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L'Histoire de France racontée par les Contemporains (Tome 2/4): Extraits des Chroniques, des Mémoires et des Documents originaux, avec des sommaires et des résumés chronologiques

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MORT DU COMTE DE TOULOUSE.—AMAURY DE MONTFORT CÈDE SES DOMAINES AU ROI DE FRANCE.
1222-1224.

En 1222, le comte de Toulouse mourut, de mort subite, sans pouvoir parler; mais, conservant encore sa mémoire et sa connaissance, il tendit les mains vers l'abbé de Saint-Sernin, dom Jourdain, qui accourait vers lui, et fit un geste de dévotion; puis, les frères hospitaliers de Saint-Jean étant arrivés et posant sur lui un poêle avec la croix, il l'embrassa, et mourut aussitôt. On porta son corps dans leur maison, mais il ne fut point enseveli, parce qu'il était excommunié, et encore aujourd'hui le garde-t-on privé de sépulture, comme on le voit. Son fils, après avoir fait la paix avec l'Église et le roi de France, produisit vainement des témoins devant le pape, afin de prouver qu'il avait donné des signes de repentir; il ne put obtenir la permission d'ensevelir son père...

Le comte Amaury ne pouvait pas maintenir le pays, n'ayant pas assez d'argent pour solder des hommes de guerre et les retenir; de sorte que soixante chevaliers français le quittèrent pour revenir en France. Or, le comte de Toulouse ayant été à leur rencontre au delà de Béziers, ceux-ci lui livrèrent armes et chevaux de guerre à la condition de pouvoir se retirer sur leurs palefrois en toute sûreté et sans autre rançon. Mais le comte de Toulouse, les regardant déjà comme en son pouvoir, ne voulut point consentir à cet arrangement. Alors, nos Français aimèrent mieux tenter la fortune que de se laisser vaincre honteusement et garrotter; ils coururent aux armes, nommèrent l'un d'eux comme chef du combat, auquel ils devaient obéir en tout; et sachant bien qu'un choc donné d'ensemble procure la victoire, ils ne forment qu'une seule troupe, et faisant filer devant les valets et les bêtes de somme, ils résistent aux attaques acharnées de l'ennemi; puis, saisissant le moment, ils se retournent, chargent les assaillants, les mettent en déroute, les poursuivent avec vigueur, en tuent un grand nombre, parmi lesquels Bernard d'Audiguier, brave chevalier du comtat d'Avignon, qui portait les armes du comte de Toulouse. Vainqueurs de leurs nombreux ennemis et croyant avoir tué le comte lui-même, nos chevaliers revinrent glorieusement en France, faisant honneur aux armes françaises et bien dignes en effet d'honneur et de gloire.

Deux ans s'étant passés au milieu des alternatives de la guerre, le comte Amaury, voyant l'inconstance des gens de ses terres et que peu à peu ils passaient tous à l'ennemi, céda ses domaines à l'illustre roi de France Louis VIII, et le fit son successeur à tous ses droits.

Chronique de Guillaume de Puy-Laurens, traduite par L. Dussieux.

Guillaume de Puy-Laurens vivait à la fin du treizième siècle, et fut chapelain du comte Raymond VII. Sa chronique va du commencement de la croisade jusqu'en 1272; elle est imprimée dans le t. V. de la Collection des historiens français de Duchesne.

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