L'Histoire de France racontée par les Contemporains (Tome 2/4): Extraits des Chroniques, des Mémoires et des Documents originaux, avec des sommaires et des résumés chronologiques
DE CELUI QUI JURA VILAIN SERMENT.
1256.
Une fois avint que le roi chevauchoit parmi Paris; si oï et entendi un homme qui jura trop villainement de Dieu: si en fu le roy moult courroucié en son cuer et commanda que il feust pris, et le fist signer d'un fer bien chaut et ardant parmi la lèvre de sa bouche, pour ce que il eust perdurable mémoire de son péchié et que les autres doubtassent à jurer villainement de leur créateur. Moult de gens murmurèrent contre le roy pour ce que cil estoit si laidement signé. Le roy, qui bien entendit leur murmurement, ne s'en esmut de rien contre eux, ainsois fu remembrant de l'Escripture, qui dit: «Sire Dieu, il te maudiront et tu les béniras.» Si dist une parole qui bien fu escoutée: «Je voudroie estre ainsi signé et en telle manière comme celluy est, et jamais villain serement ne feust juré en mon royaume.» La sepmaine emprès que cil fu signé le roy donna aux povres femmes lingières qui vendent viez peufres [260] et viez chemises, et aux povres ferrons qui ne pevent avoir maisons la place d'entour les murs des Innocents pour Dieu et en aumosne. Si en fu moult bénéi du peuple [261].
Les Grands Chroniques de Saint Denis, publiées et annotées par M. Paulin Pâris.