Voyage dans le nord du Brésil fait durant les années 1613 et 1614
Suitte de l’Histoire des choses plus memorables advenuës en Maragnan, és annees 1613 & 1614.
SECOND TRAITÉ.
Des fruicts de l’Evangile, qui tost parurent par le Baptesme de plusieurs enfans.
Chap. I.
Le Cantique second (representant alegoriquement la naissance de l’Eglise, dans une nouvelle terre, non encore illuminee de la cognoissance du vray Dieu) dit : Vox turturis audita est in terra nostra : ficus protulit grossos suos : vineæ florentes dederunt odorem suum : La voix de la tourterelle a esté ouye en nostre terre : Le figuier a produict ses figues vertes : Les vignes fleurissantes ont donné leur odeur. Sur lesquelles paroles, Rabbi Jonathas, en sa Paraphrase Chaldaïque, dit : que la voix de la Tourterelle, nous signifie la voix du sainct Esprit, annonçant la Redemption promise à Abraham, pere de tous les Croyans : voicy comment il parle, vox spiritus sancti & redemptionis quam dixi Abrahæ Patri vestro : La voix du sainct Esprit, & de la redemption, que j’ay promise à Abraham vostre pere : Il adjouste que par le figuier, il faut entendre l’Eglise : & par les figues nouëes & escloses nouvellement, nous est representee la confession de la foy, que les Croyans doivent faire devant Dieu : & par les vignes en fleur donnans bonne odeur, sont designez les petits enfans, loüans le Dominateur des Siecles : Cœtus Israel, qui comparatus est precocibus ficubus aperuit os suum, & etiam pueri & infantes laudaverunt Dominatorem sæculi : Cela s’est veu en nostre temps accomply dedans Maragnan & ses environs : où apres que la voix du Sainct Esprit, par la predication de l’Evangile, eut resonné dans ces terres, & frappé le cœur d’une grande multitude, specialement de ceux qui ont requis le Baptesme, le beau figuier de l’Eglise, a poussé & bourjonné de nouvelles & verdoyantes figues, les ames sortans de l’infidelité à la croyance d’un vray Dieu, lors les vignes fleuries ont donné leur odeur, quand les petits enfans ont receu les eaux Baptismales sur leurs testes, louans le Dominateur des Siecles, par la participation du sang de Jesus-Christ & de la foy de l’Eglise.
Chose admirable, & qui merite d’estre bien pesee & consideree, que si tost que la voix du Sainct Esprit eut tonné & esclairé parmy ces forests desertes, dans ces haliers espois & picquans, les pauvres Biches (ces Sauvages) venees par le cruel Chasseur Sathan, elles ont commencé à la force & impetuosité de ceste voix, produire leurs petits fans, comme avoit jadis prophetisé le Prophete Royal David au Psal. vingt-huict. Vox Domini præparantis Cervos, & revelabit condensa & in templo ejus omnes dicent gloriam. La voix du Seigneur preparant les Cerfs, revelera l’interieur des boccages & haliers & en son Temple tous chanteront ses loüanges. L’Explication que donnent les Doctes à ces paroles, prise des diverses leçons est, que la voix du Seigneur sert aux Biches à rendre leurs petits, ainsi que la main de la Sage-femme ou du Chirurgien bien expert, sert à tirer l’enfant sauf & en vie, du ventre de sa mere. Or est-il que ceste voix n’est autre, si nous croyons les naturalistes, que le son du tonnerre, & la lumiere de l’esclair, laquelle par un secret de la Nature bien caché, donne le moyen à la Biche de se delivrer : Ainsi en a faict de mesme la Predication de l’Evangile, animee & vivifiee par le sainct Esprit, excitant interieurement le cœur de ces Barbares enveloppez, il y avoit si longtemps, dans les haliers & bocages de l’ignorance, infidelité & perverses coustumes.
Dans les Carbets on ne parle plus d’autre chose, que de cette nouvelle cognoissance de Dieu, chacun rapportant, à son tour, ce qu’il avoit peu entendre, quand ils nous venoient visiter, & reunissans tous ces discours ensemble, finissoient leurs Carbets en tres-grand desir de voir baptiser leurs enfans, & eux aussi, tenans ensemble telles ou semblables paroles, ainsi que j’ay peu remarquer & recueillir à diverses fois.
Quelles choses, disoient-ils, sont celles-cy, que les Peres nous font entendre par leur Truchement ? Jamais nous n’en avions entendu de semblables : Nos Peres nous ont laissé de main en main, par tradition, qu’il estoit venu jadis un grand Marata du Toupan[147], c’est-à-dire Apostre de Dieu, dans les Provinces où ils demeuroient, & leur enseignoit plusieurs choses de Dieu : voire ce fut luy qui leur monstra le Manioch, c’est à dire, les racines pour faire du pain : car auparavant nos Peres ne mangeoient que des racines trouvees dans les bois : Ce Marata voyant nos Ancestres, ne faire conte de sa parole, il se resolut de les quitter : mais auparavant il voulut leur laisser un tesmoignage de sa venuë, en incisant dans une Roche, une Table & des Images avec de l’Escriture, & la forme de ses pieds, & de ceux qui le suyvoient, gravez en bas dans le mesme rocher, comme aussi des pates des animaux qu’ils menoient apres eux, semblablement les trous de leurs bastons, sur lesquels ils s’appuyoient en cheminant : Ce qu’ayant faict, il s’en alla passer la mer, pour gaigner un autre pays ; Et bien que nos Peres l’ayent depuis fort recherché, ayans recogneu leur faute, & la grande saincteté du personnage, ils n’en ont sceu avoir nouvelles : Et depuis ce temps là, jusqu’à present, aucun Marata du Toupan, ne nous est venu visiter.
Il y a long-temps que nous hantons les François, & pas un d’iceux, ne nous a amené des Pays, ny ne nous a raconté ce que les Peres nous font dire par leurs Truchemens ; voire ils font vivre d’une autre façon les Caraïbes, qu’ils n’avoient coustume de faire anciennement avec nous. Ils deffendent que les François ne prennent plus nos filles, lesquels n’en faisoient point de difficulté auparavant, ains nous les demandoient pour des marchandises. Ils disent de grandes choses de Dieu & parlent à luy dans les Eglises : & lors qu’ils veulent parler, ils font fermer les portes & nous font sortir dehors, pour ce que le Toupan descend devant eux : & lors tous les Caraïbes mettent à genoux : Ils font boire & manger le Toupan dans de beaux vases d’or & la table où ils mangent, est bien accommodee & ornee de belles estoffes, & de beaux linges : Et quant à eux, ils sont vestus de riches accoustremens : Quand ils veulent parler aux Caraïbes ils s’asséent au milieu d’eux, & n’y a qu’un Pere assis qui parle. Tous les François escoutent, & est longtemps à parler, & se fache en parlant, & on ne sçait à qui il parle : car tous se tiennent fermes : Apres qu’il a parlé, ils se mettent à chanter les uns apres les autres de costé en costé, & lisent dans un Cotiare ce qu’ils chantent, c’est à dire dans un livre, & parlent, disent-ils, à Dieu en ce temps là. Ils tiennent tous nos Peres perdus avec Giropari, bruslans dans des feux qui sont sousterrains, & se mocquent de nous quand nous pleurons & lamentons sur les funerailles de nos parens. Ils font jetter dans les bois, le boire, le manger, le feu, que nous avons accoustumé de donner à nos parens deffuncts, pour faire leur voyage, au lieu, où se retirent nos grands Peres, entre les montagnes des Andes. Ils nous font dire & prescher, que nous sommes trompez, de croire à nos Barbiers & Sorciers, specialement à leur soufflement pour la guerison des malades. Ils parlent hardiment contre Giropari, & ne le craignent aucunement. Ils promettent à ceux qui croiront au Toupan, & seront lavez de leurs mains, de monter là haut au Ciel, par dessus les Estoilles, le Soleil & la Lune : où ils tiennent que le Toupan est assis, & autour de luy, ces Maratas, & tous ceux qui ont creu à leurs paroles, & ont esté lavez d’iceux. Ils ne veulent point de filles ny de femmes, & disent que le fils du Toupan n’en avoit point, ains qu’il descendit dans le ventre d’une jeune fille appellee Marie, avec laquelle jamais son mary n’eut accointance. Ils ont des jours auxquels ils ne mangent point de chair, encore qu’on leur en apportast. Ils ne passent point de jours au nombre des dix doigts de la main, qu’ils ne fassent une ou deux fois vestir aux François leurs beaux habits, & venir à la maison du Toupan, pour parler avec luy, & escouter la parole de Dieu.
Ils sont vestus tout d’une autre sorte que les François, & marchent devant eux : & chacun les saluë. Ils sont tousjours avec les Grands, qui leur accordent ce qu’ils veulent, & dit-on qu’ils ont quitté leurs richesses & marchandises, afin d’estre libres, pour converser avec le Toupan, & manifester la volonté d’iceluy aux François. Quand nous les allons voir, ils nous font caresse, specialement à nos enfans, & disent que ce n’est plus à nous nos enfans, mais à eux, & que le Toupan, les leur a donnez. Que nous ne craignions point, par ce que jamais ils ne nous abandonneront, ny nos enfans. Qu’ils sont en grand nombre en France : & que tous les ans, il en viendra par deçà de nouveaux, lesquels apres avoir enseigné & appris nos enfans, ils les feront parler à Dieu familierement comme ils luy parlent. Qu’ils leur apprendront à Kotiarer, c’est à dire, escrire, & faire parler le Papere, c’est à dire, le papier, envoyé de bien loing aux absens. Leur Roy est puissant, qui les ayme, & nous assistera, tant qu’ils seront avec nous. Ah ! que ne sommes nous plus jeunes, pour voir les choses grandes que feront les Païs en nostre terre ! Car ils bastiront de pierre de grandes Eglises, comme sont celles de France. Ils apporteront de belles étofes, pour orner le lieu, où le Toupan descend. Ils feront venir des Miengarres, c’est à dire, des Chantres Musiciens[148], pour chanter les grandeurs du Toupan. Ils retireront tous nos enfans en un mesme lieu, & quelques uns des Païs auront soing d’eux. Feront venir les femmes de France pour enseigner nos filles à faire comme elles. Nous ne manquerons de ferremens pour jardiner. Ah ! disoient quelques uns d’entr’eux, suivant ces discours ; Si nous voyons venir des femmes en nostre pays, nous tenons pour certain, que les François ne nous abandonneront plus, ny les Peres, specialement s’il nous donnent des femmes de France. Si j’avois (disoit un de ces particuliers) une femme de France, je n’en voudrois point d’autre, & je ferois tant de jardins pour les François, que j’en nourrirois moy seul autant que j’ay de doigts aux mains & aux pieds, c’est-à-dire, vingt, nombre indefiny, pour signifier beaucoup : parce qu’apres qu’ils ont compté jusques à vingt, ils sont au bout de leur roole. Cettui-cy estoit Principal, lequel se levant au milieu de la compagnie, où j’estois present, battoit ses fesses tant qu’il pouvoit, disant Assa-oussou Kougnan Karaïbe, Assa-Oussou seta &c. J’ayme une femme Françoise de tout mon cœur, je l’ayme extremement : auquel le Grand-Chien respondit, qui estoit aussi Principal : L’on m’a promis de m’amener une femme de France, laquelle j’espouseray de la main des Peres, & me feray Chrestien, comme j’ay faict faire mon petit Loüis Coquet ; & veux faire mon fils legitime dans peu de temps. Ma premiere femme est vieille, elle n’a plus besoing de mary. Pour les huict jeunes que j’ay, je les donneray à femmes à mes Parens, & n’auray plus que la femme de France, & ma vieille femme pour nous servir. Plusieurs autres semblables discours ils tenoient, tant en leurs Carbets que chez moy, quand ils me venoient voir, que je passe, me contentant d’avoir rapporté ce que dessus, pour faire voir la ferveur de ces Barbares, suscitee par la voix du Sainct Esprit. Vox turturis audita est in terra nostra, à produire de leur interieur bouché & preocupé de mille infections, ces beaux & amiables petit Cerfs, Vox Domini præparantis Cervos, & en un autre endroict, Cerva charissima & gratissimus hynnulus, aux Proverbes Chapitre cinq, la biche tres-aymee, & le fan tres-gracieux : poursuivons le reste.
Ces discours furent suyvis incontinent de la pratique : car plusieurs petits enfans nous furent apportez, tant au Reverend Pere Arsene, qui demeuroit à Iuniparan, qu’à moy, qui demeurois à Sainct François, proche du Fort Sainct Loüis, pour assister les François, & recevoir les Indiens Estrangers, qui venoient de jour en jour nous voir & recognoistre, si ce qu’on leur rapportoit en leurs pays esloignez de nous autres, estoit veritable. C’estoit la division que nous avions faicte de ces terres grandes & spacieuses, pour les cultiver & moissonner autant que pouvoient s’estendre nos forces, à sçavoir que l’un pourveust d’un costé, & l’autre de l’autre, excepté quand il seroit necessaire d’aller hors l’Isle, alors nous y pourvoyons selon qu’il estoit expedient.
Il est impossible que je puisse exprimer de parole, le contentement & la joye, que nous recevions de veoir ces pauvres Sauvages nous apporter leurs enfans, volontairement & sans contraincte, pour estre baptisez, les accommodant le mieux qu’ils pouvoient avec le moyen que les François leur en donnoient, à sçavoir, enveloppez dans quelque morceau de toille de coton, ayans choysi des François pour Parrins de leurs enfans, contractans entr’eux une alliance tres-estroicte, specialement les enfans baptisez, si tant est qu’ils fussent en aage de cognoissance, car alors ils prenoient leurs Parrins pour leurs vrais Peres, les appellans du nom de Cherou, c’est à dire, mon Pere, & les François les appelloient Cheaire, c’est à dire, mon fils, & les fillettes Cheagire, ma fille : ils les vestoient le mieux qu’il leur estoit possible : Et les Sauvages Peres des enfans baptisez, leur apportoient des commoditez de leurs jardins, de leur pesches & venaison.
Voyant ces choses se passer ainsi, il me souvenoit de ce qui est dit aux Cantiques Chapitre cinquiesme. Oculi ejus sicut Colombæ super rivulos aquarum, quæ lactæ sunt lotæ, & resident juxta fluenta plenissima. Les yeux de Jesus Christ, Espoux de l’Eglise, ressemblent aux yeux de la Colombe lavee de laict, laquelle contemple les ruisseaux des fontaines, & faict sa retraicte & demeure dans les rochers qui bornent les fleuves amples & spacieux. Ces yeux de Jesus-Christ sont les graces du Sainct Esprit, qui font esclorre leurs œufs à la façon des Tortuës, exposez à la mercy des degorgemens de le mer, & à la froidure du Sable. Ces mesmes yeux ont pour but & fin le lavement & pureté des ames, specialement des petites ames encore couvertes de laict : Et tout ainsi que la Colombe blanche se plaist sur les ruisseaux, & habite sur le bord des gros fleuves, ainsi le Sainct Esprit se plaist extremement à la conversion d’une terre nouvelle, & regarde de bon œil ces petites ames enfantines sortir de l’accident commun de ces terres barbares, sçavoir, de l’ignorance de Dieu, pour venir à la cognoissance d’iceluy, & par le moyen des eaux baptismales, estre faictes participantes de la vision de Dieu, tout ainsi que nous autres : Car Dieu n’est accepteur de personnes, ces ames barbares luy ont autant cousté que les nostres. O prix infiny ! ô manquement de charité, qui ne peut recevoir excuse devant Dieu, de voir tant d’ames qui se presentent pour estre sauvees sans peine, & sans coup ferir, neantmoins pour peu d’ayde elles sont en danger de se perdre. Bon Dieu ! Nous croyons tous (& Jesus-Christ nous a confirmé cette croyance) qu’une seule ame vaut mieux que tout le reste du monde, c’est à dire, que tous les Empires & les Royaumes de la terre, que toutes les richesses & thresors que les hommes possedent : mais helas ! nous n’avons garde d’operer selon nostre croyance.
Je ne puis me retirer de ce subject que je ne donne ouverture aux ressentimens interieurs que j’en ay, pour les faire voir, & descharger ma conscience, autant que je m’y sens obligé : Et me semble que le passage que je viens d’alleguer, me servira d’addresse & de conduite. J’ay autre fois leu & remarqué dans de bons Autheurs profonds & subtils, en la cognoissance des secrets & mysteres des passages de l’Escriture : que les Colombes blanches lavees de laict, estoient certaines Colombes que les Syriens nourrissoient au respect & honneur de leur Royne Semiramis, & estoit deffendu, sur peine de la mort de les tuer. Les anciens nous ont appris que cette Royne, entre ses hauts faicts d’armes, s’estoit immortalisee par un acte memorable, plus miraculeux que possible à la grandeur des Roys, à sçavoir, ses jardins, vergers & bois de plaisir suspendus entre le Ciel & la Terre.
Salomon n’a point pris ceste comparaison tiree des choses prophanes, sinon pour declarer une œuvre divine remarquable entre les autres, qui est la conversion des ames, œuvre du tout reservee à la puissance de Dieu, pour estre une seconde creation, par laquelle, comme il a suspendu la terre en l’air, ainsi suspend-il les jardins vergers & forests de son Eglise, hors & par dessus l’estime & jugement des hommes terrestres, afin de donner lieu & place à la predestination inscrutable de ses esleus, les appellant quand il luy plaist, du milieu des deserts, & de l’interieur des forests les plus vastes & espoisses.
Avant que de passer outre je ne laisseray eschapper la convenance & accord, qui se trouve entre cette grande Semiramis & Marie de France, Royne tres-Chrestienne. Semiramis fut laissee Royne Regente & Gouvernante de son fils le Roy d’Assyrie, expedia plusieurs grandes affaires, pour le bien & la manutention de l’Empire de son fils : Chose pareille de poinct en poinct se faict voir en la personne de nostre Royne : & bien que Semiramis eust executé de son temps plusieurs œuvres magnifiques, pour lesquelles elle merita l’amour & l’obeissance de ses subjects, plus qu’aucune autre Royne, qui l’eust devancee : Nonobstant l’immortalité de son nom proceda de ses edifices miraculeux. Semblablement Je diray, & justement, qu’entre les heroïques actions de la Royne, Mere du Roy, qui laisseront son nom immortel à la posterité, sera que la Mission des Peres Capucins aux terres du Bresil, pour y planter les Jardins de l’Eglise, a esté commencee & establie soubs son authorité & commandement : & par ainsi le Bresil sera obligé de nourrir ces Colombes blanches en memoire & souvenance d’une si grande Semiramis qui ne manquent non plus de pieté que de puissance à perfectionner ceste entreprise.
Je vous prie encore remarquez cecy en l’appel ou vocation de nos petites Colombes lavees de laict, j’entends des petits enfans des Sauvages amenees au Christianisme par le Baptesme. Il n’y a pas encore cinq ans qu’on ne parloit aucunement du desir de la conversion de ces gens. Le Diable commandoit là dedans à la baguette, traisnoit apres luy toutes ces ames sans payer aucune decime à Dieu, à present, & tant que la Mission durera, laquelle continuera, si l’on veut concourir avec Dieu, vous entendez les grands fruicts qui jà ont esté faicts, & journellement se presentent à faire.
La plus grande de nos consolations, & celle qui nous faisoit plus aisément avaler les amertumes des travaux & difficultez, qui ne nous manquoient point en ces pays là, estoit de voir la bonne & franche volonté des Sauvages à nous presenter leurs enfans pour estre baptisez, voire experimentans par la conversation qu’ils avoient avecques nous, que c’estoit la chose la plus agreable qu’il nous eussent peu faire, que de nous donner leurs enfans pour les baptiser : c’estoient leurs plus ordinaires discours avec nous, que de nous dire le grand desir qu’ils avoient que ces enfans receussent le Baptesme par nos mains. Je pourrois apporter icy plusieurs exemples pour confirmer cette verité : mais estant ainsi que je les reserve chacun en leur lieu je les laisseray pour le present.