L'Histoire de France racontée par les Contemporains (Tome 2/4): Extraits des Chroniques, des Mémoires et des Documents originaux, avec des sommaires et des résumés chronologiques
CANTILÈNE EN L'HONNEUR DE SAINTE EULALIE [23].
Buona pulcella fut Eulalia,
Bel avret corps, bellezour anima.
Voldrent la veintre li Deo inimi,
Voldrent la faire diavle servir.
Elle n'out eskoltet les mals conseillers,
Qu'elle Deo raneiet chi maent sus en ciel,
Ne por or, ned argent, ne paramenz,
Por manatce regiel ne preiemen;
Ne ule cose non la pouret oncque pleier.
La polle sempre non amast lo Deo menestier;
E por o fut presente de Maximiien,
Chi rex eret a cels dis sovre pagiens.
El li enortet dont lei nonque chielt,
Qued elle fuiet lo nom christien.
Ell' ent adunet lo suon element,
Melz sostendreiet les empedementz,
Qu'elle perdesse sa virginitet.
Por o s' furet morte a grand honestet.
Enz en l'fou la getterent com arde tost.
Elle colpes non avret, por o no s' coist.
A ezo ne s' voldret concreidre li rex pagiens;
Ad une spede li roveret tolir lo chief.
La domnizelle celle kose non contredist;
Volt lo seule lazsier si ruovet Krist.
In figure de colomb volat a ciel.
Tuit oram que por nos degnet preier
Qued avuisset de nos Christus mercit
Post la mort, et a lui nos laist venir,
Par souue clementia.
Traduction littérale.
Eulalie [24] fut une bonne jeune fille,
Beau corps avait, plus belle âme.
Veulent la vaincre les ennemis de Dieu,
Veulent la faire servir le diable.
Elle n'eût écouté les mauvais conseillers (qui lui disaient)
Qu'elle reniât Dieu qui demeure là-haut au ciel,
Ni pour or, ni argent, ni parures,
Par menaces royales, ni prières;
Ni aucune chose ne la pourrait jamais ployer.
Le gouvernement n'aima pas toujours le service de Dieu;
Et pour cela fut présentée à Maximien,
Qui était roi, à ces jours, sur les païens.
Il l'exhorte à ce dont elle ne se soucie jamais,
Qu'elle fuie le nom chrétien.
Avant qu'elle abandonne le sien élément (principe),
Mieux soutiendrait les tortures,
Qu'elle perdit sa virginité.
Pour cela elle est morte à grand honneur.
Dedans le feu la jetèrent, afin qu'elle brûlât vite.
Elle n'avait pas de péchés, pour cela elle ne cuit (brûla) pas.
A cela ne se voulut fier le roi païen;
Avec une épée il ordonna de lui enlever la tête.
La demoiselle cette chose ne contredit;
Veut le siècle (le monde) laisser si le Christ l'ordonne.
En forme de colombe vole au ciel.
Tous nous prions que pour nous elle daigne prier
Qu'ait merci (pitié) de nous le Christ
Après la mort, et à lui nous laisse venir
Par sa clémence.