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Islam saharien : $b chez ceux qui guettent (journal d'un témoin)

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AMAMIA

Bou-Amama, chef de cette confrérie, est un parent des Oulad-Sidi-Cheikh. Mais, promoteur d’une scission jadis sans grande importance, il est devenu peu à peu redoutable, et beaucoup plus que ses cousins ou neveux. Il a des fidèles jusqu’aux rivages de la Méditerranée, jusqu’au lointain Niger. Il reçoit la ziara de nos sujets[18] du Gourara, du Touat, et de nos ennemis les Bérabers, et de ceux qui sont à la fois pour nous des sujets et des ennemis, tels que les Beni-Guil, les Douï-Menïa, et toutes ces peuplades (difficiles à pacifier) de la frontière marocaine. On voit assez quels complexes moyens d’intrigues se trouvent réunis dans ses vieilles mains ridées, dans ses vieilles griffes de vautour ayant trop souvent goûté le sang des cadavres français.

[18] Le mot sujet n’est pas tout à fait équitable, et devrait être ici remplacé par soumis, puisque les indigènes ont leur droit civil et social tout à fait à part.

Né au Figuig en 1840, il fut atteint d’épilepsie pendant sa jeunesse, et, par ainsi, marqué du sceau divin. En 1875, il s’installa dans l’oasis de Mogh’rar, non loin d’Aïn-Sefra. Et, 1881 venu, il déchaîna l’insurrection dans tout le Sud-Oranais avec une audace extraordinaire. Puis les hautes montagnes du Figuig, ces cimes dentelées, déchiquetées, ces murailles naturelles d’une forteresse qu’il croyait inexpugnable, l’abritèrent derechef. Il planta ses tentes près du tombeau de son père, au Hammam-Foukani.

Je possède un très curieux dessin exécuté devant moi par Si-Mohammed, neveu de Bou-Amama, et qui veut représenter (avec des effets de perspective inattendus) la koubba[19] de l’ancêtre en question. Et comme le dessinateur faisait surmonter l’édifice par un croissant gigantesque plus grand que la coupole même (au lieu du modeste ornement qui la couronne réellement, porté par une tige analogue à celle du coq de nos clochers), je lui signalai son exagération. Mais il me répondit, avec autant de dignité que Bou-Amama en personne :

[19] Monument à dôme.

— « Le croissant n’est jamais trop grand sur le tombeau d’un ouali ! »

Quant au ouali actuel, Bou-Amama, qui fuit, revient, s’approche, s’éloigne, il a trouvé le plus ingénieux « truc » pour dissimuler aux Roumis le nombre de ses fidèles et se procurer des amis, même parmi ses rivaux. Il remet bien à ses khouan son dikhr, le seul salutaire : seulement il leur ordonne en même temps de porter au cou, très en vue, non pas le chapelet propre à ce dikhr — ce serait trop simple — mais le chapelet d’autres ordres, auxquels les disciples Amamïa paient, de ce chef, une légère redevance. Et ces confréries voisines deviennent ainsi les obligées — dirons-nous les alliées ? — de Bou-Amama.

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