Histoire des légumes
FENOUIL DOUX
(Anethum dulce D. C.)
Le Fenouil doux, dit aussi Fenouil de Florence ou de Bologne, est une plante potagère très estimable, dont parlent tous les ouvrages d’Horticulture, mais que l’on s’obstine en France à ne pas cultiver. La plante appartient à la famille des Ombellifères ; elle n’est qu’une variété modifiée du Fenouil officinal indigène dans l’Europe méridionale.
Ce sont les pétioles foliaires renflés à la base et devenus succulents qui forment la partie comestible du Fenouil doux. Par le buttage, on obtient de ces pétioles étiolés et agglomérés une sorte de « pomme » d’un goût sucré et aromatique, que l’on mange soit cru comme un hors-d’œuvre, soit cuit à l’étuvée et associée aux viandes, soit en salade comme le Céleri avec lequel le Fenouil a d’ailleurs les plus grands rapports.
Le Fenouil doux est un légume relativement moderne. Selon quelques auteurs il aurait été apporté des Açores. Il serait plutôt d’origine syrienne. Dans tous les cas, les auteurs grecs et latins l’ont ignoré. Crescenzi, agronome italien au XIIIe siècle, ne parle que du Fenouil commun. La première mention certaine est dans Agostino del Riccio, lequel dit qu’au milieu du XVIe siècle, le Fenouil doux — Finocchio dolce — était cultivé en Italie comme plante étrangère et nouvelle dans quelques jardins qu’il cite. Vers cette époque, il aurait été apporté de Bologne à Florence. Les frères Bauhin et Gesner l’appellent Fenouil de Florence ou romain[84].
[84] Targioni-Tozetti. Cenni storici, 2e éd., p. 52.
En effet, pour les Italiens, c’est un légume favori. On le trouve chez eux sur toutes les tables pendant six mois de l’année. Finocchio e pane mi bastua ! Il me suffit d’avoir du Fenouil et du pain. C’est un dicton populaire du dialecte vénitien.
En France, sans être généralisée, la culture du Fenouil doux était autrefois plus en honneur. Cl. Mollet, jardinier de Henri IV et de Louis XIII, le cultivait au potager royal[85]. Ici on sent l’influence de la cour italienne des Médicis. Van der Groen, jardinier du Prince d’Orange, le dit cultivé dans le Brabant en 1669. L’abbé Rozier (Cours d’Agriculture, 1786) constate qu’il était assez répandu dans le Nord de la France où on ne le trouve plus assurément.
[85] Théâtre des plans et jardinages, p. 159.
Dans les temps modernes, M. Audot, éditeur horticole, appela l’attention sur cette plante potagère d’un usage général en Italie et qu’il avait remarquée pendant un voyage qu’il fit en 1839-40[86]. Sous le second Empire M. Vavin, à Bessancourt, grand amateur de plantes potagères curieuses, présenta plusieurs fois des échantillons de Fenouil doux aux séances de la Société impériale d’Horticulture et en recommanda la culture dans le Journal de cette Société[87]. Nous n’aurions garde d’oublier, parmi les propagateurs du Fenouil doux, MM. Paillieux et Bois. Leur Potager d’un Curieux contient un long chapitre sur cette plante potagère négligée qui serait une excellente addition à nos légumes d’hiver.
[86] Rev. hortic. t. V, (1re série) p. 16.
[87] Jal Soc. imp. d’Hortic. 1862, p. 222 ; 1870, p. 492.