Islam saharien : $b chez ceux qui guettent (journal d'un témoin)
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KHADRIA
Voici le type d’une très ancienne association de soufistes. Et quand le chériff Sid’Mahdi-ed-Dine-Abou-Mohammed-Abd-el-Khader-ed-Djilani vivait dans la méditation (471-561 de l’hégire — années 1079-1166 après Jésus-Christ), peut-être ne prévoyait-il pas l’extension prodigieuse de son ordre mystique, ni qu’une telle abondance de fils spirituels lui viendrait au cours des siècles dans l’Inde inquiétante, dans l’Arabie sauvage, dans le rude Turkestan, ni dans les sables africains.
Il y a peu d’années, ces âmes de Khadrïa d’Afrique furent partagées entre les neuf enfants mâles du cheikh Brahim, qui de Tunisie avait fermement régné sur les disciples du continent noir. Et c’était l’un des « neuf enfants », ce naïb d’Ouargla, Si-Mohammed-Taïeb, tué dans nos rangs à Timimoun. Un de ses frères, Si-El-Hachemi, dirige nos sujets Khadrïa du Souf. L’aîné, Si-Mohammed-ben-Brahim, est cheikh de la zaouïa-mère de Nefta[16]. Et plus de trente-cinq zaouïas-succursales s’élèvent sur le seul territoire d’Algérie, sans compter le Touat. Qu’on suppute le nombre considérable d’autres zaouïas au Soudan français, au Baghirmi, au Sénégal, lesquelles sont en communication avec les établissements Khadrïa de Tripolitaine et du Maroc.
[16] Sahara tunisien.
Cependant, cet ordre n’est point parmi ceux qui se montrent hostiles. Ses directeurs semblent même chercher notre alliance étroite. Les doctrines y sont, par comparaison, peu guerrières, et l’ardeur de l’Islam s’y enveloppe d’une sorte de douceur prenante, dont on peut être illusionné…
Aucune confrérie, si ce n’est celle des Cheikhïa, n’est plus fertile en légendes dorées, aucune n’a des sous-groupes spirituels aussi connus, par exemple celui des Aïssaoua, mystiques cataleptiques, dont il ne faudrait pas cependant confondre la bonne foi, les danses sacrées et l’insensibilisation extatique avec le charlatanisme de ces bandes grimaçantes, qui viennent exploiter la curiosité des touristes, à Tunis, à Biskra ou ailleurs.