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Voyage dans le nord du Brésil fait durant les années 1613 et 1614

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DISCOURS ET CONGRATULATION à la France : Sur l’arrivée des Peres Capucins en l’Inde nouvelle de l’Americque Meridionale en la terre du Brasil.

Grand Royaume et peuple françois, que tu as sujet de loüer Dieu, tres-Chrestien Royaume tes joyes vont croissant de jour à autre oyant de si bonnes nouvelles, Soleil des Royaumes, la fleur des peuples de l’univers, tu es recommandable certes de tous poincts.

Et pour ton Antiquité en la foy Catholique, religion Chrestienne, devotion aux Autels divins, et ferveur à ouyr la parole de Dieu.

Et pour l’amour et à l’endroit de ton Prince naturel, et pour ton honneste naïveté, ou sincere rondeur en conversant, qualités que nulle nation porte sur le front comme toy.

Splendide, magnificque, et magnifié Royaume, sur tous les Royaumes de la terre.

Et pour la majesté de ta couronne, la belle et ancienne suitte de tes Monarques jusques au nombre de soixante et quatre Roys, desquels les uns ont esté Empereurs et les autres Saincts, canonisez au Ciel ; aussi pour la valeur et proüesses en guerre de ta gente vaillante liberale noblesse aux cols de laict.

Et pour la sapience de tes universitez, en toutes sortes de sciences, et facultez, et pour l’amplitude de tes Magistrats, et la prudence de tes Parlemens redoutables, la serenité de tes conseils, et les belles loix de ta police.

Que dis-je ?

Peuple sage, intelligent, grande nation, Illustre Royaume, Ciel estoillé de tant de beaux Esprits polis, façonnez : certainement tu es Illustre à merveilles !

Pour les multitudes de tant de venerables prelats, grands Eveschez, riches Abbayes, Chefs d’ordre.

Pour les multitudes de tant de Saincts hommes signalés en bonté, fameux en science, nobles de race. Illustres en miracles qui ont vécu flori, replendi, dedans, et dehors de tes monasteres.

Pour ta situation entre les deux grands mers ou portant tes deux bras tu exerces la piété, et Justice, en tant de grandes fortes, belles, riches, renommées et populeuses villes, en un pays de si grasse abondance, en des provinces, si larges et plantureuses, et si en nombre.

Que te reste-il pour le comble de tes biens ?

Que peut-on adjouter au bouquet accombly de tes loz, à la guirlande de tes honneurs, à la couronne de tes gloires, tissu en ce triple ternaire, signifié par tes trois Lis d’or en un champ azuré, sinon qu’enrichy ce jourd’huy d’un Roy Louys le Roy des Lis tu sois sous son auctorité bon odeur Jesus, au haut, et au loin emmy des peuples Sauvages plongés en tenebres, et en ombre de mort d’infidelité, d’incivilité, et d’inhumanité.

Tu sois choisy de Dieu à ton tres-grand honneur, contentement, et joye pour y porter le nom suave du Redempteur establir le sceptre Imperial de sa triomphante croix, sacré signe, et signal du fils de l’homme, et guidon du grand Roy des Roys, ou les peuples à sauver se doivent tous ranger ; et y semer aussi la bonne nouvelle de son Evangile porte-salut aux croyans.

Jadis jusqu’en l’Occident, et tirant au midy par le grand Charlemagne avec le glaive de fer tu as montré ta valeur contre les Sarrazins importuns à l’Espagne.

Jusques dans l’Orient par le grand sainct Louys une fois, deux fois, tu as faict resentir à l’impieté Turquesque la force de ton bras, et arboré ce bel estendart de la saincte Croix dans la Palestine ; par un Duc de Boüillon, un Duc de Mercœur, et un Duc de Nevers. Ils ont tremblé à ce nom de François, qui leur sera fatal, et as montré ton courage le coutelas en main.

Mais maintenant Nova bella eligit Dominus, Clypeus, et hasta si apparuerint, nouvelles guerres, conquestes tout au rebours, boucliers, et lances, s’ils se verront icy ? point du tout, mais la Croix de JESUS, mais l’autel du grand Roy des armées avec son sur auguste Missah, qui est le glaive de Dieu et le glaive de Gedeon, de celuy qui est Dieu, et homme tout ensemble, mais l’eau beniste qui chassera les Diables, mais la conqueste des cœurs antropophages ou manges-hommes à la seule oüye de la parole de Dieu, qui toute inhumanité posée aymeront desormais leur prochain comme eux mesmes, qui quittant l’impudence, et la non-pudeur se revestiront de blanc d’innocence, et de pudeur honneste, qui de brutalité entreront en raison, et tu es choisie ô France, pour faire telle guerre ? En ton ame dy-moy n’est-ce pas la une guerre à sceptre de Lis, à roses, et à fleurs ? qui ouït jamais chose semblables és batailles mondaines ? Mais ce sont les guerres du grand Amant JESUS.

Que te reste-il donc maintenant apres tes vieux combats, sinon de t’esjoüir plantant la foy, la loy, parmy une gent farouche en ses mœurs, inhumaine en ses faits : mais facile pourtant à subir le doux joug de ton humain abord, chose que n’a peu faire le superbe ou rustique Portugais avec ses rigides entrées. Esjoüis-toy donc Prince des Lis, car c’est là ta plus grand gloire de servir au grand Roy du Ciel, et de la terre, de legat, d’Ambassade de ses mervelles, et grandeurs aux Isles eloignées aux parties plus lointaines de la Region Australe.

Ceste sage Princesse tres-chrestienne tres-catholique, magnanime en courage : comme une autre Judith nostre grand Reyne, regente, nostre Dame, et maistresse a faict ceste demande par lettres aux RR. PP. Superieurs des Capucins de la Province de France et de Paris ses tres-humbles subjects. Assemblez en chapitre d’accorder au sieur de Rasilli Lieutenant general establi de sa Majesté en ces contrées lointaines un nombre de Religieux pour l’employ d’une si saincte, mais dangereuse entreprise. Cela pourtant luy a esté tres-librement accordé, et pour quatre seulement qui maintenant y sont comme explorateurs de la terre, tous quatre Prestres et Predicateurs, Pere Yves d’Evreux, P. Claude d’Abbeville, P. Ambroise d’Amiens, et P. Arsene de Paris, cinquante de tous ceux qui se trouverent en l’assemblee capitulaire se sont trouvez escrits sur le roole qui tous ont offert le hazard de leur vie d’un cœur franc, et noble pour s’employer au salut de ces pauvres Payens, de ces pauvres Sauvages, de ces pauvres bouleversez de la tempeste du diable sans consolateur ny pere. En voilà donc à la gloire du grand Sauveur le plein narré augmenté de trois paires de lettres plus fraiches que les precedentes. Narré je dis et de leur envoy, et de leur navigation partie traversee, partie prospere, et de leur arrivee heureuse, et de tant de bien que sa Majesté par eux, a desja operé, et de tout plein de particularitez qui n’ont encore paru dans le public és autres imprimez : lisez donc.

Mais auparavant, afin que le Deiste, ny le Censeur mondain, le moqueur heretique ne se rie de si honnorables desseins, qui viennent premierement du ciel. Ils sçauront que c’est chose dez long-temps prophetizee des saincts qui ont parlé inspirez du sainct Esprit.

Le Prophete Isaie n’a-il pas dict propter hoc in doctrinis glorificate dominum, in insulis maris nomen domini Dei Israel : Pour ce que je feray au milieu de la terre glorifiez en le Seigneur en doctrines, prechez le par tout és Isles de la mer annoncez, glorifiez le nom du Seigneur Dieu d’Israël. Et ailleurs, voilà mon Serviteur je le joindray à moy, mon choisy, mon ame s’est compleüe en luy, il prononcera jugement aux Gentils, etc. Et les Isles attendront avec expectation sa loy, je t’ay donné en aliance du peuple pour lumiere aux Gentils, afin que tu ouvres les yeux des aveugles et tirasses des cachots, le prisonnier de la geole, et prison ; et ceux qui sont seans en obscures tenebres.

Chantez au Seigneur un Cantique nouveau sa loüange est des extremitez de la terre, vous qui descendez en mer, et sa plenitude aussi, Isles et les habitans d’icelles, chantez et plus bas, ponent Domino gloriam et laudem ejus in insulis nunciabunt : Ils donneront gloire au Seigneur, et prescheront sa loüange aux Isles.

Le mesmes prophetize qu’elles recevront sa loy : mon juste est proche, mon Sauveur est sorti (se dit Dieu le pere ?) et mes bras jugeront les peuples, les Isles m’attendront et soustiendront mon bras, c’est à dire recevront mon fils.

Et autre part parlant à son Eglise qui est la Romaine, car d’autre jamais cela ne s’est verifié. Car les Isles m’attendent et au commancement les Navires de la mer, afin que je t’amene tes enfans de bien loing.

Et au soixante-sixiesme chapitre Dieu par le mesme Prophete dit. Et je mettray en eux le signe, et en envoiray de ceux qui sont desja sauvez aux Gentils en mer, en Africque, et Lidie, qui deschochent la flesche, en Italie, en Grece, et aux Isles bien loing, à ceux qui n’ont point ouy parler de moy, et n’ont point veu ma gloire, et annonceront ma gloire aux Gentils, et les ameneront en don, et en present au Seigneur : Riches presents certes et pretieuses perles à Dieu.

Le Prophete Sophonie. Les islustres hommes l’adoreront de leur lieu, et toutes les Isles des Gentils.

Le grand Inspirateur des Prophetes par son Esprit Jesus-Christ a aussi prononcé et prophetisé.

Et cet Evangile du Royaume sera presché en tout le rond universel de la terre, en tesmoignage à tous les Gentils, et alors viendra la consommation du monde asçavoir. Ainssi nous autres Catholiques devons nous avoir une grand joye de voir la parole de Dieu s’accomplir fidelement de jour à autre, et non par autre congregation assemblée, que par la Saincte Eglise Romaine, et doit en particulier ce grand Royaume, remercier Dieu se ser de luy pour porter si loing la gloire de ses trophées.

L’extrait qui suit, vous fera foy de cette verité, faict, et tiré de quatre lettres, que le P. Arsene un des quatre a escrit de ce pays là, une au R. P. Commissaire Provincial, une au R. P. Custode de la custodie de Paris, une au R. P. Vicaire du couvent de Paris, et une à son frere, dont trois sont dattées du 27 d’Aoust, et disent davantage que sa quatriesme du 20. Une du R. P. Claude à ses deux freres, Monsieur Foulon, et le P. Martial[165] et une commune des deux sudits Peres escrite à Monsieur Fermanet, et pour vous faire une histoire et narré agreable, et ne repeter les mesmes choses tout a esté compilé et mis en une seule lettre comme vous voirez, et tres-fidelement avec leur paroles propres. Or lisez au nom de Dieu.

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