Voyage dans le nord du Brésil fait durant les années 1613 et 1614
ADVERTISSEMENT
au Lecteur.
Amy lecteur, vous serez adverty, que je ne feray aucune repetition des choses que le Reverend Pere Claude a escrit en son histoire, seulement j’adjousteray ce que l’experience m’a donné plus qu’à luy, n’ayant esté que quatre mois dans Maragnan et moy deux ans entiers : vous trouverez ceste verité, quand vous confererez nos deux escrits ensemble, d’autant que l’addition que j’en feray, supposera ce qu’il en aura escrit de mesme matiere.
PREFACE
Sur les deux
Traittez suivans.
La Sapience, aux Proverbes 29. propose un enigme tres-beau en ces paroles : pauper & dives obviaverunt sibi, utriusque illuminator est Dominus : J’ay veu le pauvre sortir d’un hospital chargé de playes et d’ulceres, couvert & non vetu de vieux haillons, marcher en la place publique, & entrer dans le temple du Seigneur par la porte du midy : & en mesme heure j’ay consideré le riche sortir de son Palais bien vetu de soye, & paré d’or, d’argent et de pierres precieuses, venir le long de la voye qui s’aboutit à la porte du Tabernacle du coté de Septentrion, si à propos, que l’un & l’autre, le pauvre & le riche, se sont rencontrez teste à teste, front à front, droict au milieu du grand rideau du Sancta Sanctorum, où la face du Seigneur rend une si belle clarté, que le visage de ces deux rayonnoit d’une mesme splendeur Divine. Voilà ce que veut dire la Sapience sous l’obscurité de ces paroles.
Laissons les diverses explications mystiques et spirituelles qui se peuvent tirer de là, & prenons seulement celle qui faict à nostre subject, laquelle nous avons mise pour frontispice à nostre livre.
Ce pauvre est le pere Sainct François, et les Religieux de son Ordre : Ce Riche est la Royale puissance de sa Majesté tres-Chrestienne procedee de la tige sacree du Roy Sainct Louys. Quand est ce, & en quel lieu, ce Pauvre, & ce Riche se sont-ils trouvez à la rencontre ? ç’a esté veritablement en la Mission Evangelique pour convertir les Indiens. Le troisiesme s’est trouvé entre les deux, sçavoir est, ce grand Dieu illuminateur des pecheurs, gisans sous les tenebres de la mort.
Le pauvre Sainct François a faict dans les Indes, ce que disoit Sainct Paul, en la conversion des Gentils ; Ego plantavi, J’ay planté la Foy parmy les Sauvages de Maragnan : Sainct Louys protecteur de la France & Ayeul de nostre Roy respond, suivant la promesse faicte quand nous embrassames ceste entreprise, Rigabo, Je l’arrouseray, & ne permettray qu’elle se flestrisse, faute de luy donner soulagement. Car ce n’est rien, de planter, si l’humeur manque à la racine qui refocille la plante nouvelle : autrement l’ardeur du Soleil secheroit le tout : Et nostre Dieu qui suit tousjours la disposition des subjets, asseure infalliblement qu’il donnera augmentation à l’entreprise, Incrementum dabo : Et ce par une lumiere plus grande de jour en jour des mysteres de nostre Foy versee sur ces Indiens obtenebrez de l’ignorance, utriusque illuminator est Dominus, Le Seigneur est le flambeau de tous deux.
Qui le peut mieux sçavoir que les Sauvages, lesquels en rendent temoignage par les Baptesmes qu’il ont receu de nos mains, & la promesse comme generale de se faire Chrestiens ? c’est pourquoy ils font responce, credimus. O pieté Royale, vous n’avez point perdu vostre temps de nous avoir envoyé les messagers de l’Evangile.