L'Histoire de France racontée par les Contemporains (Tome 2/4): Extraits des Chroniques, des Mémoires et des Documents originaux, avec des sommaires et des résumés chronologiques
SIMON DE MONTFORT DEVIENT COMTE DE BÉZIERS.
1209.
Après la conquête de la vicomté de Béziers, les croisés se rassemblent pour se donner un chef.
L'abbé de Cîteaux n'oublie point, sachez, ce qu'il doit faire; il leur a chanté la messe du Saint-Esprit, et prêché comment Jésus-Christ vint au monde; puis il leur dit que dans la contrée par les croisés conquise il veut qu'il y ait tout de suite pour gouverneur un seigneur d'élite. Il propose au comte de Nevers de l'être; mais celui-ci n'y veut à aucun prix consentir; le comte de Saint-Pol non plus, qui fut élu ensuite. Ils disent que si longtemps qu'ils puissent vivre, ils ont assez de terre, dans le royaume de France, où naquirent leurs pères, et n'ont aucune envie de la terre d'autrui. Et l'on croirait que dans tout l'ost il n'y a pas un baron qui ne se tienne pour trahi s'il accepte cette terre.
Mais là, dans ce conseil, dans ce parlement, il y avait un puissant seigneur, vaillant et preux, hardi, bon guerrier, sage et bien appris, bon chevalier, libéral, brave et avenant, doux, franc, affable et de bonne intention. Il était resté longtemps là-bas, outre-mer [166], dans un fort château, distingué là comme partout. Il était seigneur de Montfort et de la terre qui en dépend, et comte de Leicester, si la geste ne ment pas. C'est lui que tous se mettent à prier de prendre la vicomté tout entière, et tout le surplus du pays de la gent mécréante. «Seigneur, lui dit l'abbé de Cîteaux, pour Dieu le tout puissant, acceptez la seigneurie qui vous est offerte; bons garants vous en seront Dieu et le pape, et après eux, nous et tout le monde. Nous vous serons en aide toute notre vie.»—«Ainsi ferai-je, dit le comte, à cette condition que les barons qui sont ici me jureront qu'en besoin urgent de défense ils viendront tous, à mon appel, me secourir.»—«Nous vous le promettons loyalement,» disent tous les barons; et là-dessus, le comte vite et résolûment accepte la vicomté, la terre et le pays.
Histoire de la Croisade contre les Albigeois, traduite par Fauriel.