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Islam saharien : $b chez ceux qui guettent (journal d'un témoin)

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TIDJANIA

Tandis que les doctrines grossières progressent, les enseignements de mysticité plus haute semblent perdre du terrain. Il en va ainsi pour la « Voie » des Tidjanïa — et c’est dommage, car cet ordre est l’un de ceux ayant les premiers cessé l’opposition à notre pouvoir. Il y eut bien, dans son amitié, des défaillances. Mais il ne faut exiger ni des institutions ni des hommes, ni des confréries ni des chériffs plus qu’ils ne peuvent donner…

Les Tidjanïa sont presque scindés en deux branches rivales : celle que dirige la zaouïa de Temassine, près de Touggourt, et celle d’Aïn-Mahdi, l’ancienne zaouïa-mère, au pied du Djebel-Amour. Le saint fondateur de cet ordre, Si-Ahmed-ben-Mohammed-ben-El-Mokhtar-ben-Salem-et-Tidjani, naquit[20], chose assez rare, en la ville bénie qu’avait bâtie, fortifiée déjà un autre saint de ses ancêtres. Ses descendants ont transféré depuis peu d’années leur résidence effective à Courdane, devenue à son tour zaouïa-mère, non loin de l’aïeule trop vieillie. Et c’est un véritable miracle de végétation, cette oasis nouvelle qu’on a fait surgir en quelques saisons d’un lieu sauvage, de triste stérilité.

[20] En 1737 de J.-C.

Pendant nos célèbres luttes avec Abd-el-Khader, les Tidjani de ce temps prirent le parti de la France conquérante, et soutinrent en 1838, contre l’émir, un siège demeuré célèbre dans tout le Sahara. C’est ensuite que se produisirent les « remous » d’infidélité à notre cause. Les deux héritiers de la baraka furent envoyés réfléchir à Bordeaux vers 1870, et ceci leur permit de ne point prendre part à l’insurrection indigène de 1871 — tellement peut être heureux et de bonne coïncidence un exil. L’un de ces jeunes gens, Si-Ahmed, prit pour femme une Française, Mlle Aurélie Picard ; il la ramena en 1872 à sa zaouïa d’Aïn-Mahdi ; il sut la faire valoir aux yeux des fidèles, et lui attribua — elle le méritait — la fondation du luxueux établissement de Courdane. Depuis, Mme Aurélie, ayant perdu son mari, épousa le frère de celui-ci, Si-El-Bachir, chef actuel des Tidjanïa. — Ce serait une étude peut-être intéressante, mais débordant la place mesurée à ces pages, que de chercher et de montrer quelle fut exactement la part d’influence d’une de nos compatriotes, épouse légitime d’un chériff.

L’enseignement des Tidjanïa s’anime d’une flamme assez claire et pure, malgré les complications inévitables en Islam. Son inspiration, puisée jadis à Fès du Maroc, est parfois guerrière, mais mitigée de sentiments exceptionnels sur l’amour du prochain, dans lequel amour ses dirigeants prétendent englober le Roumi lui-même…

Une grande partie des Peuhls récitent le dikhr des Tidjanïa.

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