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L'Histoire de France racontée par les Contemporains (Tome 2/4): Extraits des Chroniques, des Mémoires et des Documents originaux, avec des sommaires et des résumés chronologiques

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LA PRAGMATIQUE SANCTION.
1269.

Malgré la bulle d'Alexandre IV qui défendait toute sentence d'excommunication ou d'interdit sur les terres de France, l'exemple de l'Angleterre ne rassurait point entièrement Louis IX sur la paix de l'Église du royaume; car des événements imprévus pouvaient pousser un autre pontife à changer cette disposition. Le monarque résolut donc de fixer lui-même par des statuts réguliers les limites de l'autorité papale quant au temporel, et de proclamer à ce sujet son indépendance absolue. Sa présence en France et l'attitude de son parlement avaient suffi jusque alors; mais ce frein échappait avec lui, et il sentit encore plus la nécessité d'une manifestation énergique, quand Clément IV, avant sa mort, décida que tous les bénéfices ecclésiastiques seraient désormais, comme toujours, à la disposition du saint-siége, qui pourrait les conférer, vacants ou non vacants.

Ces sortes d'empiétements de juridiction s'étaient successivement augmentés à chaque nouvelle croisade entreprise sons l'influence papale, et Louis, le plus pieux des princes, mais aussi l'un des plus éclairés, en redoutait surtout l'abus à la veille d'une longue absence [262]. Aussi, après de mûres réflexions et avoir pris les conseils de ses prud'hommes et l'avis du parlement, dont la plupart des prélats du royaume faisaient partie, il se décida à promulguer l'ordonnance appelée Pragmatique sanction. Cette ordonnance a été considérée depuis comme le premier acte fondateur des libertés de l'Église gallicane, titre inconnu jusque alors, en les déclarant et les expliquant. Elle était ainsi conçue:

«Louis, par la grâce de Dieu, roi des Français, à la perpétuelle mémoire de la chose;

«Voulant pourvoir à la tranquillité des églises du royaume, à l'augmentation du culte divin, au salut des âmes, et désirant obtenir la grâce et le secours du Tout-Puissant, sous la protection duquel nous mettons notre royaume, avons par le présent édit perpétuel, ordonné et ordonnons:

«Premièrement: que les prélats des églises de notre royaume, patrons et collateurs ordinaires de bénéfices jouiront pleinement de leurs droits et conserveront leur juridiction, sans que Rome y puisse donner aucune atteinte par ses réserves, par ses grâces expectatives ou par ses mandats;

«Secondement: que les églises cathédrales ou abbatiales et autres pourront faire librement leurs élections, qui sortiront leur plein et entier effet;

«Troisièmement: que le crime de simonie, qui infecte l'Église, soit entièrement banni du royaume, comme une peste préjudiciable à la religion;

«Quatrièmement: nous voulons que les promotions, collations, provisions et dispositions des prélatures, dignités et autres bénéfices et offices ecclésiastiques de notre royaume se fassent suivant la disposition du droit commun des sacrés conciles et les ordonnances des anciens pères de l'Église;

«Cinquièmement: voulant empêcher les exactions insupportables de la cour romaine, qui se trouve malheureusement appauvrie, nous défendons de lever les sommes qu'elle a accoutumé d'imposer sur les églises du royaume, si ce n'est pour une cause pieuse, raisonnable et pressante, et de notre exprès commandement et de celui des églises de France;

«Sixièmement, enfin: approuvons et confirmons par les présentes les libertés françaises, immunités, prérogatives, droits et priviléges accordés par les rois de France nos prédécesseurs, ou par nous, aux églises, monastères, et aux personnes religieuses de notre royaume.

«En témoignage de quoi avons fait apposer notre sceau aux présentes lettres. Donné à Paris, en mars, l'an de Notre-Seigneur Jésus-Christ 1269.

Histoire de saint Louis, par le marquis de Villeneuve-Trans, 3 vol. in-8o, 1839.—T. III, p. 361.

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