout premierement appeller le nom du createur des creatures, qui est vray maistre de toutes choses faictes et à faire qui doibvent aulcunement tendre à perfection de bien. Pour ce, au commencement de ceste histoire presente, combien que je ne soye pas digne de la requerir, supplie tresdevotement à sa haulte digne majesté que ceste presente histoire me aide à achever et parfaire à sa gloire et louange, et au plaisir de mon treshault puissant et doubté seigneur Jehan, filz du roy de France, duc de Berry et d’Auvergne ; laquelle histoire j’ay commencé selon les vraies croniques que j’ay heues comme de luy et du conte de Salebri en Angleterre, et pluiseurs autres livres qu’ils ont cherchez pour ce faire ; et pour ce que sa noble seur Marie, fille de Jehan, roy de France, duchesse de Bar, avoit supplié à mon dit seigneur d’avoir ladicte histoire ; lequel, en faveur de ce, a tant fait à son povoir qu’il a sceu au plus prez de la pure verité, et m’a commandé de faire le traictié de l’istoire qui ci aprez s’ensuyt ; et moy, comme cuer diligent, de mon povre sens et povoir, en ay fait veritablement au plus prez que j’ay peu. Si prie devotement à mon createur que monseigneur le vueille prendre en gré, et aussi tous ceulx qui l’orront lire, et que ils me vueillent pardonner se j’ay dit aulcunes choses qu’ilz ne soient à leur bon gré. Et commençay ceste histoire presente à mettre aprez le mercredi devant la saint Clement en yver, l’an de grace mil trois cens quatre vingz et sept. Et aussi supplie à tous qui la liront et orront lire que ils me pardonnent mes faultes se aulcunes en y a, car certainement je l’ay traicté le plus justement que j’ay peu, selon les croniques que je cuide certainement estre vrayes.