Histoire des légumes
Plantes condimentaires
CERFEUIL
(Anthriscus Cerefolium Hoffm.)
Les condiments jouent un rôle de première importance dans l’art culinaire. Ils sont même indispensables pour assurer la digestibilité des aliments, sans parler du point de vue purement gastronomique, car des mets non assaisonnés seraient peu appétissants. De là vient que, pour augmenter le nombre des épices employées par les « cordons bleus », nous cultivons dans les jardins potagers quelques plantes condimentaires. Nous citerons le Persil, le Cerfeuil, l’Estragon, l’Ail et les Cives, le Cresson alénois, le Thym et la Sarriette. Comme on le voit, les fines herbes sont surtout des plantes aromatiques et excitantes. Les unes donnent du goût aux sauces et aux aliments ; d’autres, sous le nom de fournitures, servent à relever la fadeur des salades.
On n’ignore pas que les habitudes culinaires varient selon les temps et les lieux. Chaque peuple a ses mets et ses condiments préférés.
La cuisine ancienne, beaucoup plus épicée que la nôtre, admettait l’emploi d’une foule d’aromates et de plantes condimentaires inusités de nos jours. De celles-ci nous parlerons plus longuement au chapitre des plantes potagères abandonnées.
Chez les anciens Grecs, par exemple, les principaux assaisonnements de ce genre étaient les Câpres, l’Origan, la Ciboulette, la Sauge, l’Ail, la Rue, le Thym, le Seseli, le Cumin et le Silphion qui paraît être une Ombellifère voisine des Férules[528].
[528] Athénée, Banquet des Savants, l. 4, p. 148.
Les Romains employaient le Gingembre de l’Arabie, le Cumin d’Egypte, l’Anis et l’Aneth, Coriandre, Menthe, Origan, Carvi, Câpres, Thym, Ciboulette, Rue, Sauge, Persil, Cerfeuil, Ache, Basilic, Serpolet, Cresson alénois, Pouliot.
Une liste des plantes condimentaires employées au moyen âge comprendrait : Baume-Coq, Sarriette, Pouliot, Basilic, Hysope, Marjolaine, Menthe, Souci, Oseille, Sauge, Orvale ou Toute-bonne, Persil, Romarin, Lavande, Fenouil[529].
[529] Ménagier de Paris, t. II, pp. 126, 231.
Il n’est si petit jardin qui ne contienne du Cerfeuil, cette Ombellifère annuelle à l’odeur fine et agréable. C’est l’une des herbes condimentaires les plus usitées pour l’assaisonnement des salades, omelettes, vinaigrettes et pour aromatiser les potages.
Selon Alph. de Candolle, le Cerfeuil paraît indigène dans le Sud-Est de la Russie et dans l’Asie méridionale tempérée. Des botanistes l’ont rencontré spontané en Crimée, au midi du Caucase, dans les montagnes septentrionales de la Perse.
L’espèce a dû se propager d’Orient dans le monde gréco-romain pendant les trois siècles qui ont précédé l’ère actuelle[530].
[530] Origine des pl. cultivées, 4e éd. p. 72.
Les Anciens ont employé le Cerfeuil comme plante condimentaire, mais il n’a dû acquérir une véritable importance culinaire qu’à partir du moyen âge. Pline et Palladius connaissaient le Cærefolium, herbe, dit le premier auteur, que les Grecs appellent Pœderos et que l’on mange cuite comme les autres légumes[531]. Columelle a grécisé le nom de la plante en Chærophyllum, mot conservé par les botanistes pour désigner le Cerfeuil bulbeux.
[531] Pline, l. XIX, 54. — Palladius, l. III, 24.
Le Cerefolium latin est la source du mot français Cerfeuil et du nom de cette plante dans la plupart des langues européennes : italien, Cerefoglio ; anglais, Chervil ; allemand, Korffol ; flamand, Kervell, etc.
Au XIIe siècle, le Glossaire de Tours donne les synonymes suivants : « Cerfolium, Sermenna, en langue romane : Cerfoiz. » Quelques livres de recettes médicales du XIIIe siècle orthographient cierfuel, cierfieul, li cierfieus[532]. Au XVIe siècle, on rencontre les formes cherfeult, cerfueil, serfueil, etc.
[532] Bibl. nat. Ms. f. fr. no 2039 et Romania, t. XVIII, p. 573.