Voyage dans le nord du Brésil fait durant les années 1613 et 1614
RELATION D’UN MATELOT VENU DU MESME PAYS, FAICTE AU R. P. GARDIEN DU HAVRE DE GRACE, DE QUOY IL DONNE ADVIS AU R. P. COMMISSAIRE.
Reverend Pere, humble salut en nostre Seigneur, ce mot est pour vous donner advis comme ce jourd’huy m’est venu trouver un matelot, lequel a veu, et parlé a noz Freres à Maragnon aux Topinabas, auquel lieu ils arriverent tous en bonne santé sans aucun enpeschement environ le 8. de Juillet, le Matelot à entendu leur Messe, où se trouva quelque vieil Sauvage du pais, qui considera tout ce qui s’y faisoit, avec environ vint-cinq ou trente avec luy. Quant ce vint à la consecration et elevation de la saincte hostie on abaissa une toile, dequoy ils s’estonnerent pourquoy on avoit fait cela ; Surquoy estans satisfaits, incontinent firent publier par tout ce qu’ils avoient veu, de sorte que depuis il leur est venu grand nombre d’hommes de ces Sauvages pour les ayder à faire leur logement, et le fort qu’ils ont commencé. Le Matelot en est party le 22. d’Aoust dernier, dedans le vaisseau de Moisset dont il avoit donné la conduite au Sieur du Manoir, auquel il croit que nos freres aurons donné leurs lettres, ou à quelqu’autre chef du vaisseau, qui me gardera de vous escrire d’autre particularitez. Ils n’ont pas changé la couleur de l’habit et ne la changeront, leur habit est seulement d’une estoffe plus legere que le nostre, à cause de la chaleur. Dieu soit loué de tout, et leur face la grace d’y fructifier à la gloire de son S. nom, et exaltation de la saincte foy de son Eglise.
Je suis de vostre R. le plus serviable en Jesus-Christ,
du Havre ce 12. Novembre 1612.
F. Theophile, Capucin indigne.